Textes parus dans Informations Correspondance Ouvrières, n° 64, octobre 1967, p. 5-11
Nous pensons consacrer un texte spécial aux révoltes des noirs de cet été 1967. Les textes qui suivent concernent autant les noirs que la situation aux Etats-Unis ; ils peuvent donner un aperçu de la société américaine que l’on à peine à imaginer. Nous reviendrons aussi sur la signification de ces faits dans l’état capitaliste le plus puissant du monde, celui qui met en oeuvre les techniques les plus avancées dans tous les domaines.
(ce texte est la traduction d’un tract diffusé par un groupe de Détroit : Facing Reality. 14131 Woodward Avenue – Détroit 48203)
La révolte de Détroit de juillet 67 et les émeutes qui eurent lieu en même temps par tout le pays, marquent une nouvelle étape dans la lutte des Noirs. Ce n’est pas une simple répétition de ce qui est arrivé depuis les événements de Watts.
On a dit de Détroit que c’était une émeute intégrée. Si les tirs en canardeurs et les pillages intégrés sont censés signifier que ce n’était pas une question de race, alors c’est faux. A Détroit ce fut une explosion raciale dont l’initiative revient aux Noirs qui furent aussi les principaux participants. Mais ce fut aussi une question de classe. Sauf quelques incidents mineurs, les blancs et les noirs ne se battirent pas les uns contre les autres. Tous combattaient les hommes d’affaires et la police.
Ce qui est important là-dedans pour l’avenir du mouvement noir n’est pas le fait que noirs et blancs aient uni leurs efforts ou qu’il y eut une diminution de la haine raciale et des tensions parmi les blancs. D’ailleurs c’est faux. Ce qui est important est que Détroit a montré que des parties substantielles de la classe ouvrière blanche (les blancs du sud, de Corktown par exemple) n’ont aucun intérêt à défendre la société existante et sont prêts à travailler à son renversement.
Ces choses ont pu voir le jour à Détroit à cause de la nature du ghetto et de sa différence avec ceux de Harlem et de Watts.
A Détroit, le ghetto est continu, il domine tout le centre de la ville et s’étend presque dans tous les coins. Il comprend et borde des quartiers intégrés, au caractère de classe varié, depuis le prolétariat jusqu’aux classes dominantes.
Les libéraux pensèrent que cela aurait l’effet d’empêcher de plus grands
soulèvement parce que les couches aisées de la communauté noire jouaient un rôle de frein. Les faits prouvèrent leur erreur car, au contraire, le ghetto noir dans sa totalité apporta son aide en force. Les militants sectaires partagent l’idée des libéraux que l’argent peut retenir les oppressés. Ils favorisèrent les ouvriers noirs de l’industrie dont des milliers ont un bon avancement à l’ancienneté dans l’industrie automobile à trois dollars de l’heure. C’est une idée bizarre de croire que, parce qu’un homme a gagné, après d’âpres luttes, un revenu qui lui donne une maison et une voiture, un frigidaire et une télévision, il va pour cela accepter plus facilement, qu’on le traite comme moins qu’un homme.
Cette idée se révéla complètement fausse à Détroit. Les ouvriers de
chez Ford, Chrysler et General Motors y prirent également part.
S’est aussi révélée fausse à Détroit l’idée qu’un démocrate noir libéral, comme le jeune John Conyers, du Congrès, est en quelque sorte meilleur qu’un politicien mécanique comme ce vieux flic de Dawson à Chicago. Le manque total de contacts entre des hommes comme Conyers et les gens de la 12è Rue de Linvood Avenue, de Dexter Boulevard, qu’il est censé représenter, montre ce que cela signifie de faire partie de cette machine à deux partis, qui fait marcher cette société de ségrégation.
A sa surprise complète il fut rejoint par Buddy Battle, Nelson « Jack »
Edwards, Horace Sheffield et les autres profiteurs noirs du comité central syndical. Les masses de la population noire ne peuvent pas être volées par une poignée d’hommes du Congrès qui appliquent les accords syndicaux contre eux. L’incorporation d’une petite partie de la population noire dans la structure du pouvoir ne diminue en rien la capacité révolutionnaire de la majorité écrasante qui est restée en bas de l’échelle.
La structure même du pouvoir montra des signes d’écroulement sous la pression des événements. Des disputes publiques entre politiciens, indécision et conflit entre eux, firent partie de la réponse à la vague de révoltes qui balaya la nation à la fin de juillet 1967.
L’explosion de Détroit montre qu’un peu plus d’emplois de bureau, un peu plus de maisons dais la ville, une miette ici et là sont absolument inacceptables.
