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Sénégal : la majorité de la direction du M.S.D. réaffirme ses liens avec la IVème Internationale (CIR) et une politique conforme aux traditions du mouvement ouvrier et des peuples

Textes parus dans Tribune internationale, n° 51, septembre 1989, p. 22-24


On trouvera ci-dessous de larges extraits de la résolution intitulée « A toutes les militantes et tous les militants du M.S.D. » adoptée à Dakar le 9 août 1989 par une large majorité du Secrétariat politique permanent du Mouvement pour le socialisme et la démocratie (Sénégal). Dans le précédent numéro de Tribune Internationale (No. 50 de Juillet 1989), nous avions publié la résolution adoptée par le Conseil général de IVème Internationale (CIR) en mai 1989. Cette résolution, après avoir constaté l’absence de Mamadou Dia, régulièrement invité à cette réunion, rappelait la position de principe de la IVème Internationale (CIR) sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, de la religion comme affaire privée et de la politique. Ce rappel avait été rendu nécessaire par les prises de position de Mamadou Dia, président du M.S.D., au sujet de « l’affaire Rushdie » (voir le même numéro 50 de Tribune Internationale).

Mamndou Dia a refusé toute discussion sur ce point, marquant que « l’affaire Rushdie » n’était qu’un prétexte pour tenter d’entraîner le M.S.D sur des positions qui, comme le rappelait la résolution du Conseil général. étaient contradictoires non seulement avec les positions de la IVème Internationale mais avec celles qui sont à la base de la constitution de toute organisation indépendante des exploités et des opprimés. Le Secrétariat international de la IVème Internationale (CIR) recevait le 8 août un document signé de Mody Diagne, Coordinateur national général du M.S.D., présenté comme une résolution de son Secrétariat politique permanent, et qui se concluait en déclarant : « Le M.S.D constate qu’il y a divorce avec la IVème Internationale« .

En fait, comme en témoigne la résolution que nous reproduisons ci-dessous, la position de la majorité du Secrétariat politique permanent du M.S.D n’est pas celle-là. Tout au contraire, ce Secrétariat politique permanent a non seulement caractérisé les prises de position successives de Mamadou Dia à partir de l’affaire Rushdie comme une tentative de dénaturer le caractère ouvrier, démocratique et internationaliste du M.S.D. mais il a dénoncé les méthodes de coup de force permanent par lesquelles Mamadou Dia et ses partisans ont tenté d’imposer leurs positions ou de les présenter comme celles du M.S.D. Cette résolution appelle en conclusion à un Congrès extraordinaire du M.S.D. pour défendre celui-ci comme organisation indépendante et le préserver comme organisation construisant le Parti des travailleurs et l’Internationale.

La rapidité de l’évolution de Dia, à partir de l’affaire Rushdie, est une confirmation de ce qui était souligné dans la prise de position du Conseil général : « Il ne s’agit pas en effet d’un débat sur la religion, mais d’une question politique centrale. La revendication démocratique de la séparation des états et de l’Eglise, la laïcité. le fait que les croyants religieuses comme affaire privée ne peuvent intervenir dans les prises de position d’une organisation politique sont des éléments constitutifs du mouvement ouvrier indépendant et du mouvement des peuples opprimés contre l’impérialisme. Il s’agit d’éléments de principe que, bien évidemment la IVème Internationale reprend à son compte, mais qui sont aussi à la base de la constitution de toute organisation indépendante des exploités et des opprimés. »

La dérive, qui pourrait paraître surprenante, de Mamadou Dia, rappelle que la politique, surtout aujourd’hui, a horreur du vide. Et que lorsque l’on abandonne sur un point, les principes indispensables à la défense des travailleurs et de la démocratie, la place ainsi abandonnée est très vite occupée par des positions radicalement contraires aux intérêts des travailleurs et des peuples. La résolution adoptée par la majorité du Secrétariat politique permanent démontre avec force qu’on ne saurait trahir la cause et les principes pour lesquels un parti a été constitué sans se heurter à la réaction la plus énergique des travailleurs et des jeunes qui le compose, de la base à la direction. Mamadou Dia et d’autres dirigeants de son parti décidèrent en effet de démissionner du M.S.D constatant qu’ils étaient minoritaires dans leurs positions (voir la lettre de démission publiée en annexe).

