Dossier paru dans La Lanterne noire, supplément au n° 4, 1975-1976.
A l’heure ou ce bulletin paraîtra, il ne restera plus que 2 ou 3 camarades emprisonnés pour démoralisation de l’armée entre autre (dont vraisemblablement 2 libertaires).
L’avenir nous dira si le pouvoir poursuivra son offensive en inculpant d’autres militants. Ce qui est certain, c’est que les actions contre l’armée, elles, continueront. Du mouvement national de solidarité qui s’est développé, nous pouvons déjà tirer quelques remarques ;
– la quasi totalité des gauchistes, ne s’est mobilisée que parce qu’il s’agissait d’une répression contre des militants politiques
contre des militants syndicaux
d’une contestation de l’armée, de l’intérieur
Les insoumis, les objecteurs, bien que n’étant pas forcément des révolutionnaire avec d’énormes différences entre eux, n’ont pas eut droit aux honneurs du soutient du comité national !
ils sont isolés et subissent une forte répression encore récemment :
30.1.76 à Lyon : JP Ardin est condamné à deux ans de prison pour insoumission par le TPFA ; il fait la grève de la fin depuis le milieu du mois de janvier
Thierry Tranchant insoumis puis réformé est condamné à 6 mois fermes en même temps que deux objecteurs avec sursis.
5.2.76 au TPFA de Reuilly, 12 mois pour Ph. Luguet membre du mouvement d’action non violente à qui le statut d’objecteur est refusé à forclos.
3.2.76 TPFA de Metz: JL Soulier membre d’insoumission collective internationale, insoumis depuis février 73 : 1 an de prison ; par solidarité, deux insoumis se font arrêter et 13 livrets militaires sont renvoyés.
et ceux-ci ne sont que des cas connus ! à chaque séance du tribunal, seul un insoumis de temps en temps est défendu et n’est pas isolé,-mais les autres, leur cas ne figurera jamais dans aucun journal.
cette séparation, généralement opérée par les gauchistes entre d’un côté la lutte dans l’armée et de l’autre les insoumis, est liée à la conception de la guerre révolutionnaire liée selon eux à la construction de l’armée rouge.
Quand nous sommes présent dans le mouvement de solidarité qui s’est développé, et nous devons l’être, il faut que ce soit sur des bases claires :
pour être révolutionnaire, la lutte contre l’armée doit être la lutte contre toutes les armées. nous ne pouvons oublier cela sous prétexte d’unité face à la répression !
le mouvement présent, du moins son expression n’est pas antimilitariste, mais il pourrait bien le devenir, pour peu que nous sachions dépasser deux attitudes négatives : l’isolement dans la radicalité, et la peur de l’autonomie entraînant le suivisme par rapport aux gauchistes officiels.
Pourtant, l’antimilitarisme ne résout rien à lui tout seul ; il doit être lié à l’anticapitalisme ainsi qu’à un projet révolutionnaire, pour n’être pas une simple étiquette idéaliste et réformiste. LE CAPITALISME NE PEUT EXISTER SANS ARMEE ; IL EST INUTILE DE VOULOIR SA DISPARITION DANS LE CAPITALISME.
nous reproduisons ici 4 documents:
– un manifeste « violemment antimilitariste » que nous avons reçu, et qui circule pour recueillir des signatures afin d’être publié dans la grande presse pour qu’un autre discours puisse se faire entendre ailleurs que dans les revues spécialisée ; les camarades intéressés peuvent toujours nous écrire.
– deux tracts dont le dernier distribué à la « marche sur Paris »
– un texte à discuter sur le problème des dossiers des inculpés.
Déclaration « violemment antimilitariste »
Le pouvoir est reparti en manœuvre ; après « l’unité nationale », c’est maintenant l’armée, son armée chérie, qui est en danger. Des dizaines d’insoumis et d’objecteurs non reconnus étaient déjà en prison. Maintenant on incarcère et on inculpe les soldats qui résistent à une institution détestée, les syndicalistes et les militants qui les aident, les antimilitaristes qui les approuvent, les insoumis français et étrangers réfugiés en France.
