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Front laïque de la jeunesse antifasciste

Motion parue dans Jeunesse, du 25 avril au 1er mai 1946 ; suivi de « Lettre ouverte à la jeunesse démocratique », Jeunesse, du 9 au 15 mai 1946 ; « Unité d’action antifasciste de la jeunesse ! », L’Humanité, 15 mai 1946 ; Roger Didier, « La J.C.I. et le Front laïque de la jeunesse antifasciste », La Vérité, 7 juin 1946 ; « Programme d’action », Jeunesse, du 27 juin au 3 juillet 1946 ; Gill, « Premier meeting du Front laïque et antifasciste de la jeunesse », La Jeune garde, 20 novembre 1946


Le congrès national des J.S. réuni à Perpignan après avoir pris connaissance des propositions du mouvement laïque des « Auberges de la Jeunesse » tendant à la création d’un front laïque de la jeunesse antifasciste décide d’apporter sa participation totale à ce front et demande à toutes les organisations de jeunesses laïques et antifascistes sans exception d’y adhérer.

Adoptée à l’unanimité.


Lettre ouverte à la jeunesse démocratique

Chers Camarades,

Le rejet de la Constitution par le corps électoral montre l’étendue de l’offensive réactionnaire et nous rappelle que le danger fasciste est loin d’être écarté.

Il n’est pas douteux que les partis aux ordres des trusts et des banques vont tenter de pousser plus loin leurs avantages et vont maintenant engager une offensive accrue contre l’école laïque, contre les salaires des travailleurs, puis contre toutes les libertés démocratiques si chèrement acquises.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut maintenant nous regrouper, malgré les divergences doctrinales, afin d’opposer un bloc invincible à l’attaque fasciste.

Le moment est venu de laisser au second plan tout ce qui nous divise et de combattre ensemble pour la défense de la jeunesse laborieuse.

Notre congrès national s’est adressé à toutes les organisations laïques et antifascistes de la jeunesse, pour leur proposer la lutte en commun. A l’heure actuelle, ce regroupement est plus nécessaire que jamais.

Aujourd’hui, nous vous réitérons cet appel.

Nous vous demandons de vous joindre à nous pour constituer dans le plus bref délai « Le front laïque de la jeunesse antifasciste ».

Le bureau national des Jeunesses Socialistes.

Cette lettre a été adressée aux organisations suivantes :

UJ.R.F., F.S.G.T., Ligue de l’Enseignement, M.L.A.J., Jeunes du Syndicat des Instituteurs, Amis de la Nature, Camarades de la Liberté, Jeunes de la L.I.C.A., République des Jeunes, Jeunes du M.N.C.R.


FACE A L’OFFENSIVE REACTIONNAIRE

Unité d’action antifasciste de la jeunesse !

UNE REPONSE DE L’UNION DE LA JEUNESSE REPUBLICAINE DE FRANCE AUX JEUNESSES SOCIALISTES

Au Bureau National des Jeunesses Socialistes

Paris, le 14 mai 1946.

Chers camarades,

C’est avec intérêt que nous avons pris connaissance de la lettre par laquelle vous nous demandez de constituer avec toutes les organisations démocratiques de la jeunesse un rassemblement de la jeunesse laïque et antifasciste.

L’Union de la Jeunesse Républicaine de France n’a jamais cessé, en ce qui la concerne, d’appeler à l’union de toutes les forces démocratiques et antifascistes de la jeunesse et nous sommes heureux aujourd’hui de constater que le Bureau National des Jeunesses Socialistes partage notre point de vue.

L’Union de la Jeunesse Républicaine de France est l’héritière d’un glorieux passé de lutte pour l’unité de la jeunesse contre le fascisme, du passé de la Fédération des Jeunesses Communistes de France et des organisations de jeunes résistants qui sont venues se joindre à elle.

Elle ne peut manquer d’être présente dans un rassemblement de la jeunesse laïque. Elle y sera en souvenir de ses héros et de ses martyrs de la lutte antifasciste. VUILLEMIN, SCORTICATTI, combattants de février 1934, Louis PERRAULT, René HAMON, combattants des Brigades Internationales, tombés aux côtés des républicains espagnols, lavant notre pays de la honte criminelle de la non-intervention, de ses héros légendaires : Guy MOCQUET, arrêté en octobre 1940, et fusillé à Châteaubriant en 1941, le colonel FABIEN, Danielle CASANOVA, Jean HEMMEN, DAX (Marcel PAIMPAULT), Pierre NOEL, et des milliers de jeunes patriotes qui ont donné glorieusement leur vie dans la lutte contre le fascisme.

