Article paru dans Le Communiste, organe central en français du Groupe communiste internationaliste, n° 14, juillet 1982, p. 36-37.
Pendant un mois, bien plus de vingt-quatre pays ont vécu à l’heure du football. A l’heure des restrictions, des mesures d’austérité qui nous viennent de tous côtés, on nous a offert une indigestion de buts, de magouilles organisatives de la compétition, de scandales d’arbitrages et de leçons de tactiques collectives.
Les journaux ont matraqué à qui mieux-mieux. Les guerres impérialistes, la lutte de classe, les massacres au Liban, en Iran, en Irak, au Salvador, bref un partout dans le monde, étaient escamotés au profit de cette confrontation « fraternelle » que serait le Mundial. Les trois quarts des articles n’étaient d’ailleurs qu’une suite de justifications tentant vainement de trouver que le sport n’avait forcément rien à voir avec la politique.
Et de voir les gens s’adonner à une surenchère d’hystérie nationaliste débile pour soutenir l’équipe de « sa » nation : -le courage de l’équipe salvadorienne déchirée (?) par la guerre civile ! -l’exubérance des supporters de Solidarnosc qui se vengent en éliminant le glacis russe ! -la joyeuse guéguerre entre les Malouines et les Falklands qui se termine par les anglais qui se voient boutés hors de Gibraltar ! -le beau scandale dans les journaux grâce à ce méchant Nazi Schumacher (mais non tous les allemands ne sont pas des sadiques) qui a osé croqué l’ergot du français Baptiston ! -que dire de la Belgique (« cette crotte sur la mappemonde, coincée entre la France gigantesque et l’Allemagne colossale ») qui met la grrrande Argentine en échec ! -et du dilemne cornélien qui déchire les supporters entre l’appui aux Malouines et la critique du régime militaire argentin ! Et comment ne pas essuyer une larme devant ce beau paternalisme colonialiste et raciste (mauvaise langue va !) : « ces brésiliens, de vrais enfants ! » ; « c’est-y pas mignon de voir ces pauvres noirs camerounais lutter amicalement à égalité contre les grands du football ! » ; « oh, les algériens ont eu raison d’être fâchés, Allemagne-Autriche : quel scandale ! ». On a même eu droit au vieux couplet qui réveille ce fond de racisme que tout le monde (« sans exception Monsieur ! ») a en soi : les jeux de mots sur le Koweït, allant du Sheik en blanc jusqu’au pétrole et des idées, sans oublier les petits scandales des « sauvages indomptés prêts à quitter le terrain si leur honneur est bafoué ». Et zoff ! V’ là t’y pas que même ces calotins d’italiens retrouvent à tel point l’amour de la nation qu’ils vont jusqu’à se foutre de la gueule du Pape quand la Pologne est éliminée (« Excommuni(s)ez-moi cette racaille ») ! C’est à tel point gentil pour le capital, que les italiens ont pu, à la victoire (?), manifester partout dans le monde, « même à Moscou » !
La bourgeoisie intensifie ses attaques contre le prolétariat par l’imposition des mesures d’austérité dans tous les pays, par la mise en place et le perfectionnement de ses appareils répressifs, par les massacres dans le monde (Liban, Iran, Irak, Afghanistan, Salvador, Malouines, …), par le développement de son arsenal idéologique (religion, nationalisme, pacifisme, …). Malgré cela, la bourgeoisie a toujours peur, peur du fantôme de la révolution, peur de ces résurgences des communistes, peur de ces luttes prolétariennes encore faibles mais qui se multiplient partout dans le monde.
Alors, les bourgeois avant la coupe priaient : « Mon Dial, sauvez-nous du communisme qui imprègne les prolétaires ». Et Mundial de répondre : « Donnez-leur des jeux pour faire passer le goût du manque de pain ». Pas mal essayé, mais il faut plus qu’un goal pour battre les prolétaires qui en ont marre de vivre dans la merde ! Gaffe aux contre-attaques !