Sans doute s’agit-il d’une opération « politique » destinée à gêner la gauche, en montant en épingle les activités contestataires de quelques syndicalistes C.F.D.T. ; mais il s’agit aussi d’intimider et d’endiguer les actes de résistance des soldats, de plus en plus nombreux et déterminés. En même temps on déclenche une opération anti-gauchiste de plus, on prépare dès contrôles plus efficaces : une semaine anti-gang, une semaine anti-gauchiste, · les media font le reste, l’ordre reste à l’ordre du jour. Ainsi se creuse la distance entre la « masse » circonvenue, acquise, hypnotisée, et une minorité isolée et désignée comme objet de la réprobation et de la haine collectives.
Conséquences : la gauche, accusée de vouloir le désordre, montre sa vraie nature. Le PS et le PC sont pour l’Ordre, la Discipline, la Police, la Défense Nationale, l’Armée, L’Etat – surtout si ce sont eux qui en disposent. Ils n’ont rien contre la répression, sinon (peut-être) qu’elle est exercée par d’autres qu’eux-mêmes – et cela est maintenant visible pour tous. Seuls le déploreront ceux qui, par naïveté ou par intérêt, misent encore sur eux.
Certains militants, de leur côté, sont prêt à lutter contre la répression en payant de leur personne ; mais ils restent englués, pour la plupart, dans une conception « militaire » de la lutte sociale et politique ; il leur faut une organisation dure et disciplinée, avec stratégie et tactique, des chefs-lucides-liés-aux-masses, des services d’ordre efficaces, des militants prêts au sacrifice… Et en attendant, camarades, combattez l’armée mais de l’intérieur ! Acceptez le maniement d’armes et les marches forcées, car la Révolution vous veut instruits et vigoureux pour servir le peuple ! Organisez-vous en syndicats ! La Révolution, mais dans l’ordre et la discipline !
Contre toutes ces équivoques et confusions, nous voulons prendre nettement position ; d’abord parce que nous pensons qu’il faut soutenir activement tous ceux qui résistent à l’armée, du dedans eu du dehors, et qu’on a trop laissés seuls ; mais aussi parce que le pouvoir « libéral » que nous subissons quotidiennement entreprend manifestement de faire reculer toute mise en question, en actes ou en paroles, dans l’armée, dans la rue, et partout où elle pourrait surgir. Si parmi nous certains ont pu échapper à l’armée, d’autres ont dû y passer un an, deux ans ou plus. Nous avons et nous prendrons le droit de dire ce que nous pensons de cette institution, de celle-ci comme de toute autre, Justice, Police, Etat. Et de le dire clairement.
Nous sommes contre l’armée.
Nous sommes contre l’armée parce qu’elle est pure oppression et pure répression ; parce qu’elle est le pouvoir et la mort ; parce qu’elle nous soumet au règne de l’autorité et de la hiérarchie, dans la crainte quotidienne, l’habitude et la résignation devant la force brute ; parce qu’elle est destructrice et démoralisante. Nous sommes contre l’armée parce qu’on ne peut pas être pour : celui qui est pour l’armée est déjà lui-même un flic et un adjudant, il est l’armée, il est l’ennemi de tout ce qui vit.
Nous sommes contre l’armée parce qu’elle est toujours du côté du pouvoir de la minorité ; parce qu’elle est toujours le soutien de l’injustice, de l’inégalité, des privilèges, de l’exploitation, et qu’elle les rétablit partout où la révolte des opprimés les menace. Et parce que les militaires vivent eux-mêmes entièrement aux dépens des travailleurs.
Nous sommes contre toute armée.
Parce qu’elles sont toutes pareilles ; parce que toute armée est d’abord un état-major prêt à donner l’ordre de tirer, de tuer, d’aller se faire tuer, sous peine de mort.
Nous sommes contre toute armée parce qu’elles sont toutes faites pour faire tirer des travailleurs sur d’autres travailleurs, des opprimés sur d’autres opprimés.