Après 10 années de lois sur les droits de vote, d’édits sur la déségrégation des écoles, de programmes contre la pauvreté, les masses noires sont en fait dans un bien pire état qu’au début. Toutes les tentatives de réformes ont atteint un point final, un point mort, symbolisé par le refus du Congrès d’accorder l’équivalent de quatre bombardiers B-52 pour éliminer les rats. En même temps, on intensifie le pillage, le bombardement, et le vandalisme officiel au Viet-Nam. Détroit prouve clairement qu’il faut réorganiser complètement la société, ou cette société existante sera détruite. Ceci est une déclaration révolutionnaire et les événements à Détroit étaient des faits révolutionnaires.
Ils étaient révolutionnaires, non seulement parce que c’est la seule signification qu’on peut leur donner mais aussi à cause de la manière dont ils se sont produits et de ceux qui en étaient les acteurs. C’était un soulèvement spontané de masses de gens. En de telles circonstances, une discussion pour savoir si c’était là la meilleure tactique à adopter est tout à fait hors de question. Cela est possible et nécessaire dans les manifestations organisées comme les Marches pour la Liberté.
Mais lorsque les gens se soulèvent spontanément, il n’y a pas d’alternative. Ou plutôt le choix n’est pas dans la tactique mais dans le camp. Parce que ce n’était pas une campagne mais une révolte, parce que la question fondamentale était « de quel camp es-tu ? », les leaders noirs qui soutenaient l’utilisation de la troupe et de la police (c’est-à-dire de la violence) sous toute forme, contre le soulèvement, n’exerçaient pas leurs droits de discuter l’alternative de cette tactique à l’intérieur du mouvement. Ils aidaient l’ennemi. Dans cette situation, ils trahissaient leurs positions en tant que leaders.
Nous déclarons très clairement que nous sommes dans le camp de ceux qui se sont soulevés à Détroit en juillet 1967. Nous supportons ceux qui furent arrêtés et qui subirent les représailles, non pas parce que leurs droits civiques ont été violés, certes ils le furent, mais parce que nous sommes dans le même camp et nous avons le même ennemi qu’eux. Nous ne sommes pas pour diminuer les cautions ou pour atténuer les sentences pour les milliers d’hommes arrêtés. Nous sommes pour leur relâchement immédiat, et inconditionnel. Les autorités ont exactement cette attitude dans le camp opposé. Ils profitèrent de l’occasion pour inonder la seule librairie noire de Détroit, pour asphyxier au gaz les locaux du Fifth Estate, journal radical, et pour piller et détruire les affaires des noirs. Les masses de noirs utilisèrent la force contre les représentants de la structure économique et politique. Martin Luther King, John Conyers et leurs semblables, disent qu’on n’arrivera à rien tant que l’ordre ne sera pas rétabli. Ils essaient de cacher à la fois la nature des événements et la force immense qui fut déployée. Cette force doit être comprise, car elle est d’une importance capitale pour le développement à venir de la lutte des Noirs.
Importance de l’industrie automobile : peu de gens ont remarqué ou
mentionné que, à Détroit, en 1967, la communauté noire, avec une partie de la communauté blanche, a causé la fermeture de l’une des plus importantes industries américaines, l’automobile. Peu ont remarqué ou mentionné que la force minimum nécessaire pour isoler un poste de police pourrait avec la même facilité, défendre une position à l’intérieur d’une usine automobile. Peu ont remarqué ou mentionné que la force de la classe ouvrière noire résida précisément dans le fait qu’ils dominent de l’intérieur l’industrie automobile. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que le mouvement, bien qu’il dise et a dit « transformez cette société ou nous la détruirons », a démontré à Détroit qu’ il a la force de commencer lui-même cette transformation. Du moins peut-il utiliser les usines automobiles pour négocier, comme ceux qui manifestaient assis en 1937 utilisèrent les usines d’auto pour négocier, comme ceux des années 1950 et 60 ont utilisé les restaurants et les gares d’autobus pour négocier. Cela signifie que le
mouvement peut, après Détroit, marquer de nouveaux points. Cela peut passer de l’attaque des petits exploitants et des flics du coin, à l’attaque des centres vitaux du pouvoir dans cette nation. Cela peut passer du plateau qu’il avait atteint, à de nouvelles hauteurs, hauteurs d’où il est possible de voir, non pas « la ruine commune des classes combattantes », mais le triomphe des oppressés pas seulement dans des pays lointains, mais bien ici chez nous. Cette société peut être attaquée en de nombreux endroits. Elle ne peut être transformée que dans le processus de production. Et ce domaine s’est révélé être le plus vulnérable. Un programme et une politique qui se base sur cette marche à la victoire est une condition essentielle à la croissance et l’expansion du mouvement noir.