Elle y sera parce que, organisation résolument laïque et antifasciste de la jeunesse, elle dirige tous ses efforts pour entraîner la jeunesse de France contre les forces du passé et pour la conduire vers un avenir radieux, dans une République nouvelle, vraiment démocratique, antifasciste, laïque et sociale.

Vous soulignez très justement l’étendue de l’offensive réactionnaire qui a abouti au rejet de la Constitution, et vous pensez que l’unité entre les forces de la jeunesse démocratique est une nécessité pour faire échec à cette offensive.

C’est pourquoi nous ne doutons pas que vous ayez, comme nous, déploré que ces forces laïques et antifascistes ne soient pas allées à la bataille du referendum étroitement liées, comme le proposa le Comité Central du Parti Communiste Français au Comité Directeur du Parti Socialiste.

Une bataille commune menée par ces deux grands partis et la C.G.T., bataille à laquelle nous aurions participé unis, aurait abouti, vous n’en doutez pas, à renverser la faible majorité de « NON ».

En répondant affirmativement à votre proposition d’unité d’action, nous formulons l’espoir que cette entente entre nos deux organisations soit un exemple pour nos aînés et que l’unité à laquelle nous aspirons tous se réalise non seulement chez les jeunes, mais également chez les adultes.

Croyez, chers camarades, à l’assurance de nos sentiments antifascistes et républicains.

Pour le Bureau National de l’Union de la Jeunesse Républicaine de France :

André LEROY,
Madeleine VINCEST,
René ROUCAUTE.


La J.C.I. et le Front laïque de la jeunesse antifasciste

Vingt mois de libération, et cinq élections n’ont apporté à la jeunesse travailleuse aucune des solutions indispensables à sa vie.

Un espoir rapidement balayé pendant la période d’août-septembre 1944 et c’est tout.

Un salaire de famine, un ravitaillement de plus en plus difficile, et même, alors que des centaines de villes ou villages ont été détruits, alors que les usines manquent de machines, et que les produits les plus élémentaires sont souvent impossibles à trouver à des prix abordables, un chômage continuel et désespérant.

A peine vingt mois après la libération, les partis fascistes osent s’exhiber en public. Une nouvelle jeunesse hitlérienne, héritière d’une propagande dont nous avons connu les fruits pendant quatre ans, renaît à nouveau. Les culottes de peau, les poings sur les hanches, les matraques et les poings américains, nous les revoyons partout. La jeunesse du Parti Républicain, dit de la Liberté, a su prendre des leçons sous Vichy et sous Paris occupé.

Déjà une partie de la bourgeoisie s’efforce de reconstruire le fascisme en France. Une armée de métier, commandée par des officiers, anciens cagoulards ou monarchistes, renaît et se développe.

La campagne électorale nous a montré que les partis réactionnaires savaient s’unir pour tenir des réunions, même dans des quartiers ouvriers comme le 20e arrondissement.

Devant des éléments si graves, et qui peuvent devenir des plus dangereux pour la jeunesse ouvrière et pour la classe ouvrière dans son ensemble, la jeunesse communiste internationaliste pense qu’il est de son devoir d’appeler les jeunesses ouvrières qui se disent laïques et antifascistes à adhérer au Front laïque de la Jeunesse antifasciste.

La J.C.I. a donné son adhésion au F.L.J.A. depuis plus de quinze jours.

UNITE ORGANIQUE OU UNITE

La jeunesse communiste internationaliste quoique ayant adhéré au F.L.J.A. n’abandonne en rien son programme révolutionnaire.

Le F.L.J.A. ne doit pas être une nouvelle organisation de la jeunesse avec ses propres cadres et ses militants.

Pourtant ce Front laïque peut, et doit être la préface à une fusion organique de la jeunesse ouvrière sur un programme révolutionnaire dans la mesure ou actuellement, nous pourrons frapper ensemble, mais garder d’une façon démocratique le droit de critique et de défense de nos programmes respectifs. Seuls des faits positifs pourront nous unir.

Chaque Mouvement adhérant au F.LJ.A. possède ses cadres, ses militants, et défend un certain programme ; ces mouvements ont même ou peuvent avoir des buts différents ;

La Jeunesse Communiste Internationaliste, jeunesse politique du Parti Communiste Internationaliste, pense qu’il ne sera possible d’écarter le danger fasciste que dans la mesure où le capitalisme sera écrasé et où les ouvriers posséderont le pouvoir et instaureront le socialisme.

