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Messali Hadj : Message de sympathie à l’assemblée générale du cercle Zimmerwald à Paris

Message de Messali Hadj publié dans La Révolution prolétarienne, n° 381, février 1954, p. 30.

Chers camarades,

Je profite de cette magnifique occasion pour envoyer à l’assemblée générale du cercle Zimmerwald parisien mes souhaits de réussite et aussi toute ma sympathie et mon amitié.

Je le fais avec d’autant plus de plaisir qu’il y a à la direction de cette tribune internationale des figures parfaitement sympathiques que j’ai eu l’honneur de connaître dans ma vie de vieux militant. Certaines d’entre elles sont venues tout près de moi, au moment de la répression, pour me manifester et leur solidarité et leur concours.

Par cette action, ces camarades et moi avons, dans le passé, jeté un pont entre l’Afrique du Nord opprimée et la classe ouvrière française.

Ce sentiment de lier le mouvement d’ émancipation nord-africain aux luttes de la classe ouvrière française a dominé toute mon activité et cela malgré d’énormes difficultés et quelquefois une incompréhension de la part du peuple français.

J’estime que ce sentiment, qui a animé l’action des mouvements politiques nord-africains nés au sein du peuple français, sur les bords de la Seine, trouve aujourd’hui toute sa raison d’être en tenant compte de la situation internationale face au problème colonial.

C’est pourquoi je crois qu’il est absolument indispensable que le problème nord-africain qui géographiquement, économiquement et stratégiquement touche de très près la classe ouvrière française doit se trouver au centre des préoccupations du peuple français.

Le développement de l’aviation et des moyens de production et de répression unit avec une grande rapidité Paris-Alger-Tunis-Rabat et Dakar. L’impérialisme qui dispose de ces moyens d’action, de déplacement et de liaison peut avec une facilité extraordinaire se jouer des mouvements d’émancipation de ces peuples opprimés et même de la classe ouvrière française.

C’est pour toutes ces considérations que le cercle Zimmerwald, qui lutte contre la guerre pour la paix et la libération de l’Homme, doit, à mon avis, et dans la mesure de ses possibilités, accorder une place importante au problème colonial d’une façon générale et au problème nord-africain d’une façon particulière.

Il y a à peu près un demi-million de Nord-Africains en France. Et seulement dans la région parisienne il y a près de 150.000 Algériens. Chassés de leur pays à la suite d’une expropriation et d’une exploitation honteuses, ils vivent maintenant un peu en marge du peuple français.

Cette situation n’échappe point à l’impérialisme qui veut par tous les moyens les isoler de la classe ouvrière en orchestrant contre eux sa presse servile et son appareil répressif.

D’où l’assassinat de six travailleurs algériens à l’occasion de la manifestation du 14 juillet 1953.

Cette machination policière a été le départ de la mise en branle d’une répression qui pénètre dans tous les foyers nord-africains en France. On ne sait ce que l’impérialisme prépare contre les travailleurs nord-africains.

La répression sanglante en Tunisie, au Maroc et en Algérie, les milliers d’arrestations, les assassinats et les enlèvements sont autant d’événements qui indiquent que le colonialisme, qui grâce aux dollars a repris du poil de la bête, veut mettre au pas tous les mouvements d’émancipation pour ensuite mater la classe ouvrière française.

Si le pont dont il est question au début de ce message avait véritablement existé en août dernier au moment des grèves, il était facile de profiter des événements nés à la suite de la déposition du sultan, pour lier à la fois les grèves au mouvement de protestation qui a agité des millions de parias nord-africains.

Si les grèves d’août dernier ne sont qu’une explosion d’un régime et de même le mécontentement nord-africain, qui ne peut que se développer, on peut dire que cet état de choses, tant en France qu’en Afrique du Nord, doit évoluer vers une solution commune, effective, féconde.

En conséquence, la classe ouvrière française a besoin dans sa lutte contre le capitalisme des forces des peuples nord-africains en lutte contre l’impérialisme et vice-versa.

Pour cela tous les cercles où se discutent les problèmes touchant les intérêts de la classe ouvrière et de l’internationalisme se doivent également de lier à leurs propres problèmes les problèmes propres des Nord-Africains.

Animé du souci permanent de lier le mouvement d’émancipation des peuples nord-africains à la lutte de la classe ouvrière française, et considérant la nécessité qu’il y a pour tous de procéder à un rapprochement et à une compréhension des uns et des autres et désirant opposer des forces organisées au colonialisme je propose en ma qualité de président d’honneur du cercle Zimmerwald de Niort que le problème nord-africain figure parmi les autres problèmes cités dans votre programme.

Je serais très content de voir Je cercle Zimmerwald de Paris, comme cela se passe à Niort, faire des conférences et préparer des contacts entre la France et l’Afrique du Nord.

Je suis convaincu qu’une telle activité peut non seulement faire œuvre d’explication des problèmes nord-africains mais encore développer l’internationalisme. Je considère cela comme une œuvre de désintoxication contre la propagande colonialiste entretenue par les journaux, la radio et la finance.

Je profite de cette occasion pour adresser au cercle Zimmerwald de Niort mes remerciements et ma gratitude pour l’action qu’il a menée dans le domaine anticolonial d’explication et d’information, et même d’action.

Recevez, chers camarades, mes salutations fraternelles et révolutionnaires.

MESSALI HADJ,
proscrit politique en résidence forcée
à Niort.

Le 15 janvier 1954.

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