Le combat mené par tous les militants du M.S.D qui se retrouvent dans l’action pour la défense du parti comme parti socialiste internationaliste ouvrier et paysan est un élément de progression de l’action d’ensemble pour l’Internationale.


« A toutes les militantes et tous les militants du M.S.D. »
(Extraits)

Défendre le M.S.D., Parti socialiste internationaliste ouvrier et paysan,

Défendre l’unité du fonctionnement démocratique et l’indépendance du parti,

Pour un Congrès extraordinaire et démocratique et défense des bases politiques et organisationnelles constitutives du M.S.D.

Ce jour, mercredi 9 août 1989, le Secrétariat politique permanent (SPP) est saisi d’une « motion préjudicielle » du camarade Mamadou Dia prétendant sommer (le mot n’est pas trop fort) 2 camarades du SPP de déclarer leur « soumission » à la Résolution soumise par lui, Mamadou Dia, au Conseil exécutif national du 6 août et qui a été rejetée par ce dernier à une très large majorité.

Mamadou Dia a prétendu exiger de deux camarades un accord immédiat sans explication, avant que commence toute discussion.

Le Secrétariat politique permanent a rejeté à une majorité écrasante la « motion préjudicielle » de Mamadou Dia, en exigeant de lui :

1. qu’il s’explique sur sa motion préjudicielle

2. qu’il accepte la discussion.

Mamadou Dia a prétendu exiger une réponse immédiate en menaçant de quitter le SPP si les deux camarades ne se soumettaient pas. Le SPP a rejeté à une écrasante minorité la demande de Mamadou Dia. Mamadou Dia a alors quitté le SPP, la totalité des camarades sont restés au SPP. Mamadou Dia est revenu en réitérant ses exigences et en vociférant. Le SPP manifesta à nouveau son rejet largement majoritaire. Mamadou Dia partit alors en expliquant qu’il se retirait et en sommant des camarades de le suivre. Certains s’inclinèrent.

Mais le SPP maintint son rejet majoritaire et poursuivit sa réunion. Mody Diagne, président de séance à l’ouverture de celle-ci, demande que l’on élise un autre président de séance « parce qu’il est obligé de se retirer du SPP puisque Dia s’est retiré ». Chaque camarade se retirant formule sous une forme de regret les mêmes propos : « Mamadou Dia se retirant, je suis obligé de me retirer ». Le SPP à une large majorité, 21 contre 12, refusa de céder et continua la séance dans le respect de la décision largement majoritaire du CEN.

Le dimanche 6 août 1989, le CEN (Conseil exécutif national) du M.S.D s’est réuni en session ordinaire.

Le troisième point à l’ordre du jour portait sur les relations avec la IVème Internationale. Le CEN était composé des camarades qui se sont inscrits sur la liste de présence. La majorité du CEN s’est prononcée contre la rupture des liens avec la IVème Internationale, pour le respect de notre statut d’organisation sympathisante, sur la base des 9 points du protocole d’accord de Caracas du 28 avril 1987.

Cette majorité a largement fait connaître son point de vue à l’occasion du débat sur ce point de la manière suivante :

– maintien du cadre politique et organisationnel des relations avec la IVème Internationale ;

– discussion des questions en débat entre le SI de la IVème Internationale et le SPP du M.S.D. et Mamadou Dia ;

– respect du droit de critique mutuelle entre organisations souveraines ;

– refus d’assimiler la critique mutuelle à une atteinte à la souveraineté du MSD ou de la IVème Internationale ;

– respect des bases politiques de la fusion entre L.C.T. et M.D.P ;

– information du Parti sur les problèmes en discussion entre SI et SPP et Mamadou ;

– refus d’assimiler Mamadou Dia au Parti ;

– réaffirmation de la souveraineté du Parti et du fait que ce dernier est au dessus de chaque militant y compris Mamadou Dia ;

– exigence que Mamadou Dia respecte le Parti et se soumette à la majorité du CEN, tout en ayant bien entendu le droit de défendre ses positions.

