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Algérie : La lutte de libération nationale (suite)

Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, n° 33, juillet-août 1979, p. 8-11.

Dans le numéro précédent de « TIL », nous avions donné une rapide appréciation de la lutte de libération nationale en Algérie, et de son principal instigateur, le FLN (Front de Libération Nationale). D’autres mouvements ont cependant participé à cette lutte. Le Parti Communiste nous intéresse ici, car il est important de tirer le bilan de son attitude, et de donner l’appréciation des révolutionnaires sur une politique nationaliste, qui n’avait de communiste que le nom. Il est nécessaire aussi de montrer comment cette politique bourgeoise du Parti Communiste en Algérie amena ses militants, après bien des revirements, à un suivisme total vis-à-vis du FLN. Suivisme qui préfigure d’ailleurs le soutien « critique » du PCA (maintenant le PAGS), au gouvernement bourgeois issu de la guerre d’Algérie,

Les origines du mouvement communiste en Algérie

Les communistes d’Algérie et le PCF sont issus de la sociale démocratie française, qui était favorable à l’époque à l’assimilation des colonies par la France, que ce soit par la force ou la « persuasion ».

Au congrès de Tours en 1921, en France, se produisait la scission du parti social-démocrate, qui donna naissance au Parti Communiste Français. En Algérie, la plupart des fédérations socialistes adhérèrent à l’IC (Internationale Communiste), malgré la clause n° 8 qui obligeait les partis adhérents à « soutenir, non en paroles mais en faits, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des impérialistes de la métropole hors des colonies, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalistes opprimées, et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux (deuxième congrès de l’IC, 8ème condition d’admission).

En fait, les adhérents d’Algérie feignaient d’ignorer cette condition, prétextant que la « libération des prolétaires indigènes de l’Afrique du Nord ne sera le fruit que de la Révolution métropolitaine ». Serrati était le principal théoricien de cette orientation « européo-centriste ».

A cet égard, l’épisode de la section du PCF de Sidi Bel Abbes est significative du racisme que véhiculait cette position qui se voulait « marxiste ». Répondant à une enquête menée par le Parti Communiste, cette section dira : « Les indigènes de l’Afrique du Nord sont composés en majeure partie d’Arabes réfractaires à l’évolution économique et sociale, morale et intellectuelle indispensable aux individus pour former un Etat autonome (« La Lutte sociale » du 7/05/1921).

Elle affirmait que tout soulèvement arabe serait le signal d’un massacre aveugle qui ne ferait que reculer l’histoire. A la CGTU, on entendait souvent : « Le syndicalisme est bon, mais pas pour les Arabes » ! (« ABC du syndicalisme », Alger 1924).

Pendant la guerre du RIF qui opposa les troupes françaises et un chef de tribu du RIF, Abdel Krim, le PCF lutta en faveur des révoltés, – qui allaient tout de même être battus. Mais il faut remarquer qu’il ne mena pas une grande agitation dans les troupes françaises, tâche pourtant essentielle.

Il faut dire que le soutien aux Rifains était dicté par l’IC au PCF, et correspondait à là volonté de la bureaucratie russe d’affaiblir l’Etat français. La « droite » colonialiste qui se maintenait encore au sein du PCF en 1926-27, fut exclue. Le PCF en Algérie avait dès lors des effectifs bien moindres : une grande partie des « socialistes » le quittèrent face à ces prises de position sur la guerre du RIF.

Les effectifs descendirent à 280 en 1929, à 200 en 1931, à 131 en 1932, puis remontèrent à 150 en I934. Cet isolement des communistes fut loin d’être le fruit de leur anti-colonialisme. Le 1er avril 1928, on pouvait encore lire dans le « Cheminot algérien », organe de la CGTU tenue par le PCF : « l’indigène est un ingrat ; il est fourbe, sournois, sale, voleur ; lui faire du bien, c’est donner de la confiture à un cochon ; lui faire du mal, c’est lui apprendre à se soumettre et à se civiliser »!.

La grève générale appelée contre la guerre du RIF avait été un fiasco, les effectifs du PCF en France et en Algérie fondaient ; le travail « anticolonial » était délaissé. En 1931, l’exécutif de l’IC faisait pression sur le PCF : celui-ci revint à la politique prônée auparavant : Lozeray, responsable du PCF en Algérie et réalisateur de la politique de l’IC fut exclu.

Premier revirement, première purge, premier bouc émissaire…

Le retour aux sources

La montée des luttes ouvrières en France profita au PCF en Algérie, dont les effectifs montèrent à 600 adhérents en 1934, puis atteignirent 3500 personnes au cours de l’été 1936. En même temps, le PCF pressait Jean Chaintron (alias Barthel), qui se chargera d’appliquer la nouvelle politique de l’IC.

Maintenant la tactique préconisée était celle du « front unique », soi-disant pour combattre le fascisme montant. En vérité, ce dernier avait vaincu le prolétariat allemand depuis 1933 , date de la prise du pouvoir par les nazis. La nouvelle tactique du front unique, qui s’adressait principalement aux socialistes, était consécutive aux accords Staline-Laval qui scellèrent pour quelque temps une alliance franco-russe contre l’Allemagne. Pour cela, Staline avait approuvé le souci de la France d’ « assurer sa défense et son armement ». Il fut aussitôt imité par le PCF…, et par sa section en Algérie. Ce revirement impliquait ici la défense de l’Etat français et donc de ses colonies.

