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En marge des événements tragiques d’Algérie : l’origine du drapeau algérien

Textes parus dans le Bulletin d’information du MNA, n° 30, décembre 1960, p. 2-6


Au cours des événements qui se sont déroulés à Alger et dans les autres villes d’Algérie, avec l’arrivée du général de GAULLE jusqu’à son retour, il y a eu, de la part des Algériens musulmans une réaction inattendue pour certains, qui s’est transformée en de nombreuses manifestations.

Une fois de plus, le Casbah a parlé. A cette occasion, la presse et la radio se sont rendu compte de visu que le peuple algérien n’était pas mort malgré six années de répression sanglante et de bâillon. Les manifestants criaient leurs slogans, brandissaient des pancartes, des bannières et des drapeaux. Il faut convenir qu’on a beaucoup parlé de notre emblème national en l’attribuant soit aux fellaghas, soit au F.L.N. C’est là une grave erreur. Il n’y a pas de drapeau fellagha, ni de drapeau F.L.N. Il en est ainsi que tous les autres mouvements politiques, religieux, sportifs ou culturels qui ne peuvent, en aucune sorte, revendiquer à leur compte leurs couleurs nationales.

Quant au drapeau vert et blanc frappé du croissant et de l’étoile rouges qu’on a si généreusement baptisé F.L.N., c’est là une erreur de la part de l’information écrite et parlée. Si ce n’était qu’une erreur, ce serait un mal réparable ; mais étant donné le battage qui a été fait autour de notre emblème et en l’attribuant seulement au F.L.N., on peut croire à une certaine préméditation de cette orchestration.

Le M.N.A. a non seulement manifesté avec le même drapeau mais encore il a pris l’initiative de ces manifestations en proposant au F.L.N. de s’associer à celles-ci dans e but d’unir les forces algériennes face à la provocation des ultras qui sont allés jusqu’à lyncher des Algériens musulmans.

Le drapeau dont il est question a été créé par l’Emir ABDELKADER durant ses ex-sept années de résistance et de lutte. L’ETOILE NORD-AFRICAINE, LA GLORIEUSE ÉTOILE NORD-AFRICAINE, L’UNION DES MUSULMANS NORD-AFRICAINS, le P.P.A., le M.T.L.D. et le M.N.A. ont repris le drapeau algérien comme l’emblème national dans toutes leurs manifestations tant en France qu’en Algérie.

A Alger, le 14 Juillet 1937, à l’occasion de la manifestation de cette fête de la liberté, le P.P.A. a défilé du Champ de Manœuvres à la Place du Gouvernement avec ce drapeau vert et blanc frappé du croissant et de l’étoile rouges, sous les applaudissements et les youyous des Algériennes et des Algériens durant toute une matinée. A cette occasion, il convient de rappeler que MESSALI HADJ, porté en triomphe par la foule à la Place du Gouvernement, a tenu un important discours. Dirigeant son regard vers la mosquée, le Chef du Parti a développé largement les mots d’ordre : « LA TERRE AUX FELLAHS, « LA LIBERTE DU CULTE ET DE LA LANGUE ARABE » et « L’INDEPENDANCE DE L’ALGERIE », tandis que des jeunes déployaient devant cette tribune improvisée les couleurs nationales.

Le 1er et le 8 mai 1945, il y a eu deux grandes manifestations dans tout le pays avec le drapeau algérien, au cours desquelles sont tombés plusieurs milliers d’Algériennes et d’Algériens. Il y a lieu de préciser qu’à la première manifestation, c’est-à-dire le 1er Mai 1945, trois militants du P.P.A., EL-HAFFAF Mohamed-Ghezali, ZIAR Abdelkader et LAIMECHE Mohamed sont tombés, le drapeau à la main, à Alger, rue d’Isly, sous la mitraille.

Le M.T.L.D. participait tous les ans aux manifestations du 14 Juillet dans ces immenses cortèges qui partaient de la Bastille à la Place de la Nation. Il défilait également avec ses pancartes et le drapeau.

Il y a lieu de rappeler la manifestation du 14 Juillet 1953 qui s’est terminée à la Place de la Nation par une fusillade qui a coûté la vie à six militants M.T.L.D. parce qu’ils avaient défilé avec le drapeau algérien. Enfin, celui-ci a été toujours présent dans toutes les manifestations, les réceptions et les cérémonies du M.T.L.D.

La réalité est que ce drapeau algérien n’appartient pas plus au M.N.A., au F.L.N. qu’à d’autres organisations, il est purement et simplement un héritage historique de tous ceux qui de réclament de lui.