La liste est longue qui va de l’Armée Rouge, tirant sur les ouvriers révoltés de Berlin, Budapest, Varsovie, ou de l’Armée Populaire Chinoise tirant sur les ouvriers révoltés de Shanghai pendant la Révolution Culturelle, à l’armée française brûlant les mechtas algériennes, ou l’armée américaine napalmisant les campagnes vietnamiennes, en passant par l’armée portugaise remettant finalement au pas les ouvriers en grève ou les paysans occupant des terres, après s’être fait la main dans les maquis angolais ou autres, et par les armées de « libération » de tout acabit éliminant les opposants, etc., etc.
Nous ne reconnaissons que la lutte, armée ou non, des opprimés se défendant eux-mêmes, c’est-à-dire défendant ce que toutes les armées « réactionnaires » ou « révolutionnaires » leur ont jusqu’à présent enlevé : la liberté, la vie, le droit de disposer d’eux-mêmes.
Dans l’armée, les soldats n’ont le choix qu’entre s’écraser ou se révolter, ou résister : il ne peut pas y avoir de droits du soldat, il n’y a que des modalités de l’obéissance. Et le seul droit qu’il faut exiger, c’est justement celui de n’être pas soldat et de vivre sans soldats, sans officiers, sans armée.
Qu’on ne nous fasse pas le coup de l’entreprise d’affaiblissement de la défense nationale et de démoralisation de l’armée ! Nous entreprenons d’affirmer ce que nous pensons, aux côtés de ceux qui l’ont déjà fait et se trouvent inculpés pour cela. Nous ne voulons pas affaiblir la défense nationale, mais renforcer contre les exploiteurs internationaux la défense internationale des travailleurs, qui ont toujours fait les frais des guerres nationales. Nous ne voulons pas « démoraliser l’armée » : l’armée n’a pas de moral, c’est une machine à décerveler qui ne laisse dans les têtes et dans les corps qu’une seule chose : le réflexe d’obéissance aveugle.
Une telle institution suscite inévitablement toutes sortes de résistances : ‘ certains essayent de se faire réformer, ou d’obtenir le statut d’objecteur ; d’autres tentent de s’organiser en comités à l’intérieur de l’armée ; d’autres encore préfèrent s’insoumettre, malgré les difficultés et les risques ; et beaucoup se retrouvent derrière les barreaux. Nous ne disons pas qu’une de ces solutions est meilleure que les autres ; mais que tous ceux qui sont en butte à la répression parce qu’ils affirment leur liberté face à l’armée, la police, ou l’Etat, qui les écrasent, doivent être aidés, et que nous sommes prêts à le faire, moralement et matériellement, comme nous le pourrons et aussi nombreux que nous le pourrons.
Ce tract a été rédigé par un certain nombre de groupes et d’organisations libertaires de la région parisienne, qui se sont mis d’accord pour coordonner leurs efforts dans la lutte contre l’armée et pour la libération des emprisonnés, et ce, sur des positions antimilitaristes et anticapitalistes qui nous sont propres.
Nous avons pris l’initiative de réaliser quelques banderoles, expliquées ci-dessous, pour permettre un regroupement dans la manifestation du courant important de ceux qui, au sein du mouvement de solidarité qui s’est constitué autour des victimes de la répression, pensent que l’objectif des révolutionnaires doit être la destruction de toutes les armées, et qu’il ne saurait être question d’en reconstruire une autre, plus démocratique, plus « au service du peuple ».
VENEZ LE 15 FEVRIER A 10 HEURES METRO TEMPLE POUR PARTICIPER A LA MANIFESTATION
Travailleur, sous le bleu de travail, tu restes un soldat
L’encadrement dans l’entreprise, l’organisation même du travail, a été historiquement « calquée » sur le modèle offert par la militarisation. La hiérarchie dans l’entreprise est une copie conforme de celle qui existe dans l’armée. Les objectifs de la production nous sont tout aussi étrangers que ceux de l’armée. Ici comme là, il nous est interdit de désobéir, de nous insoumettre, d’objecter. Sur simple décret, nous sommes mobilisables sur notre lieu de travail (la grève devient alors désertion et est passible de peine de mort) – qu’il s’agisse de l’ennemi extérieur ou de l’ennemi intérieur. Employés, ouvriers, nous sommes malgré nous des soldats de la « Paix Civile ».
