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Austérité pour qui ?

Editorial du Bulletin de liaison, organe du Comité national de défense de la révolution, n°4, décembre 1965, p. 3

Comme son illustre prédécesseur le faisait de temps à autre, Boumedienne vient de proclamer la nécessité de l’austérité. Dans son discours du 1er Novembre, il invite en effet la Nation à « comprendre qu’elle ne peut plus continuer à vivre au-dessus de ses moyens » et il exige d’elle « un comportement rigoureux d’austérité ».

Mais à qui promet-on une fois de plus les rigueurs de jours plus austères ? Sans aucun doute aux cohortes de mendiants qui traînent dans les villes ou bien aux centaines de milliers de paysans qui ont oublié le goût du pain, ou encore aux ouvriers de l’autogestion qui attendent vainement depuis des mois, des salaires qu’ils ont pourtant largement gagnés, à moins que ce ne soit aux petits commerçants accablés d’impôts qui ferment boutique les uns après les autres ou enfin, aux petits fonctionnaires dont les maigres salaires sont chaque fois rognés par de nouvelles retenues.

Ce discours du 1er Novembre, pompeusement baptisé par la presse nationale « discours-programme », est en outre un modèle de machiavélisme et de fausse vertu, car c’est se moquer du peuple algérien que de faire semblant de croire qu’il attendait Boumedienne pour apprendre que la situation économique du pays allait de catastrophe en catastrophe ! Pour savoir que deux millions de chômeurs et leur famille crevaient de misère ! Pour constater que ni la réforme agraire, ni les élections municipales, ni rien de ce qui avait été promis n’avait seulement connu un début de réalisation !

Mais nous n’avons eu besoin de personne pour voir la division, le pillage, la misère et le mensonge s’abattre sur nous au moment où l’enthousiasme joyeux de la libération autorisait tous les miracles : pendant que les patriotes mouraient dans les combats libérateurs, qui intriguait avec Ben Bella contre la Révolution et l’esprit du 1er Novembre dont aujourd’hui tout le monde a l’audace de se réclamer ?

Boumedienne prétend aujourd’hui avoir débarrassé l’Algérie d’un monarque sanguinaire, mais qui l’avait fait roi ? qui a partagé son trône ? qui a gardé ses ministres les plus tarés ? et, à propos d’austérité, qui a poussé l’Algérie aux dépenses les plus inutile ?

Boumedienne prétend qu’il va redresser la situation alors que son ministre de l’industrie avoue publiquement qu’en Algérie plus personne ne travaille pour personne.

En vérité, il est impossible de redresser quoi que ce soit quand on commence par gaspiller des centaines de milliards pour entretenir une armée et une police qui servent uniquement à bâillonner le peuple, quand des sommes fabuleuses sont détournées chaque jour, à tous les échelons de l’appareil d’Etat, quand la corruption est érigée en méthode de gouvernement, quand la rechercher du profit personnel et le cynisme sont les qualités exigées pour occuper des responsabilités politiques.

Mais le peuple algérien sait depuis longtemps quel sort il doit réserver aux déclarations plus belles les unes que les autres de « ses dirigeants ».

Il est las des mensonges et des promesses ! Sa patience finira par s’épuiser et le jour viendra où il saura arrêter cette mascarade et se faire à nouveau respecter.

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