Article de Fernand Doukhan paru dans Le Libertaire, n° 416, 3 février 1955
L’ALGERIE tient la vedette des préoccupations impérialistes et colonialistes.
Avec le rappel de Léonard, l’homme qui prêtait une oreille trop docile à Borgeaud le chef de file des ultras, on assiste à un nouveau règlement de comptes dont les vainqueurs provisoires sont Mendès et Blachette et leur néo-colonialisme.
Les réticences de ce dentier, à la suite des réformes qui ne sont rien d’autre que l’application différée des clauses du statut de l’Algérie voté par l’Assemblée Nationale et auquel l’Assemblée Algérienne a opposé son veto, il y a sept ans, ont été calmées par le bombardement de J. Chevallier, maire d’Alger, du poste de S. à la Guerre, à celui de ministre de la Guerre, ainsi que par la nomination de Fouques-Duparc, maire d’Oran, comme membre du cabinet. Ce qui faisait dire à Mitterrand que « les intérêts de l’Algérie » seraient sauvegardés.
La nomination d’un « politique » Soustelle (plutôt que d’un fonctionnaire, le préfet Dubois, par exemple, docile aux ordres de la grosse colonisation) n’est pas du goût de René Mayer, le député de Constantine, le représentant des intérêts financiers hostiles à ceux que représentent Mendès-France, et le grand ordonnateur des 15 voix algériennes à l’Assemblée Nationale, 15 voix qui cette fois pourraient faire pencher la ba-lance de l’autre côté, au cours des débats sur l’Algérie et la Tunisie.
Le choix de Soustelle, député de l’ex-R.P.F. marque les sympathies de Mendès pour de Gaulle, en même temps qu’il constitue une manœuvre en prévision du ralliement de l’ex-R.P.F. à l’occasion du débat à l’Assemblée et en vue d’une consécration de la défaits des ultras, qui auront affaire 6 quelqu’un qui ne se laissera pas influencer et sera le porte-parole du gouverneront.
Ces intentions de fermeté à l’égard des ultras se sont manifestées par l’unification des polices à l’échelon national et les déclarations de J. Chevallier, d’un conseiller municipal à Alger, ainsi que de la majorité des membres repentis du deuxième collège à l’Assemblée Algérienne contre les illégalités, actes arbitraires, procédés inhumains utilisés contre les détenus, l’exagération des peines, etc.
Est-ce qu’un vote de méfiance, en faisant tomber Mendès va redonner l’avantage aux ultras qui ont dépêché une délégation des maires à Paris intriguant et réclamant un renforcement de la répression ? La position des néos semble être solide et Mendès pourrait recueillir les avantages de son dispositif de guerre.
Mais le peuple algérien, le véritable intéressé est resté hors du jeu. Il assiste silencieux aux luttes des clans. Mitterrand, le chef de celui qui veut faire cesser « généreusement » les tortures, déclare que grâce à ses soins jamais autant de troupes n’avaient été envoyées en Algérie.
Le peuple algérien voit remplacer Léonard, celui qui menaçait des foudres de la répression ceux qui ne dénonceraient pas « les hors-la-loi », par un membre de l’ex-R.P.F. dont le chef présidait à Alger en 1945 le massacre des 45.000 victimes du Constantinois.
Il assiste à la lutte des coteries qui sont entièrement d’accord sur le fond, à savoir : écraser la révolte du peuple algérien afin de perpétuer la surexploitation.
La vigilance ne doit pas se démettre devant de nouvelles réformes qui, grâce à la complicité d’une nouvelle bourgeoisie (1) sont destinées à redonner de la force au colonialisme dont les jours, sont comptés et à rompre le front de lutte entre les trois peuples nord-africains qui ne doivent désarmer qu’après l’obtention de l’indépendance totale qui permettra aux travailleurs de s’engager aux côtés des travailleurs du monde sur la voie de la Révolution sociale vers la société sans classes et sans Etat.
FERNAND (M.L.N.A.).
(1) Voici la conclusion d’un article sur les réformes paru dans le journal quotidien communiste : « Il dépend de nous que celles qui sont bonnes et qui sont à l’état de projet entrent dans la vie. Ce sera un pas réel accompli. Ce sera un tremplin vers d’autres victoires ».
L’ARCHEVEQUE D’ALGER
contre les tortures policières
Mgr Duval, archevêque d’Alger, a adressé à ses fidèles un communiqué taisant évidemment allusion aux tortures policières approuvées par ses ouailles, les colons.
Voici qui rabattra un peu l’immonde toupet de la réaction française qui nie les tortures.
Mais, comme il fallait s’y attendre, Mgr Duval s’y est pris avec toute l’habileté désirable et précise dans son message :
« Dans la but d’éclairer les consciences par conséquent en me plaçant exclusivement dans la perspective de la mission spirituelle de l’Eglise, je vous communique l’essentiel de l’enseignement du Souverain Pontife à ce sujet, en citant textuellement ses propres paroles ».
Suivent les déclarations du Pape, notamment du 3 octobre 1943 et du 15 octobre 1950, déclarations bien modérées naturellement. Et puis, l’archevêque d’Alger ne proteste pas ouvertement, il se contente d’éclairer les consciences !
C’est ainsi que l’Eglise peut prétendre défendre les droits de « la Personne humaine » mais sans brusquer son public de colons et de tortionnaires.
Tout de même, cette fois l’Eglise a trouvé son maître : l’ignoble Forestier, secrétaire général du Syndicat National des Instituteurs qui, en plusieurs articles de « l’Ecole Libératrice » n’a jamais dénoncé les tortures policières en Algérie ! Plus soumis sans doute à Mendès-France, aux instituteurs colonialistes d’Algérie et au parti socialiste que le Pape ne l’est à sa propre clientèle.