LA LUTTE CONTRE L’ARMEE EST INSEPARABLE DE CELLE CONTRE LE CAPITALISME, L’ETAT, LA DIVISION ET L’ORGANISATION DU TRAVAIL
A l’échelle internationale, les peuples sont les otages du chantage nucléaire, des guerres et des intérêts impérialistes. Il n’y a pas que l’armée qui soit militarisée, mais aussi le travail, le loisir, la structure de la ville, de la campagne, etc… Quand un travailleur entre dans l’armée proprement dite, il n’est justement plus un travailleur parce que son appartenance de classe est en partie rayée. La conscience de classe qu’il acquiert sur son lieu de travail, avec ses camarades, contre ses exploiteurs, disparaît au profit d’un esprit de corps où sont mélangés bourgeois et exploités. Malheureusement , sous l’uniforme, tu es encore plus un soldat qu’ailleurs.
Avec ou sans syndicat, l’armée ça pue, ça tue
Comités de soldats, syndicats, insoumission, objection, autant de moyens que les gens choisissent pour résister à l’armée, et à ce titre nous sommes solidaires d’eux et même complices quand la répression s’abat sur eux. Dans un premier temps la création d’une section syndicale dans une caserne peut être un élément de réelle contestation, de prise de conscience, de révélateur de l’écrasement militaire. Mais vouloir syndicaliser l’armée est une absurdité car 1. même dans le monde du travail les syndicats n’ont jamais rien changé à la nature ni à la violence de l’exploitation ; 2. à l’armée il ne s’agit même pas de vendre un peu plus cher sa force de travail. Le syndicat serait alors un syndicat de briseur de grèves, un syndicat du crime, etc… Y aura-t-il des sections syndicales au front en temps de guerre ?
Les syndicats existent en Hollande et en RFA. Croyez-vous vraiment que c’est par-ce qu’ils ne sent pus assez révolutionnaires que les armées de ces pays sont autant que les autres au service du capital ?
Officiers de gauche, officiers de droite : mêmes crevures
Pour étayer cette affirmation, nous nous contenterons de ces quelques citations de « gauche », à mettre en parallèle avec celles des Bigeard, Massu, Bourges et compagnie.
– « Nous sommes des syndicalistes très attachés à la sécurité du territoire national » (Séguy, le défenseur du fusil « français » ).
– « L’armée est l’instrument de la défense nationale et comporte des éléments spécifiques : discipline, hiérarchie et organisation »(Hernu, PS)
– « Il faut dire aux ouvriers où ils doivent être, les déplacer et les diriger tout comme des soldats » (Trotski).
Insoumission civile et militaire
Aujourd’hui faut-il se contenter de crier « Libérez nos camarades » ?
A l’heure où l’on parle de tout (syndicats de soldats, droits démocratiques du soldat…) sauf d’antimilitarisme, il nous semble urgent de nous donner les moyens de tout faire pour que l’insoumission se généralise à tous les niveaux : elle ne doit plus rester individuelle mais s’affirmer de fait comme une pratique collective, en parallèle avec les autres formes de lutte contre la militarisation et l’Etat (désertion, objection, soldats antimilitaristes).
LIBERATION IMMEDIATE DES INCULPES !
LEVEE DES INCULPATIONS !
LIBERTE POUR TOUS LES INSOUMIS, DESERTEURS, OBJECTEURS !
et autres victimes des tribunaux d’exception
Petit soldat deviendra grand
La démocratie est à l’ordre du jour. Et en particulier dans l’armée… Voyez le Portugal et bientôt l’Espagne… Mais faudrait pas confondre : démocratie donc responsabilité donc participation donc discipline. Et là-dessus avec l’ineffable sens de la nuance qui les sépare, tous nos spécialistes de la pensée (de droite ou de gauche), de la parole (du Monde ou de Libération) et de la Politique sont bien d’accord. Armée tricolore ou Armée rouge mais de toutes façon armée.
Allez, disent les maos, on supprimera non les grades mais leurs symboles, on ira même aider à la production : quelle glorieuse vision d’avenir socialiste que celle de ces soldat s du peuple aidant de leurs mitraillettes les ouvriers à mieux produire.