Le mouvement noir représente à la fois l’avenir et le passé de l’Amérique.
Les vandales qui jetèrent du thé dans le Port de Boston en 1773, les
agitateurs qui insistèrent sur le droit à la révolution pour réparer leurs torts, qui représente ces hommes aujourd’hui ? L.B. Johnson, « Le hors-la-loi du Texas », qui s’est engagé à écraser les luttes pour la liberté, partout dans le monde ? ou les hommes et les femmes des ghettos du nord, infiniment plus opprimés que les fermiers de 1776, dont la patience exacerbée est maintenant à bout ?
Il y a un an nous écrivions :
« A Watts, le Black Power était une résistance armée contre la brutalité de la police, l’exploitation commerciale et une guerre immorale au Viet-Nam. Transportez cette rébellion à Détroit où le ghetto noir n’est pas dispersé mais couvre tout le centre de la ville, où les noirs ne sont pas divisés antre chômeurs et ceux qui ont un emploi, mais où il y a à la base une masse d’ouvriers de l’ automobile qui domine la principale industrie de la ville, et vous avez une situation où l’exercice du Pouvoir Noir (Black Power) peut transformer non seulement le flic et l’épicier du coin, mais aussi des secteurs vitaux de l’économie et toute l’administration de la ville. »
Le gouverneur du Michigan, George Romney dit que
« … cette nation dans les années à venir pourrait être plongée dans la guerre civile et la guerre de guérilla.
Cela a déjà commencé. »
– d’un camarade américain :
… Vous savez à quoi ressemble les Etats-Unis, mais à présent c’est encore plus immonde. Rentrer ici nous a toujours remué, mais cette fois-ci le [choc] a été beaucoup plus fort, car nous étions tout bonnement en train de devenir Grassois ! Jamais non plus nous n’avions eu de pogroms ; et nous sommes arrivés à Philadelphie pour y trouver des chars d’assaut prêts à faire feu sur les Noirs ; à Washington la tension n’est pas moindre.
Carmichael et la S.N.C.C. sont des imbéciles romantiques ; ils ont autant de contact avec les noirs que j’en puis avoir moi-même. Ce qui s’est passé ici ce n’est pas une révolution noire, c’est un pogrom blanc, où les militants noirs ont parlé avec noblesse et les soldats blancs ont tiré toutes leurs balles. Les Noirs avec qui je me suis entretenu reconnaissent que le danger c’est la liquidation de la population noire ; et chez les blancs, point de niaiseries libérales : ils entendent faire feu pour le moindre carreau cassé dans la moindre boutique. Il n’y a pas de solution car les Noirs sont trop faibles et désunis pour se défendre. La réalité c’est que nous sommes plus que jamais proches d’une « solution juive » à l’américaine.
De plus, on reconnait généralement que la guerre du Viet-Nam est à peu près perdue, et que faute d’une plus ample escalade, elle sera bientôt finie. Comme il y a là un danger à cause de la Chine, Johnson peut résoudre le problème de politique intérieure en coffrant l’opposition. On a tranquillement interdit les marches pour la paix devant la Maison Blanche. On n’autorise pas les rassemblements de plus de 100 personnes. Mais à la fin d’octobre (les 21-22) il y aura une manifestation nationale avec des milliers de participants, et on a soigneusement étudié des projets de sabotage. Ils veulent empêcher le Pentagone de fonctionner. Nous nous y associerons, mais le plus clair de notre temps nous le donnons aux questions de la recherche universitaire (laboratoires) ; nous avons eu des résultats qui passent largement nos espérances. Le laboratoire de l’Université de Pennsylvanie a été, bien entendu, désorganisé : et c’était le plus important de tous ceux qui aux E.U. travaillent pour la guerre chimique ; j’enverrai prochainement l’article que j’ai écrit sur cette tactique. En outre j’ai donné des matériaux à un journaliste qui fait un livre très complet sur le « C. B. Warfare » en général.
… Il semble que la drogue soit largement entrée dans les habitudes des
gens à qui j’ai affaire ; sans conteste, c’est un phénomène majeur et admis parmi les intellectuels et ceux qui s’en donnent l’apparence, surtout les seconds. Je considère ce fait comme un reflet de la décadence des Etats-Unis et c’est paralysant…
– Impressions de Chicago et de New-York : (d’une camarade française)
Le mythe de l’Amérique moderne et propre se heurte à une toute autre réalité qu’on découvre dam les grandes villes américaines. Ce qui suit ne prétend nullement analyser profondément la société américaine, mais apporter seulement un témoignage sur ce que j’ai pu voir et ressentir pendant 10 jours passés à Chicago et 10 jours à New-York.