Deuxième revirement, deuxième purge, deuxième bouc émissaire… : Ferrat est exclu en 1935 du comité central du PCF et dénoncé par Barthel en personne, qui s’occupera d’appliquer la nouvelle orientation avec la plus grande conviction, – malgré qu’il ait suivi plusieurs mois celle préconisée par Ferrat. Il y aura d’autres revirements.

Avec l’avènement du gouvernement du Front populaire, le Parti Communiste défendit de manière à peine voilée la colonisation française en Algérie.

Il déclara à son 9ème congrès en 1937 (entre temps, en 1936, le PCA avait été créé (Parti Communiste Algérien), tout en restant sous tutelle française) : « Nous savons qu’à l’heure actuelle, l’union entre le peuple d’Algérie et le peuple de France est nécessaire et qu’elle le sera toujours ». Il soutiendra le projet Blum-Violette, accordant le droit de vote et la citoyenneté française à environ… 20 000 Algériens !

Et lorsque le Front populaire, sombrant dans les difficultés, mena une politique coloniale de plus en plus répressive (dissolution de l’ENA, remise en cause des maigres projets de libéralisation dans les colonies, etc.), le PCF ne bronchera pas.

Pour cela, le PCA perdra des militants algériens en 1937. Des départs en masse se produiront en 1938, ramenant les effectifs algériens de 400 à 100. Cependant, malgré cette baisse globale des effectifs algériens, une algérianisation du parti était en cours depuis 1934. De nombreux Algériens occupaient les postes de responsabilité inférieurs et moyens dans l’échelle hiérarchique du parti, et l’influence du nationalisme algérien montant commençait à se faire sentir à l’intérieur môme de ses rangs.

Cela n’empêcha pas le PCA de défendre l’impérialisme français défait par les nazis, en participant à la « Résistance ».

Mais la période de 1935 à 1939 fut particulièrement révélatrice de la nature bourgeoise du PCF et du PCA.

Mai sanglant et volteface du PCA

La misère accumulée , la situation intérieure en Algérie, et la situation internationale (voir numéro précédent de TIL), la volonté du PPA (nouvelle appellation de l’ENA), d’utiliser les manifestations du 1er mai pour faire montre, du sentiment national chez la population, et faire reculer l’impérialisme français, abrutiront à des heurts avec les forces de l’ordre.

Aux lynchages d’Européens répondit le massacre organisé d’Algériens. D’un côté, le « bilan pouvait être porté à 100 personnes, de l’autre il se situait entre 10 et 15 000.

Le PCA se rangea aux côtés des massacreurs. Il accusa le PPA de collusion avec le PPF fasciste et les grands colons ; il exigea des peines sévères « pour ceux qui veulent provoquer la guerre civile  » ; que « l’on châtie impitoyablement les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute »…! A Guelma, où les massacres avaient été particulièrement odieux, même des communistes participèrent aux milices créées afin d’exercer des représailles contre les Algériens. Le bureau politique du PCA les exclut, mais ils furent soutenus par toutes les cellules communistes de la région… Depuis 1934-36, l’algérianisation du parti avait crû : en 1946-50, les organes dirigeants étaient aux mains d’Algériens. Mais leur nationalisme, tout en s’opposant au colonialisme véhiculé par les Pieds-Noirs au sein du parti, n’était pas en contradiction avec l’esprit du PCA. Des clivages se produisirent à l’intérieur du parti, qui forcèrent la direction à s’orienter dès 1950 vers deux organisations séparées selon les races.

D’une défense globale du colonialisme, le PCA s’orienta donc vers la défense du nationalisme bourgeois. Il revendiqua une République algérienne, et rapprocha sa conception de la nation algérienne, de celle des modérés, au point que le programme du PCA s’identifia presque avec celui de l’UDMA de F. Abbas.

Depuis le tournant nationaliste du PCA, les Algériens adhéraient nombreux à ses rangs. Ils formeront à la veille de la guerre d’Algérie la moitié des effectifs du PCA (qui s’élevaient en 1948 à 12 000), devenant ainsi la seconde force politique après le PPA-MTLD de Messali.

Le PCA et le FLN

L’approche de la guerre fera fuir les militants européens du parti. Le PCA abordera la guerre fort de quelques centaines de militants seulement. Dès lors, minoritaire et en pleine crise, il se soumit au FLN.

La guerre fit éclater le PCA. Des groupes communistes avaient organisé des unités combattantes sans l’avis de la direction, à tel point qu’elle fut contrainte de créer une organisation militaire : « les Combattants de la Libération ». Les nationalistes du FLN furent reconnus par le PCA comme les « seuls interlocuteurs valables ». L’UGTA, d’obédience FLN, fut reconnue comme seule centrale syndicale nationale. La dissolution des « Combattants de la Libération » amenait à compter l’ALN comme unique organe militaire. Le PCA le dit lui-même : « Sur de nombreux points,… les positions (du FLN) sont identiques aux nôtres »!.

… Pendant ce temps, pour maintenir son alliance avec la SFIO, le PCF votait les « pouvoirs spéciaux » (qui aboutiront à l’état de siège et aux tortures, particulièrement à Alger) au gouvernement français en mars 1956 !

La boucle était bouclée. Ainsi l’histoire seule du PC français et du PCA montre-t-elle leur nature de classe bourgeoise !


2 réponses sur « Algérie : La lutte de libération nationale (suite) »

Pour résumer, disons que le PCA s’est retrouvé durant les décennies qui ont précédé l’indépendance, entre la marteau et l’enclume !

Tout à fait, c’est une très jolie formule ! Mais son successeur s’est aussi retrouvé dans la même situation après l’indépendance.

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