Mais actuellement le régime capitaliste vit encore, et la jeunesse fasciste se montre de plus en plus agressive. C’est pourquoi la J.C.I. estime que ce front est plus que nécessaire pour :

1° Défendre les revendications des jeunes travailleurs ;

2° Lutter effectivement contre le fascisme en empêchant ses membres de se réunir en meeting public ;

3° Cette unité d’action devra nous mener à la formation de groupes d’auto-défense de jeunes ouvriers qui, unis dans le combat physique contre les J.P.R.L. et consorts, sauront répondre aux préoccupations politiques de la période actuelle ;

4° Enfin, lutter en commun pour une véritable séparation de l’Etat et des curés. Plus de subvention pour les écoles libres.

Programme différent pour chaque organisation ? OUI.

Unité d’action ? OUI.

La Jeunesse Communiste Internationaliste consciente de la nécessité de la lutte révolutionnaire de la jeunesse travailleuse apportera tout son appui a toutes actions du Front Laïque de la Jeunesse antifasciste contre la bourgeoisie.

Roger DIDIER.
du Comité Régional de la J.I.C.


Front laïque et antifasciste de la Jeunesse

PROGRAMME D’ACTION

Nous publions ci-dessous le texte du manifeste rédigé par les mouvements de jeunes membres du Front laïque et antifasciste de la Jeunesse.

LES délégués des organisations nationales suivantes : Union de la Jeunesse Républicaine de France, Jeunesses Socialistes S.F.I.O., F.S.G.T., Mouvement laïque des Auberges de la Jeunesse, Camarades de la Liberté, Jeunesses laïques et républicaines, les Jeunes de la L.I.C.A. réunies le 17 juin 1946 constatent leur accord pour opposer à l’offensive de la réaction cléricale et du fascisme un Front laïque et antifasciste de la Jeunesse. Elles appellent toutes les organisations laïques et antifascistes à se joindre à elles pour :

LA DEFENSE DE LA LAICITE

par une Constitution démocratique garantissant la laïcité de l’Etat et de l’enseignement.

  • la suppression des subventions aux écoles libres ;
  • le contrôle par les mouvements de jeunesse de la répartition des subventions ;
  • l’action commune pour la défense et le maintien du caractère laïque des institutions de jeunesse (maisons de jeunes, Auberges de la jeunesse, etc.) ;
  • L’EXTERMINATION DU FASCISME JUSQUE DANS SES RACINES EN FRANCE ET DANS LE MONDE ;
  • Action commune pour barrer la route la réaction et au fascisme qui se regroupent particulièrement dans le P.R.L. ;
  • Dénonciation de toutes idées et méthode racistes ;
  • Châtiment des traîtres et des criminels de guerre ;
  • Aide au peuple espagnol dans sa lutte contre Franco.

POUR FAIRE ABOUTIR LES REVENDICATIONS DE LA JEUNESSE :

  • Maintien dans la nouvelle Constitution des droits prévus dans le précédent projet.
  • Augmentation des salaires et traitements et blocage des prix.
  • Application du principe A TRAVAIL EGAL, SALAIRE EGAL.
  • Organisation de l’orientation et de la formation professionnelle.
  • Démocratisation de l’enseignement afin de permettre aux jeunes des classes laborieuses d’accéder aux plus hautes études.
  • Mise à la disposition des jeunes de moyens de pratiquer les sports et d’organiser leurs loisirs.

Premier Meeting du Front Laïque et Antifasciste de la Jeunesse

UNITÉ D’INACTION !
FREIN LAIQUE et ANTIFASCISTE de la JEUNESSE !

Le 23 octobre, les organisations participantes au F. L. A. J. (U. J. R. F., J. S., M. L, A. J., Jeunes de la L. I. C. A.) invitaient la jeunesse parisienne à assister, à la salle de la Mutualité, à un grand meeting pour la défense de l’école laïque.

Trois mille jeunes étaient venus à l’appel des organisations U. J. R. F., J. S., A. J. Le F. L. A. J. n’ayant eu jusqu’ici qu’une existence bureaucratique et n’étant apparu à aucun moment dans la lutte contre le fascisme et la défense de la laïcité, les jeunes étaient en droit d’attendre des organisations participantes, des directives et des mots d’ordre d’action.