Allez, disent les trotskystes, souvenons-nous de la grande armée rouge que notre père spirituel construisit… sur les corps des marins de Cronstadt et des paysans de l’Ukraine, oublient-ils de préciser.
Allez, disent les unions de la gauche, l’armée doit être dans la nation, aimante et aimée de celle-ci : ne lui sapons donc pas le moral et donnons lui les droits du citoyen.
Allez, disent les UD Giscardiens, nous sommes bien d’accord , il y a des problèmes mais la discipline d’abord et saupoudrons avec un peu de changement et vous verrez tout ira mieux.
Et nous, disent les insoumis…
Une des grandes fonctions du raffut fait aujourd’hui autour des syndicat dans l’armée est bien en effet de faire oublier celui qui commençait à prendre effet il y a quelques mois : l ‘insoumission. La droite qui ne tient pas plus que ça au syndicalisme finira bien par s’en accommoder si cela lui permet de maintenir sous chape de silence et de répression ceux qui refusent l’armée quelques soient les oripeaux dont on l’affuble.
La gauche, j’hésite à dire traditionnelle (comme si l’autre ne l’était pas), voit bien le bénéfice possible de l’affaire : d’une part on contrôle syndicats ou comités, d’autre part on cache le problème de l’insoumission.
Même calcul pour les léninistes qui feront en outre quelques recrues supplémentaires.
Car tous en veulent de l’armée, tous veulent leur part d’influence, de responsabilité. Quand on vise le pouvoir, il faut bien s’assurer aussi les moyens de l’exercer.
Alors, on nous sort la grande idée du siècle : la démocratie ; le droit aux droits du citoyen. Ce qui accrédite fortement l’idée qu’il y a une cité dans laquelle chacun doit se sentir responsable, prêt à gérer. De nouveau, l’idée du pouvoir nécessaire, indispensable, et si possible centraliste ou centralisé… Et la différence n’est pas bien grande entre les sergents de gauche ou de droite, entre les politiques, de gauche ou de droite. C’est pourtant ça, me semble-t-il, que l’on veut casser quand on parle de révolution : il n’y a pas de cité que j’aspire à gérer, il n’y a pas d’état dans lequel je veuille être responsable. Je veux me barrer sur mes chemins avec ceux avec qui j’ai affaire et pour cela je prendrai un flingue si nécessaire mais pas d’uniforme. Insoumission active qui consiste à utiliser aussi la violence mais plus dans le cadre truqué des rêves fascho-léninistes.
Car ils sont bien présents ceux-là, même dans une armée où l’on conteste, où l’on se syndicalise. Il faut avoir les yeux drôlement bouchés pour ne pas voir que l’armée n’est pas une armée de guerre civile (comme le croient nos révolutionnaires modèles) mais une armée de paix civile. Que ce qu’on y apprend principalement n’est pas la haine de l’ennemi intérieur mais celle de l’ennemi à l’intérieur de nos têtes.
Bien sûr qu’ils sont encore nombreux à croire à la peste rouge : sociale-communo-gauchiste, bien sûr qu’ils font des manœuvres destinées à apprendre comment combattre. Que Bigeard et ses sbires à défaut de casser du viet ou du fell se referaient bien la main sur quelques gauchistes et entraîneraient bien avec eux ces « bons petits gars » qui composent notre armée. Mais fondamentalement, c’est ailleurs que cela se joue et c’est pour cela que revendiquer contre l’ennui dans les caserne s est à la limite crapuleux. Plus on s’y emmerde, plus on a envie de s’en barrer. Pas d’ennui, c ‘est-à-dire des manœuvres, des séances de tir supplémentaires et moins de corvées. Alors que ce n’est pas dans les corvées que se forge réellement l’esprit militaire mais bien dans « la grande fraternité des armes » là où la discipline est la plus facile à consentir, l’ordre le plus apte à régner parce qu’enfin dirigé sur un objet crédible : la défense. Et chacun d’apprendre et d’intérioriser « ces vertus fondamentale : l’obéissance, le respect des supérieurs, la peine et le sacrifice. Le dressage ne s’effectue pas sur l’idéologie gauche-droite, mais sur l’acceptation, la valorisation du silence, de la non insurrection individuelle. C’est moins l’idée de révolution qu’il s’agit de tuer mais le désir de révolte. Et lorsque l’armée, après la famille et l’école,aura inscrit de façon indélébile la soumission dans la tête de chacun, alors régnera la paix civile.