A Chicago, j’habitais un quartier très pauvre où vivaient des « Hillbillies » environ 40.000 personnes du Sud, anciens mineurs du Tennessee, de West Virginia, et du Kentucky. Quand je me promenais dans les rues, je fus d’abord frappée par la pauvreté de ces gens, les enfants à moitié nus et sales jouant dans la poussière. Et surtout on y rencontre beaucoup d’hommes à moitié ivres ; ce ne sont pas des clochards, comme ceux qu’on peut voir à Paris, ils ont un domicile fixe, une famille, très nombreuse souvent. Ils forment un véritable Lumpen prolétariat : ils exercent pour la plupart un travail temporaire et gagnent à peu près entre 500 et 1000 Frs par mois, avec un niveau de vie une fois et demi supérieur à ici. La plupart font deux travaux différents. C’est un spectacle bien triste de voir ces gens dont les yeux semblent avoir perdu tout espoir et qui se réfugient dans la boisson ; ils ont un regard éteint et semblent vidés et à bout de force. C’est un des contrastes les plus frappants de la société américaine : la vie ultra moderne de l’ouvrier moyen, et celle de cette main d’oeuvre temporaire qui survit. Ils habitent des maisons d’apparence normale, semblable à celles des classes moyennes, qui appartenaient autrefois aux riches qui maintenant ont émigré vers la banlieue. Ce phénomène existe dans toutes les villes américaines. Et les maisons du centre ont été rachetées par de riches propriétaires qui les louent à plusieurs familles pauvres et se refusent à faire la moindre réparation. Le manque d’entretien rend très vite ces maisons de véritables taudis. Autre contraste : les voitures : 80% des familles en ont une, elle est d’occasion, payable à crédit, mais c’est une nécessité pour travailler dans la banlieue. Autre caractéristique de ces quartiers : la saleté des petites boutiques. Les objets sont rouverts de poussière et semblent dater de plusieurs siècles. Ce phénomène n’existe pas seulement dans les quartiers pauvres mais aussi dans les banlieues des classes moyennes. On se rend vraiment compte qu’il existe une saturation du marché intérieur et que l’excès des produits s’entasse là un peu partout. Ces « Hillbillies » gardent certaines traditions de leurs pays d’origine, ils ont des chanteurs folkloriques différents des autres ; leurs chansons sont plus tristes et traduisent plus les préoccupations de tous les jours ; elles parlent de la vie des conducteurs de camions, de leur travail, de leurs problèmes de tous les jours. Chaque groupe ethnique différent conserve encore à l’intérieur des villes son individualité. Ils possèdent un poste radiophonique où on passe surtout leurs chants qui ne sont pas très connus du reste de la population.
Dans ce quartier vivent aussi quelques anciens étudiants (15 à 20) qui essaient « d’organiser » ces Hillbillies. Ces jeunes travaillent deux ou trois jours par semaine et le reste du temps ils le consacrent à parler avec les gens du quartier. Leur but est d’essayer de les grouper pour résister à ceux qui les exploitent. Leur travail est favorisé par les conditions particulières du voisinage où les gens sont déjà groupés entre eux, ayant tous les mêmes problèmes et où des phénomènes d’expression collective se manifestent, exemple leurs chants. Ils soutiennent les gens qui font des grèves du loyer contre leurs propriétaires pour obtenir des améliorations ; ils essaient d’obtenir des jardins d’enfants pour que les gosses ne jouent plus dans la poussière ; ils tentent de monter une coopérative : acheter la nourriture en grande quantité pour que les gens paient moins cher. Leur groupe, qui date seulement d’un an, est très hésitant et cherche encore sa voie. Ils ont édité un journal où ils parlent de ce qui se passe dans le voisinage : grève de loyer, revendications diverses, heurts avec les flics. Les gens paraissent intéressés, mais les plus pauvres sont trop dominés par leurs problèmes pour participer à leur activité. La plupart des initiatives sont prises en fait par ces anciens étudiants. Ils veulent montrer un peu trop aux gens ce qu’ils doivent faire. Ils pensent qu’ils peuvent provoquer de grands mouvements de protestation des ouvriers en leur parlant. Ils se considèrent en leaders.