En fait de directives et de mots d’ordre d’action on entendit une série de discours de la plus pure tradition radicale-socialiste. Chaque orateur a fait la réclame de son petit remède (très raisonnable petit remède de famille) pour détruire le poison clérical ; et a donné à peu près ça :

Le remède de l’orateur des jeunes de la L. I. C. A., c’est la compréhension. Vous savez ! On s’invite mutuellement à « se mieux comprendre » et par la vertu de la persuasion, évêques et curés prennent subitement conscience de la nocivité de l’enseignement religieux et envoient leurs ouailles à l’école laïque …

Dunoyer des J. S. est violent. « Fermez les écoles libres ! ». Bravo ! Mais a qui s’adresse Dunoyer ? Au gouvernement Bidault, Gouin, Thorez. Le ministre de l’Education nationale, M. Naegelen est socialiste, faisons-lui confiance …

Baroin, au nom du M. L. A. J., s’indigne des subventions accordées aux mouvements de jeunesse confessionnels, alors que ceux alloués aux mouvements laïques sont dérisoires. Baroin s’indigne justement. Mais qui votent les crédits ? Les amis de Madeleine Lagrange, présidente d’honneur du M. L. A. J …

Quant à Tarelli de l’U. J. R. F., le remède qu’il préconise est simple, et de bon sens. Si l’école laïque est en danger, c’est qu’elle a trop de locaux endommagés par la guerre. Eh bien ! Que les jeunes laïques, sincèrement républicains, se mettent à l’ouvrage pour reconstruire, replâtrer les locaux scolaires … après les heures de travail et gratuitement … ! M. Schuman Robert doit etre bien content de cette solution économique pour le budget de l’Etat : cela fera encore quelques millions de disponibles pour le brav’ général Leclerc et ses S. S. de la Légion étrangère.

Après tous ces beaux discours, l’école laïque se sentait plus forte et les jeunes, éclairés sur la manière dont la classe ouvrière doit s’opposer au poison clérical.

Les interventions terminées, Daniel Renard, au nom de la J. C. I., demanda la parole pour apporter l’assurance de la solidarité de la J. C. I. avec toute action effective du F. L. A. J. et exposer les solutions préconisées par notre organisation. Un tract avait été diffusé à l’entrée du meeting, définissant notre position :

Boycottage systématique de toute propagande cléricale.
Formation d’une Jeune Garde Antifasciste pour la défense des réunions, des locaux des organisations ouvrières.

« Pas le temps » dit le Président. Nos camarades lancèrent alors le mot
d’ordre « DEMOCRATIE » qui fut immédiatement repris et scandé par la majorité de la salle. D. Renard monte alors à la tribune, veut parler au micro. Le courant est immédiatement coupé par les dirigeants de l’U. J. R. F. Voyant qu’elle ne peut s’exprimer publiquement, la J. C. I. entonne l’Inter. C’est alors qu’on voit les membres de la tribune, J. S., U. J. R. F., se lever et chanter avec nous, le poing levé, suivis par toute l’assistance. Mais les membres de l’U. J. R. F. prenant conscience de la situation lancent la Marseillaise qui est immédiatement couverte par l’Inter. L’Humanité du lendemain expliquait que de jeunes trublions fascistes avaient osé huer la Marseillaise. Les travailleurs savent bien que les fascistes français saluent la Marseillaise comme le symbole de leur programme nationaliste. L’Humanité ne dit pas que ce sont les staliniens qui ont osé opposer l’affreux chant de ralliement de toute la réaction nationaliste au vieux chant de lutte de la classe ouvrière. Mais les jeunes, y compris l’U. J. R. F., suivaient leur instinct de classe et c’est l’Inter qu’ils chantaient avec nous.

Après que la J. C. I. se fut retirée en bon ordre, entrainant avec elle de nombreux jeunes camarades écœurés de cette mascarade radicale-socialiste, les auditeurs de la Mutualité eurent la primeur d’un film présenté par l’U. J. R.F. comme une page de la Révolution chinoise. Mais ce fut Tchang-Kaï-Chek, l’assassin de milliers de communistes chinois qui apparut sur l’écran. Les jeunes travailleurs conspuèrent énergiquement le bourreau du prolétariat de Canton aux cris de « Leclerc, Indochine ». Le F. L. A. J., inspiré par l’U. J. R. F., avait vécu !

Les jeunes travailleurs, en se solidarisant avec la J. C. I., en manifestant avec nous au nom de la démocratie ouvrière et au chant de l’Inter ont condamné l’attitude parlementaire du F. L. A. J. Par leur mouvement spontané vers la J. C. I., ils montrèrent leur désir d’en finir avec les discours stériles de collaboration de classe et de passer à l’action.

GILL.