Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, organe de l’Organisation communiste révolutionnaire internationaliste d’Algérie, septembre-octobre 1984.
Dans notre bulletin, nous avons eu l’occasion d’évoquer et de critiquer l’adoption par El Oumami de positions proches de la conception stalinienne de la « révolution par étapes », concernant la question palestinienne. Nous expliquions que ce groupe s’est fait le rabatteur de groupes nationalistes bourgeois au Moyen-Orient. Ces derniers temps, la dérive politique d’El Oumami a continué ; son abandon des positions communistes internationalistes s’est manifesté sur d’autres positions.
Dans un article consacré au mot d’ordre : « Travailleurs français-immigrés, même patron, même combat » (El Mounadhil n° 3), on peut lire que celui-ci « n’est juste… qu’en dernière analyse dans les conditions actuelles », qu’il « tend à gommer les discriminations dont sont victimes les travailleurs immigrés », « qu’il ne sert à rien en effet de clamer une unité qui n’existe pas dans les faits, ni même en perspective chez l’écrasante majorité des ouvriers. »
Si El Mounadhil prend les devants et prévient les critiques : « nous entendons des voix s’élever… « vous divisez la classe ouvrière » « . Et plus loin, « ce n’est pas en avançant des mots d’ordre spécifiques à telle ou telle catégorie de travailleurs victimes de discriminations, ce n’est pas en avançant des revendications spécifiques aux travailleurs immigrés, en tant qu’organisation révolutionnaire émigrée, – que nous diviserons les travailleurs ».
DOIT-ON METTRE EN AVANT L’UNITE DES TRAVAILLEURS SEULEMENT QUAND ELLE EXISTE ?
Certes, il existe au sein de la classe ouvrière des couches différentes (immigrés, femmes, jeunes, etc. ) et les communistes révolutionnaires doivent prendre en compte leurs revendications spécifiques (égalité des droits, à travail égal, salaire égal, etc.). De la même façon, nous devons nous méfier de l’attitude qui consiste à faire dépendre l’engagement de toute lutte spécifique (des travailleurs immigrés, par exemple), dé la réalisation préalable de l’unité de tous les travailleurs. Tout le monde n’est pas prêt, donc on ne lutte pas encore… Mais se contenter de mettre en avant uniquement les revendications de telle ou telle fraction de travailleurs, c’est remettre aux calendes grecques l’unité de la classe ouvrière.
A l’heure actuelle, c’est vrai, cette unité n’existe pas. Mais est-ce pour cela que nous devons renoncer à avancer des mots d’ordre qui la mettent en avant ? En bonne logique, selon El Oumami, il faudrait peut-être attendre que l’unité existe pour avancer des mots d’ordre qui l’avancent ! Si l’on se réfère à l’article que nous avons déjà cité, l’unité des travailleurs n’existe ni actuellement, ni en perspective, et comme l’unité des exploités est absolument nécessaire à leur émancipation, à toute lutte révolutionnaire contre le système capitaliste, on pourrait se demander si pour El Oumami les travailleurs ne doivent pas renoncer à la révolution ?!
Nous pensons pour notre part qu’il n’y a pas de contradictions entre les revendications particulières (à l’exception de revendications corporatistes du type de celles mises en avant par des marins français à Marseille il y a quelques années : ils réclamaient le licenciement des marins étrangers…) de telle ou telle catégorie de travailleurs, et les intérêts généraux de l’ensemble des prolétaires.
NE PAS CAPITULER DEVANT LA DIVISION
Pour les communistes révolutionnaires, la division de la classe ouvrière est inhérente au système capitaliste. Ce sont les rapports de production capitalistes, la division du travail, qui poussent les travailleurs à la concurrence entre eux, et qui fondent l’existence de catégories différentes au sein de la classe ouvrière : femmes, jeunes, vieux, travailleurs sans qualifications, travailleurs qualifiés, etc. A cela s’ajoute le poison idéologique de la bourgeoisie qui, par l’éducation, la presse, par tous les moyens, renforce, attise la division au sein des rangs des exploités. Face à cela, les communistes doivent mettre en avant les revendications spécifiques de telle ou telle couche de travailleurs, mais en les liant aux intérêts globaux de tous les travailleurs, leurs intérêts communs.
Nous devons concrètement avancer des mots d’ordre qui permettent à la classe ouvrière de forger son unité dans la lutte, des mots d’ordre unitaires. Nous devons montrer l’avantage de l’unité, expliquer que l’unité la plus large des travailleurs est nécessaire face aux capitalistes. Plus le champ de bataille est grand, plus grandes sont les perspectives de victoire. Nous devons essayer de transformer tout combat local en lutte générale du prolétariat.
El Oumami prétend défendre la cause des travailleurs immigrés, mais en réalité il ne le fait pas parce qu’ il renonce à voir que leurs intérêts sont organiquement liés à ceux de l’ensemble de la classe ouvrière en France (comme les intérêts de cette dernière sont indissolubles de ceux des travailleurs à l’échelle mondiale). Et quand El Oumami s’adresse aux travailleurs français, c’est pour leur demander d’être « solidaires » des travailleurs immigrés. La solidarité réelle ne peut exister que dans la lutte commune, et pour cela il faut (en plus des revendications catégorielles) des revendications communes ; et non présenter comme seule perspective le soutien « extérieur ».
Au fond, il semble que de plus en plus, ce groupe considère que les travailleurs français sont dans leur ensemble corrompus, achetés par l’impérialisme ; sinon comment interpréter ce commentaire concernant la mobilisation des sidérurgistes lorrains qui « n’est ni plus ni moins que la défense des privilèges que leur accordait auparavant l’impérialisme français » !
Des ouvriers, smicards pour la plupart, en lutte pour défendre leur emploi, en plus dans une des régions les plus touchées par le chômage, seraient des privilégiés. El Oumami fait preuve de plus de mansuétude vis-à-vis de fractions nationalistes bourgeoises de la résistance palestinienne. C’est ainsi que dans le n° 3 d’El Mounadhil, il était estimé que « les limites de la tendance radicalisée au sein du FATAH (opposition à Arafat, pro-syrienne) résident dans les alliances sans principes qu’elle opère ». Que dire de celles que préconise El Oumami…
En ce qui nous concerne, nous préférons l’unité des travailleurs. Evidemment, il ne suffit pas de préconiser en paroles l’union de tous les travailleurs : il faut chercher à la réaliser sur le terrain. L’unité des travailleurs n’est pas « donnée » dans le système capitaliste. Elle suppose, en plus de conditions objectives, beaucoup d’acharnement et de travail de la part des avant-gardes révolutionnaires, car elle conditionne le succès de toute lutte d’envergure des travailleurs pour des revendications immédiates, et encore plus pour en finir avec la bourgeoisie et son système.
Nous ne devons pas capituler devant la division ! Dans la lutte, cherchons par notre intervention à consolider, à organiser l’unité entre immigrés, sans papiers et immigrés en situation régulière, entre les immigrés de différentes nationalités entre les travailleurs immigrés et les travailleurs français.