Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 23, juillet-août 1978, p. 16-18.
Le Mundial qui s’est déroulé en Argentine vient nous rappeler que le sport n’est pas neutre, et qu’il sert avant tout les intérêts de la bourgeoisie. En effet, dans les pays capitalistes, le sport est loin de servir à développer harmonieusement nos capacités physiques, ou à nous amuser, mais reproduit au contraire tous les avatars d’une société basée sur le profit : division du travail, rentabilité, concurrence, etc. . . Voilà ce que nous devons savoir avant de nous enthousiasmer pour les « bêtes de stade », et de tomber dans le piège que nous tend la bourgeoisie.
.Un modèle productif et compétitif.
Le sport entretient efficacement les valeurs fondamentales de la production capitaliste : le corps doit être amené à produire suivant les meilleurs rendements, les records ; il doit subir un « régime », se serrer la ceinture, subir des « cadences » intensives. Il cultive l’idée de sélection, de concurrence : le plus fort gagne, le plus faible est éliminé…
Le modèle est fréquemment repris dans les usines : l’Etat est ainsi représenté comme l’arbitre dans les négociations syndicats-patrons, l’ouvrier fait partie d’une « équipe « de travail, qui doit contribuer à faire gagner la bataille de la production au pays, lui même pris dans une « compétition » internationale . . .
Le sport sert aussi à populariser l’idée de discipline, d’embrigadement, de hiérarchie s les joueurs sont sous les ordres d’un entraîneur, qui doit lui-même respecter les consignes de la Fédération, etc… ; voilà qui doit faciliter les choses dans les usines, où l’ouvrier doit se soumettre au petit chef qui vient contrôler son rendement. La division du travail est également reproduite : le sportif se spécialise dans une seule discipline, travaille surtout certains muscles, ce qui peut donner de véritables monstres (il n’y a qu’à voir le gabarit des lanceurs de poids, ou le footballeur qui qui développe surtout les muscles de ses jambes).
.Un moyen de diversion.
La bourgeoisie se sert aussi du sport pour détourner l’esprit des travailleurs de leurs véritables problèmes. L’exemple récent le plus caractéristique est celui de la Tunisie : on sa rappelle les grèves d’avril 1978, la formidable révolte des travailleurs et des chômeurs des villes, et la répression sanglante orchestrée par Bourguiba. En quelques mois, par un matraquage intensif de la presse, de la télé et de la radio sur l’équipe de football appelée à aller au Mundial, la bourgeoisie a réussi à gommer toute information sociale et, à affaiblir relativement la radicalisation ouvrière.
C’est d’ailleurs souvent dans les pays de dictature que le football a une importance caricaturale, et qu’on trouve les plus grands stades : Argentine, Brésil… Les travailleurs peuvent ainsi s’y défouler de l’embrigadement militaire de leur vie.
.Un facteur de chauvinisme hystérique.
Mais surtout, la bourgeoisie est redevable au sport de compétition pour les formidables campagnes de nationalisme qu’il occasionne. Les Jeux Olympiques, comme la coupe du monde du football, comme les Jeux Africains, poussent les travailleurs à s’identifier à l’équipe de leur pays, à s’aligner derrière la défense de leur patrie, de leur drapeau, etc. . . Le stade est le lieu par excellence où les travailleurs vont être amenés à chanter « volontairement » l’hymne national, où la bourgeoisie va pouvoir à l’aise répandre le poison du chauvinisme et du patriotisme.
Il lui sera ainsi d’autant plus facile d’embrigader la classe ouvrière dans les casernes, et pour ses guerres de conquête et de rapine !
Le sport est en fait un instrument extrêmement efficace au service de l’idéologie bourgeoise, sous couvert d’amateurisme et d’apolitisme, la bourgeoisie fait un usage redoutable du sport en divisant les travailleurs des différents pays, en les opposant, et en répétant ainsi ce que seront les guerres de demain. Ce sont tous ces aspects de l’idéologie bourgeoise que devront combattre les travailleurs révolutionnaires.
.Le sport, une entreprise juteuse pour la bourgeoisie !
Mais dans aucune entreprise la bourgeoisie n’oublie son profit : le sport et les compétitions internationales sont ainsi l’occasion pour la bourgeoisie de chaque pays de bénéfices juteux : la publicité dans les stades, la promotion des marques de matériel sportif, l’impôt sur les spectacles, les télévisions à l’occasion du Mundial, le tiercé, etc. . .
Pour ce qui est de la coupe du monde du football en Argentine, par exemple, la dictature sanguinaire de Videla n’a pas lésiné sur les moyens : construction de trois nouveaux stades, Cordoba (52 000 places), Mar del Plata (41 000 places), et Mendoza (50 000 places), prix des billets 55 Frs au moins, alors que le salaire moyen d’un ouvrier argentin est de 350 Fr par mois, développement du tourisme à cette occasion (Mar del Plata accueillera dans ses hôtels de luxe et ses bungalows – 400 000 lits – des dizaines de milliers de visiteurs). Sans compter que cette opération de prestige doit servir selon les dictateurs à servir l’image de marque de l’Argentine, et à favoriser ainsi les investissements de l’impérialisme mondial en Argentine !
Les tortionnaires argentins espèrent-ils vraiment que le Mundial va nous faire oublier les 30 000 prisonniers politiques, les 7 500 à 15 000 « disparus », les camps de concentration, les tortures, les mutilations, les exécutions sommaires, la misère des travailleurs argentins (170 % d’inflation en 1977, chute du salaire réel de 60 % en deux ans de dictature !), le million de chômeurs, etc… ?
Voilà ce que cache et ce que représente le sport dans la société capitaliste : c’est contre tous ces aspects que nous devrons lutter, sans tomber dans le piège que nous tend la bourgeoisie internationale. Pour un sport libre et désintéressé, luttons contre l’entreprise capitaliste de rentabilisation du sport !