Au moment de passer au vote sur la proposition de rupture, constatant que la majorité du CEN rejetait la proposition et n’acceptait aucun compromis, le président de séance, Mody Diagne, alors que:

– la rupture avait été annoncée par lettre du SPP au SI le 4 août 1989.

– cette lettre n’était en possession d’aucun membre du SPP.

– cette lettre n’a été lue qu’une fois malgré sa longueur,

– cette lettre n’a été ni lue, ni présentée, ni résumée au CEN,

demande par une résolution au CEN de prendre position sur la lettre du Secrétariat et fait consulter région par région, sachant parfaitement que :

– cette procédure n’a jamais tenu lieu de vote,

– n’a jamais été employée au CEN,

– que le parti et le CEN n’ont jamais été saisis de la question.

Non seulement Mody Diagne a refusé de soumettre sa proposition au vote du Conseil, mais il a avec la caution de Mamadou Dia tenté de perpétuer un oukaze : consulter les responsables de régions, alors que seules 5 régions étaient présentes dont une seule avec son responsable. Le Cap Vert et Mies refusent de se laisser embarquer dans la procédure dite de consultation des régions, le Fleuve, le Sine/Azlouni sans délégations disant se prononcer pour. Malgré cela, Mody Diagne s’est permis de proclamer les résultats du vote : « la position du Secrétariat est passée. »

Le SPP du M.S.D. pense que cela est grave, très grave. Mody Diagne avec Mamadou Dia prétend se soustraire à la souveraineté du M.S.D. par des procèdes que nous nous contenterons de qualifier de coup d’état permanent contre la SPP, le CEN et le Parti. Cette tentative de putsch prolonge et aggrave le refus de tenir compte de la majorité qui s’est dégagée au SPP du 3.8 89 : 11 contre, 8 pour la procédure introduite par Mamadou Dia. En cette occasion aussi Mody Diagne a refusé de tenir compte de la majorité qui s’est dégagée contre cette procédure.

Les implications des méthodes anti-démocratiques.

Ces méthodes qui introduisent dans le parti le coup d’état permanent depuis le 2 août 1989 tentent de falsifier la nature du M.S.D. de le transformer en un cadre anti-démocratique, tentant donc de changer la nature du parti. La majorité acceptable par Mamadou Dia serait la majorité qui accepterait d’avance ses thèses.

Ces méthodes remettent en cause les bases démocratiques du parti et tendent a faire de ce dernier un instrument au service de méthodes anti-démocratiques, du changement politique dans notre pays, à faire du parti un parti de coup d’état.

Le caractère de Parti socialiste internationaliste ouvrier et paysan du M.S.D est remis en cause par de telles méthodes. Personne plus que les ouvriers, paysans, jeunes et peuples n’ont besoin de la démocratie dans le parti, pour s’en saisir comme arme de combat et y exprimer leurs préoccupations.

Les méthodes anti-démocratiques sont comme toujours au service de la transformation des partis ouvriers et paysans socialistes internationalistes en partis anti-démocratiques, dépendant des secteurs libéraux de l’impérialisme et chauvins.

Le SPP en appelle à chaque militante, chaque militant, pour qu’ils se rassemblent autour de lui afin de fonder l’unité, l’indépendance et le fonctionnement démocratique du M.SD. sur les bases politiques et organisationnelles constitutives du M.S.D afin de garantir son caractère de Parti socialiste internationaliste ouvrier et paysan.

Cette unité du parti est contestée par ceux-là qui emploient les méthodes de dictature dans la mesure où elles produisent une situation dans laquelle la direction, les instances ne peuvent rien demander aux militants qui légitimement refusent d’appliquer des « décisions » qui ne sont pas celles du parti, dans l’exacte mesure où elles n’ont pas été prises démocratiquement.