Dans les villes américaines, la séparation des différentes classes, des différentes nationalités est beaucoup plus nette qu’en Europe. C’est dans le centre de Chicago que se trouve le quartier pauvre blanc ; au sud, le quartier noir a l’air encore plus misérable que le quartier blanc et surtout beaucoup plus populeux. Mais on rencontre dans la rue peu de noirs ivres, beaucoup moins que dans le quartier des Hillbillies, on voit de nombreux hommes dans les rues à cause du chômage, mais ils n’offrent pas l’impression de désespoir, de vide et de laisser aller. Même impression dans le quartier Porto-Ricain. Quand on s’éloigne vers le Nord, on passe par le quartier des classes moyennas. Le passage se fait assez brusquement ; puis on arrive au quartier très riche, villas immenses, véritables petits châteaux, s’étendant sur une vaste surface et complètement isolé du reste de la ville.
Les contrastes qu’on peut voir ici sont accentués aux Etats-Unis. Les
services publics sont pratiquement inexistants, ou s’ils existent c’est grâce à des compagnies privées ou à des capitaux particuliers. Dans les quartiers pauvres des ordures jonchent les rues. Les habitants doivent parfois attendre quinze jours dans le centre de Chicago avant que les ordures soient enlevées. Elles pourrissent là devant les portes. Mais dans les quartiers riches tout est resplendissant : ils possèdent leur propre service de nettoyage. La métro est très compliqué, archaïque, sale et lugubre. Quelle nécessité de l’entretenir quand c’est seulement les plus déshérités qui l’utilisent. Il est courant qu’une fille seule le soir s’y fasse attaquer.
C’est un pays qui est en retard sur les pays européens en ce qui concerne les services publics et les services sociaux.
Discussion des camarades d’I.C.O.
La lettre du camarade américain a tendance à idéaliser car les réactions des noirs ont été beaucoup plus vives et ils n’ont pas l’intention de se laisser massacrer sans luttes. Il faut faire attention aux déclarations des « leaders » noirs qui essaient de lier la révolte des noirs à d’autres questions comme la guerre du Viet-Nam. Une partie importante de la population noire vit dans des conditions d’extrême pauvreté et dépendent entièrement des secteurs distribués par l’état. La guerre du Viet-Nam amène une réduction des secours ainsi distribués ; le pillage des magasins est la récupération directe des denrées qui ne sont pas distribuées. De plus, l’été américain, dans les taudis qu’habitent les noirs, devient insoutenable : 46 à 50° à l’ombre, une humidité de 95%, manque d’eau : le moindre incident devient explosif dans une atmosphère déjà habituellement tendue.
La situation est plus complexe qu’on imagine à cause des rivalités entre groupes raciaux et les querelles politiques entre le gouvernement des états -dont dépend la police – et les autorités fédérales dont dépend l’armée. Les porto-ricains sont encore plus misérables que les noirs : chômeurs, ils gagnent plus qu’un salaire à Porto-Rico, ils envahissent les taudis des villes que les noirs abandonnent et les bagarres sont fréquentes, sans que la police intervienne. La « garde nationale » qui a la charge du « maintien de l’ordre » est sous l’autorité d’un shérif élu ; la corruption règne partout. Johnson ne peut intervenir que si le gouverneur de l’état l’appelle. Pour peu qu’il y ait rivalité politique et élections proches, l’un ne veut pas appeler pour ne pas avouer son impuissance, l’autre ne veut pas intervenir pour montrer l’impuissance des autorités de l’état. Il est question pourtant de créer un corps d’intervention fédéral, analogue aux C.R.S. d’ici.
Des grèves se déroulent actuellement aux U.S.A. : dans toutes les
usines Ford depuis bientôt un mois, dans les fonderies de cuivre depuis plus de douze semaines, chez les instituteurs, principalement à New-York et Détroit. Cette dernière grève révèle les conséquences de l’autorité budgétaire, de la crise de la société américaine, ainsi que des tensions raciales aiguës. Les instituteurs noirs et porto-ricains se sont opposés au mouvement parce que ce sont les enfants de ces communautés qui supportent et supporteront les conséquences à la fois de cette action et des revendications. De plus, comme les dirigeants du syndicat et nombre d’instituteurs sont juifs, l’animosité entre noirs et juifs se développe. Tous ces faits sont symptomatiques du degré de crise de la société capitaliste américaine.
Interruption partielle de la grève chez FORD, pour satisfaire certaines demandes du Pentagone.
Détroit, 5/10/67 : le syndicat United Automobile Workers a donné mercredi son accord pour la réouverture de certaines usines de la Cie Ford, en dépit de la grève des ouvriers de la Cie, afin de faire face à la pénurie grandissante de pièces destinées aux véhicules militaires américains au Viet-Nam, a déclaré M. Walter Reuther, président du syndicat. M. Reuther a précisé que l’U.A.M. avait pris cette décision à la suite d’un massage reçu du département de la défense.