Et cette soumission, on offre même la compensation suprême : celle de la virilité. Celui qui aura appris à souffrir, à se battre sans rechigner, celui-là sera un homme. Et aura droit aux bordels de garnison, à la drague sauvage dans les bals les soirs de perms en attendant de pouvoir montrer son gros zob de celui qui y est allé et qui en a bavé aux femmes qu’il s’acharnera à soumettre une fois redevenu civil. C’est en cela que les femmes sont concernées par l’armée : ce qu’on y apprend aux hommes, c’est aussi à les mépriser, à les écraser. Ca aussi c’est la paix civile : chacun et chacune à sa place, à son rang, sous la botte.
A.lors, ne nous faites pas chier avec vos comités et vos syndicats : il ne s’agit pas de faire entrer les idées de gauche ou révolutionnaires dans l’armée, il s’agit de faire sortir l’armée de nos têtes. Et le grand spectacle organisé par les média, cour de sûreté de l’état en prime pour faire sérieux, ne sert qu’à l’y faire mieux rentrer. Insoumission ou soumission, tel est le vrai choix et il n’y en a pas d’autre.
Démoralisons l’armée !
Le TRACT au verso a été distribué début décembre au Pré-Saint-Gervais.
C’est un TRACT ANTIMILITARISTE comme tout anarchiste en a distribué plusieurs fois dans sa vie.
C’est ce TRACT, qui remet en cause TOUTES LES ARMEES, qui vaut à ALI TOUATI d’être détenu depuis un mois et demi pour démoralisation de l’armée.
Donc, si ce TRACT est tellement dangereux pour le système, il faut qu’il se répande partout ;
– Ou bien, la Cour de Sûreté de l’Etat inculpe tous les gens qui le diffuse ou qui en détiennent plus d’un.
– Ou bien, l’armée sera tellement démoralisée que la révolution est inéluctable et pour bientôt.
– Ou bien, le gouvernement prend les citoyens pour des cons, avec ses grandes manœuvres policières et judiciaires, et ceux-ci ne manqueront pas de s’en apercevoir et d’en tirer leurs conclusions.
distribuons ce tract partout
Donc, il faut le reproduire partout et par tous les moyens possibles (offset, photocopies, stencils électroniques et ronéo, et pourquoi pas en affiches… ?) et le faire connaître du plus grand nombre.
D’autre part, il faut accentuer la pression sur le pouvoir pour obtenir la libération des huit derniers prétendus « comploteurs internationaux ».
car le gouvernement n’agit pas à la légère, les pressions de la droite et de la hiérarchie militaire l’ont forcé à réagir contre les organisations de soldats, mais aussi contre la montée de l’insoumission et de l’objection qui ne les inquiète pas moins.
D’autre part, c’est un excellent moyen de tester les méthodes de répression violente et de grande envergure qui ont tant de succès dans d’autres pays (l’Allemagne est proche, et là-bas, ce sont les sociaux-démocrates qui font cette besogne là).
rappel indispensable
La Cour de Sûreté de l’Etat a d’autres affaires en main, tout aussi dignes d’intérêt :
– les CORSES.
– les BRETONS.
– les trois derniers des G.A.R.I., ANARCHISTES, détenus depuis treize et seize mois, pour leurs actions contre l’Espagne franquiste et que tout le monde semble oublier depuis la mort de Franco.
exigeons leur libération à tous !
