Article paru dans El Ouma, n°46 [janvier 1937].
La crise mondiale du capitalisme et ses douloureuses répercussions sur le sort déjà manifestement misérable de notre peuple, victime depuis 1830 d’un colonialisme dépossesseur et sanglant, jointes aux derniers événements à caractère évolutif du peuple de France que celui d’Algérie appelle à l’aide à la compréhension, restent pour notre jeunesse autant de sujets d’attention d’un enseignement utile, d’une influence bien marquante.
En effet, l’attention et ce souci d’amélioration du jeune Algérien à tout ce qui touche à la vie sociale, morale et intellectuelle de son peuple, sont choses réelles aujourd’hui, alors que sa préoccupation prédominante est celle de l’organisation qui décide à l’action qui rayonne en idées de combat. Le jeune Algérien dont la foi en la liberté est grande, digne, comprend pertinemment bien qu’il ne doit être qu’un sacrifié pour son peuple, en l’éduquant, en l’organisant, pour son pays en le servant, puisque le peuple gémit sous un régime des plus exotiques dans la misère et l’ignorance la plus sombre et le pays, bien qu’embelli, enrichi par son propre labeur, n’est hélas ! (c’est la force qui l’impose)! que le débouché du capitalisme métropolitain ; aussi la « belle affaire » d’exploitation d’une poignée de mercenaires décidés aujourd’hui plus que jamais à défendre les fruits de leur rapine par les moyens les plus obscurs.
Ces derniers, forts des moyens d’étouffement, de répression mis en branle à chaque fois que leurs intérêts sont menacés, n’hésitent pas à bafouer le « prestige », « l’influence » de la véritable France en activité hostile contre le gouvernement central de Front populaire. Leur « vigilance », loin d’être « réalisatrice », ne songe qu’à tenter « le coup libérateur », disent-ils à l’exemple du sinistre Franco en Espagne qui, tout en méritant leur chaude sympathie, mérite jusqu’à ce jour leur soutien effectif et pratique et ceci se passe de tout commentaire.
Et c’est pour avoir crié sa haine et dénoncé les criminels desseins du fascisme que nous connaissons depuis 107 ans, sous la forme du colonialisme, que la jeunesse algérienne subit la répression la plus indigne sous un gouvernement de Front populaire.
La jeunesse algérienne, fixée pour avoir pris l’attitude la plus virile de la lutte anticolonialiste, fixée sur le confusionnisme des assimilateurs qui, cyniquement, anticipent et hypothèquent l’avenir de notre pays et, par ce fait, justifient tous les crimes du colonialisme qui sont à la base du malaise économique et politique d’Algérie ; fixée aussi qu’elle ne doit avant tout ne compter que sur ses propres forces d’organisation, qu’il lui faut sérieusement fortifier, vivifier, parce que plus d’une fois amertumée, lâchée et trahie par ceux-là mêmes qu’elle croyait les éternels amis, les éternels alliés ; fixée que le peuple d’Algérie avec celui du Nord-Afrique parce qu’opprimé, ne trouvera son salut que dans la libération nationale qui se fera indubitablement et en collaboration étroite avec le peuple français, le noble héritier des traditions humaines et démocratiques de 89, fixée enfin que la lutte sera rude, à réactions dangereuses et pour la réussir, la gagner, il faut auparavant assainir cette atmosphère algérienne d’après le 15 juin, faite d’équivoques, de mensonges, de démagogie.
Et c’est pourquoi, parlant à elle seule le langage de la vérité, courageusement, sans rien marchander, elle s’est mise à l’avant-garde de la lutte. Son premier but est d’apporter la lumière de l’argumentation patriotique partout où il est nécessaire de la manifester et tout en la consolidant dans l’organisation qui réussira l’union du peuple d’où dépendra son salut contre l’inculture et le paupérisme que reconnaissent enfin ! ministres et gouverneur, unanimement, la jeunesse algérienne, plus courageuse, plus ardente et plus décidée que jamais luttera pour le bonheur du peuple algérien, bonheur que les peuples n’ont retrouvé à travers l’histoire que dans le sacrifice pour les nobles causes.
ABDELLAH