Or, précisément, il nous plaît aujourd’hui de narrer une anecdote à propos de l’emblème national et qui concerne ce nationaliste de la 11ème heure qui fait le « zaïm » à Tunis, à Rabat ou au Caire. On sait que Ferhat ABBAS, leader de l’U.D.M.A., avait également inscrit dans ses revendication le drapeau algérien, lorsqu’il était député. Mais à l’occasion d’une réception de la délégation de l’U.D.M.A. présidée par Ferhat ABBAS, dans une cérémonie officielle, ce dernier s’est vu reprocher par le ministre de l’Intérieur DEPREUX la revendication d’un drapeau algérien. ABBAS, alors accédant au désir du ministre, fit cette concession et abandonna le drapeau algérien entre la poire et le fromage. Bien sûr, cette opération faite dans le silence et la douceur du Palais d’Été n’allait pas rester là. En effet, elle a été portée à la connaissance de l’opinion publique par le ministre DEPREUX lui-même lors d’une conférence de presse à la Place Beauvau.

Quant au M.N.A. qui, lui, n’a jamais prétendu que le drapeau algérien lui appartenait seul, mène le combat à Alger, au djebel et à Paris au nom de ce drapeau, quelles que soient les difficultés et quelles que soient les circonstances.

Et pour tout dire, on n’a pas seulement attribué le drapeau au F.L.N. au cours de ces dernières manifestations, mais la façon dont a été menée l’orchestration par la presse et la radio, laisse entendre que lui seul était l’organisateur de ces mouvements de masses.

Le silence qui, cette fois-ci, a été observé comme un ordre venant on ne sait d’où, dépasse la conspiration du silence que nous avons déjà connue presque de tout temps. La presse transmettait journellement énormément d’informations sur le déroulement des manifestations. Elle les a dépeintes avec détails. Le yaouled du quartier, le petit cireur de la Place du Gouvernement, les slogans, la présence des femmes et leurs youyou ont été mis en relief longuement et profondément.

Évaluant les forces en présence, les correspondants de la presse et de la radio ont cité, bien entendu, le F.L.N., les ultras, les fellahs du bled, la 3ème force, l’armée, les libéraux, les réflexions de tel ou tel bourgeois ou de tel ou tel officier, mais n’a jamais prononcé le mot M.N.A. Est-ce un oubli, une partialité ou un ordre ? Le fait est qu’on a parlé de tout, et des moindres détails, mais personne n’a osé parlé du M.N.A.

Parmi les correspondants de la presse et de la radio, il y a un certain nombre d’entre eux qui connaissent parfaitement bien et le M.N.A. et MESSALI HADJ. Pourquoi donc ce silence et comment pouvons-nous l’interpréter ? Ne pommes-nous pas devant un gonflement du F.L.N. pour des raisons de stratégie face aux ultras ou la préparation de l’opinion pour un nouveau Melun ?

Qu’on le veuille ou non, il demeure que dans cette orchestration, il y a quelque chose ou quelqu’un qui fait le chef d’orchestre. En politique, et quand il s’agit des intérêts, tout possible.

Quoi qu’il en soit, le M.N.A. qui, malgré une coalition qui a voulu sa liquidation physique et politique, a survécu à tous les crimes, à tous les attentats et à tous les complots. C’est là sa puissance et sa volonté de continuer l’accomplissement de sa mission, l’instauration d’une véritable démocratie en Algérie qui, seule, permettra la mise sur pied d’un gouvernement algérien et d’une République Algérienne souveraine.

C’est pourquoi nous continuerons à proposer notre plan de paix qui se résume ainsi : L’OUVERTURE DES NEGOCIATIONS AVEC TOUS LES NATIONALISTES ALGERIENS POUR EXAMINER TOUS LES ASPECTS DU PROBLEME ALGERIEN AFIN D’ABOUTIR A UN CESSEZ-LE-FEU ET IMMEDIATEMENT APRES PROCÉDER A LA FORMATION D’UN GOUVERNEMENT ALGERIEN COMPOSE DU M.N.A., du F.L.N., DE REPRESENTANTS DE LA MINORITE FRANCAISE ET DES AUTRES TENDANCES QUALIFIEES.

C’est là la seule voie oui mène à la paix et à la coopération entre la REPUBLIQUE ALGERIENNE et la REPUBLIQUE FRANCAISE.

LA FEDERATION DE FRANCE DU M.N.A.


DOCUMENTATION

a) Déclaration du BUREAU POLITIQUE du M.N.A.

Le BUREAU POLITIQUE du M.N.A., à la suite des événements tragiques et qui, une fois de plus, viennent d’endeuiller le peuple algérien, réuni en session extraordinaire :

S’INCLINE devant les martyrs de ces journées sanglantes provoquées par la répression colonialiste et adresse à toutes les familles algériennes atteintes par ce massacre ignoble ses condoléances profondément attristées, les assure de son affection et réaffirme son engagement de poursuivre le combat et servir la cause pour laquelle ils viennent de tomber.

ELEVE une protestation véhémente et énergique contre ce massacre odieux et dénonce l’aspect raciste du gouvernement français qui fait que les uns se livrent librement à toutes sortes de manifestations et de désordres, tandis que le lot réservé aux musulmans demeure toujours la mitraille, la torture et la répression sanglante.