Le résultat : la réalité c’est l’existence de deux logiques, de deux secrétariats, de deux CEN, les majoritaires et les minoritaires… Ces derniers refusant de respecter les décisions de la majorité : « Ils sont majoritaires mais nous emploierons les moyens adéquats » (I. Ndiaye, membre du SPP). Défendre les bases constitutives du M.S.D, c’est lutter contre des prises de positions qui les remettent gravement en cause. En cela ces méthodes remettent en cause les bases politiques de la fusion : « les 2 protocoles nationaux ».

Il est faux de dire que le CEN a adopte les positions de Mamadou Dia comme l’a démontré la majorité du CEN. Cette mention a été ajoutée A LA MAIN après la confection de la résolution.

Il est faux de dire que le fait de s’adresser à [Abdou Diouf] sous quelque forme que ce soit à des fins répressives à quelque titre que ce soit est représentatif de l’état d’esprit du parti et de la pensée du parti.

Il est faux de dire que le fait de prendre position sur des questions religieuses sur le terrain de la religion en tant que parti est conforme à la pensée du parti.

L’histoire politique du Sénégal interdit à tout démocrate d’agir ainsi, de prendre la religion comme prétexte pour des alliances contre nature, comme cela a été souvent le cas. Le peuple sénégalais retire toute confiance à ceux qui font appel à Abdou Diouf pour lui demander d’exercer son autorité qui plus est dans un domaine de la conscience religieuse.

Le Parti qui combat pour qu’un état démocratique socialiste et laïque ne combat ni pour un état confessionnel ni pour un état semi-confessionnel mais pour la séparation rigoureuse de l’état et de la religion (…).

Les masses sénégalaises qui refusent toute légitimité à Diouf ne peuvent comprendre que l’on fasse appel à lui et par là que l’on renforce consciemment ou inconsciemment son autorité. Elles lui ont entièrement tourné le dos et le rejettent sans appel. Les travailleurs des banques et avec eux le peuple sénégalais ne peuvent accepter que l’on fasse appel aux pilleurs enturbannés (marabouts – hommes d’affaires) qui portent une lourde responsabilité dans le pillage du secteur bancaire national. Ceux qui ont toujours combattu pour l’indépendance réciproque de la religion et de l’état, le peuple sénégalais ne peuvent comprendre que l’on passe outre ce long et douloureux combat aujourd’hui.

Pour l’unité, le fonctionnement démocratique et l’indépendance du parti.

Pour la défense du parti socialiste internationaliste ouvrier et paysan.

Le SPP convoque le congrès extraordinaire pour le dimanche 3 septembre.

Dakar 9 août 1989


Annexe

Déclaration de démission du M.S.D. faite par la minorité du Secrétariat politique permanent du M.S.D. dirigée par Mamadou Dia

Faisant le bilan des réunions du Secrétariat politique permanent des 2 et 9 août 1989 et du Conseil exécutif national du 6 août 1989 au sujet du différend entre la IVème Internationale et le Mouvement pour le socialisme et la démocratie (M.S.D) à propos de l’affaire Rushdie. Nous soussignés, par la présente déclaration, réunis au domicile du camarade Mamadou Dia, avenue Bourguiba, sous la présidence du camarade Mody Diagne :

– Considérant que les discussions ont révélé des divergences fondamentales profondes au sein de la direction du parti, notamment :

1) sur la conception des relations entre partenaires d’une même organisation internationale ;

2) sur l’appréciation même des faits de violation de la souveraineté et de l’indépendance de notre organisation dans une question nationale de haute importance ;

3) sur la place de la religion et en l’occurrence de la religion islamique dans notre société et nos institutions.

– Considérant que le climat même des discussions n’a laissé aucun doute sur le fait que nous avons perdu notre pari sur la fusion entre ex-M.D.P et ex-L.C.T.

– Considérant que nous n’avons pas le droit de tromper le peuple sénégalais.

– Décidons de démissionner du M.S.D après ce constat d’échec afin d’ouvrir la voie à la création d’un nouveau parti susceptible d’offrir par son homogénéité idéologique plus de chance de cohésion et d’unité et pour lequel les relations internationale ne seront jamais un prétexte pour aliéner sa dignité et son identité nationales, c’est-à-dire sa dimension spirituelle.

Dakar, le 20 août 1989.

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