Article 84 – dossiers vides
I. Le vide des dossiers fait remplir moult pages. Chez les anars, cependant, il est plutôt mal reçu :
– cette défense ne serait pas politique ; elle relèverait du style : « Quoi ? mais nous n’avons rien fait ! Nous sommes de doux agneaux, d’ailleurs voyez, nos dossiers sont vides ! … »
Défense critiquable en plus, parce quand par hasard on tombe sur une brebis par aussi blanche que les autres…
– c’est une défense qui n’est pas valable pour tous les inculpés et par conséquent, ce sont les mal blanchis qui vont en faire les frais.
– c’est une défense qui chagrine, parce que les anars sont des anti-militaristes virulents qui luttent à tour de bras pour la destruction de l’armée.
OR :
II. Le vide du dossier, c’est l’ensemble des aveux contenus dans les annexes appuyant la lettre du ministre de la Défense, donnant « ordre au Procureur Général près la Cour de Sûreté de l’Etat d’ouvrir une information contre X… du chef de l’article 84 du Code Pénal » – et dans les ordonnances du Juge d’Instruction.
Soit :
1/ FICHE – Objet : Participation de supposés militaires portugais à des réunions en France.
A retenir : au cours d’un meeting le 13 novembre 1975, un portugais des SUV « a décrit le processus de la révolution portugaise à travers l’action des comités de soldats créés au sein de l’armée ».
2/ ANNEXE II : « Les éléments recueillis lors des enquêtes effectuées dans chaque cas ne faisaient pas alors apparaître avec certitude l’existence de liaisons suivies entre les divers participants. C’est pourquoi, en l’absence de preuves déterminantes, les solutions adoptées pour tenter de mettre en fin à cette agitation furent recherchées en fonction des aspects particuliers de chacune des affaires. »
– « Certains points paraissent en effet constituer les différents éléments de cette infraction ».
– « Recherche de la démoralisation de l’armée dans le but de nuire à la défense nationale ».
– « La preuve de la participation concrète des responsables à un échelon central n’est évidemment pas faite. Jusqu’à la recherche de renseignements a été effectuée à l’occasion d’affaires localisées dans l’espace et dans le temps. Mais l’ouverture d’une information générale contre X… du chef de participation à une entreprise de démoralisation de l’armée devant la Cour de Sûreté devrait permettre de lancer des investigations élargies et centralisées en faisant appel aux services de police sur l’ensemble du territoire et d’aboutir à la mise en cause des auteurs principaux« .
3/ ORDONNANCES DU JUGE D’INSTRUCTION
– « L’information n’en est qu’à ses débuts et doit précisément comporter la vérification de l’existence des éléments de fait et de droit propres à déterminer si l’infraction est réellement constituée ».
– Les charges retenues démontrent que les seules « infractions » sont « des manifestations publiques d’opinion » et le « libre exercice des libertés constitutionnelles » (commentaire des Ordonnances par les avocats).
Au vu de cette bulle, les avocats ont donc décidé d’ouvrir publiquement le dossier de la Cour de Sûreté de l’Etat qui n’est, de son propre aveu, qu’une entreprise pour « permettre de lancer des investigations … en faisant appel aux services de police sur l’ensemble du territoire ».
Il ne s’agit donc pas là d’un mode de défense mais d’une démarche de procédure, ne préjugeant en aucune façon des déclarations des inculpés ou du style de défense à adopter.
III. Quant à la défense des camarades libertaires, pour rassurer d’aucuns, c’est bien une défense politique affirmant leurs principes idéologiques et attaquant sur la mise en cause du droit d’opinion et d’expression : cf dans le dossier M. Marcoux, « la qualité d’anarchiste reconnue par les trois inculpés, leur rôle, et leur action anti-militariste en tant qu’anarchiste, rôle qui devra être précisé… »
Maintenant, si des camarades, pour que la défense des inculpés soit encore plus « politique », ne se contentaient pas d’affirmer par solidarité leur propres positions anti-militaristes mais allaient jusqu’à donner des précisions sur « le rôle et l’action antimilitaristes » supposées de certains inculpés, il est sûr qu’il ne feraient ainsi qu’aider le pouvoir et la Cour de Sûreté. Un conseil simplement, avant de se lancer dans cette opération politique de grande envergure, peut-être feraient-ils bien de prendre l’avis des quelque huit petits cons qui sont en taule depuis 2 mois ou plus…
C.