Dans tout cela, il y a quelque chose troublant et on se demande comment on est arrivé à cette machination. En effet, pourquoi a-t-on vu du coté officiel saluer l’entrée en scène des manifestants musulmans, chose qu’on a considérée comme un « événement extraordinaire » et comment cette manifestation a dégénéré en massacre ? Faut-il croire alors que nous sommes en présence d’un nouveau 8 Mai 1945 ?

Au moment où notre peuple est engagé dans sa lutte de libération nationale, le M.N.A. adresse un vibrant appel à tous les Algériens pour leur union et leur réconciliation autour de la REPUBLIQUE ALGERIENNE qui, déjà, pointe à l’horizon délaissant les manœuvres colonialistes qui ont déjà sillonné toute cette période de colonisation, pour élever nos aspirations à la hauteur de l’intérêt national et général du peuple algérien.

L’exemple affreux de division et d’anarchie qu’offre le Congo ex-belge doit nous inciter davantage à être vigilants et à garder notre sang froid.

L’enseignement essentiel à dégager de ces journées sanglantes est la volonté ardente de notre peuple, sa combativité et son esprit de sacrifice qui ont mis en échec toute politique tendant à créer une 3ème force et toute velléité de partition de notre territoire national.

C’est pourquoi, une fois de plus, l’ouverture des négociations s’avère indispensable pour mettre fin à la guerre d’Algérie et aborder ensuite la construction de la REPUBLIQUE ALGERIENNE. Ce sentiment profond est certainement partagé par le peuple français avec lequel nous entendons conserver des rapports amicaux, base fondamentale de la coopération de demain.

Le 13 Décembre 1960.


b) Communiqué de la Fédération d’Alger du M.N.A.

MOUVEMENT NATIONAL ALGÉRIEN
Fédération d’Alger

COMMUNIQUE

Le général de GAULLE, le gouvernement français, l’opinion internationale sont, une fois-de plus, fixés et avertis des événements tragiques que traverse l’Algérie, et de l’acuité d’une solution négociée. A Alger, à Oran et dans toutes les villes d’Algérie, le peuple est descendu spontanément dans la rue crier sa soif de liberté et de justice humaine. Partout, les jeunesses manifestantes scandaient à haute voix « ALGERIE ALGERIENNE », « ALGÉRIE MUSULMANE ».

Ces deux expressions ne sont pas le fait du hasard, mais reflètent bien la pensée du peuple.

Par « ALGERIE ALGERIENNE », la masse disait un NON catégorique à la politique des ultras et de leurs amis, un NON catégorique aux factieux du 24 Janvier et aux tenants du mythe « ALGERIE FRANÇAISE ».

Par « ALGERIE MUSULMANE », le peuple s’oppose et condamne toute ingérence communiste et autres dans la Révolution Algérienne.

L’enseignement essentiel à dégager de ces journées sanglantes, c’est la mise en échec de toute politique tendant à créer un, troisième force et toute velléité de partition de notre territoire national. C’est pourquoi, une fois de plus, nous insistons sur l’urgence de l’ouverture des négociations sans préalable ni exclusive pour mettre fin à la guerre d’Algérie.

Le M.N.A. précise à l’intention des informateurs que le drapeau brandi aux manifestations d’Algérie, lequel fut porté par MESSALI HADJ au défilé du 14 Juillet 1937 à Alger à la tête de vingt mille manifestants, est non la propriété d’une tendance partisane, mais bien l’emblème national algérien.

A tous ces héros de l’ombre, morts pour que vive l’Algérie libre et démocratique, le M.N.A. leur rend un vibrant hommage, salue pieusement leurs dépouilles et assure de son entière solidarité toutes les familles éprouvées.

Alger, le 16 Décembre 1960.

P.S. : Ce communiqué a été remis par la Fédération d’Alger du M.N.A. à la presse le 16 Décembre 1960. Ni la presse ni la radio n’ont daigné le porter à la connaissance de l’opinion publique.



c) Mise au point de la Fédération de France du M.N.A.

Par ailleurs, une mise au point a été rendue publique le 17 Décembre 1960 par la Fédération de France du M.N.A. et dont nous extrayons les passages suivants :

« La manifestation des ultras a soulevé la colère du peuple algérien longtemps bâillonné qui a manifesté son indignation et précise ses aspirations nationales : L’INDEPENDANCE DE L’ALGERIE et LA REPUBLIQUE ALGERIENNE SOUVERAINE.

A ce propos, le M.N.A. a pris l’initiative de ces manifestations en proposant au F.L.N. sa participation pour démontrer l’union et la réconciliation du peuple algérien face aux provocations des ultras et du complot en préparation. Le F.L.N. n’a pas cru devoir se rallier à cette invitation pour des raisons que l’on sait ».

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