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Fernand Fontenay : Derrière le décor de Vincennes. Les buts impérialistes de l’Exposition coloniale

Article de Fernand Fontenay paru dans L’Humanité, 18 mai 1931, p. 1-2

A la propagande bourgeoise qui veut créer chez chaque travailleur la « conscience impériale », le culte de la « plus grande France », les communistes opposent l’action commune des ouvriers de la métropole et des peuples coloniaux contre l’oppresseur.

INTERROMPONS pour aujourd’hui notre dénonciation de la terrible situation de l’Afrique noire, dite française. Les occasions ne nous manquerons pas d’y revenir ! Il est nécessaire de montrer brièvement les buts véritables de l’exhibition de Vincennes.

L’Exposition coloniale, ouverte depuis le 6 mai, durera jusque vers la fin de l’année.

Des centaines de millions y ont été consacrés, et l’Humanité a montré naguère, les tripotages dont bénéficièrent, à cette occasion, entrepreneurs, agents de publicité, profiteurs de tout acabit.

Mais pourquoi cette vaste manifestation colonialiste ? S’il y a, malheureusement, d’innombrables gogos trompés, par la presse capitaliste, pour ne considérer que le côté spectaculaire de l’Exposition coloniale, les prolétaires éclairés, les lecteurs de l’Humanité comprennent, eux, que les organisateurs de la foire de Vincennes, ont obéi à des préoccupations économiques et politiques précises. Nous voulons les rappeler ici.

Conscience impériale !

« Le but essentiel de l’Exposition, disait le 6 mai le ministre Reynaud, en inaugurant la foire de Vincennes, est de donner aux Français conscience de leur empire ».

Le 28 avril il déclarait à un journaliste bourgeois que l’ensemble des mesures relatives aux colonies, récemment décidées par les Chambres forme « un Plan grandiose tracé par des bâtisseurs d’Empire ».

L’idée se retrouve partout maintenant dans la presse, dans les publications coloniales ; elle fut naguère le thème d’un grand article de Tardieu, publié dans l’Illustration et auquel on n’a peut-être pas porté toute l’attention désirable.

« Conscience impériale » ? Qu’est-à-dire ? Le contenu de cette notion est double :

— D’un côté, mise en valeur, organisation des colonies, surexploitation des peuples opprimés, resserrement des liens économiques avec la métropole ;

— De l’autre, un vaste effort de propagande destiné à créer, dans les masses, l’illusion d’une communauté d’intérêts entre elles et la bourgeoisie qui exploite et tyrannise les colonies.

« Aujourd’hui, écrivait dernièrement le Ministre Reynaud, la crise économique qui bouleverse le monde souligne encore l’intérêt vital que nous avons à équiper rationnellement et solidement nos colonies, tout en resserrant les liens qui les unissent à la métropole. Nous pouvons accroître notre marché de consommation et ainsi acquérir une indépendance économique qui nous permettent, dans l’avenir, de garder notre place dans un monde de puissantes unités économiques ».

La crise économique « bouleverse le monde ». La bourgeoisie française se tourne vers ses colonies. Elle veut y placer ses marchandises, ses capitaux. Elle veut aussi en tirer davantage de matières premières et à meilleur prix. Elle entend se faire de ses colonies, un bouclier contre la crise mondiale.

Chose difficile, car les colonies françaises elles-mêmes, sont en plein dans la crise !

P. Reynaud constate qu’une « tornade économique » déferle sur l’Afrique, l’Indochine, etc… Il signale la « chute verticale » des cours de cerraines matières premières et de certains produits coloniaux : arachides, sucre, caoutchouc, soie, palme, coton, etc. …. Dans plusieurs colonies, la crise s’est manifestée par une importante diminution des recettes budgétaires, par exemple en A.O.F. à Madagascar, à la Guyane, en A.E.F. Le mouvement commercial de Madagascar est tombé de 573 millions de francs pour le premier semestre 1929 à 469 pour le premier semestre de 1930, et ce n’est qu’un exemple entre d’autres.

Ainsi, l’impérialisme français se tournant vers ses colonies pour y chercher un remède à la crise économique qui l’accable, les trouve elles-mêmes en proie au marasme le plus grand..

Il se voie alors obligé de revigorer, de « doper », d’équiper son empire s’il veut en tirer ensuite tout ce qu’il en attend.

D’où un vaste effort dont l’Exposition coloniale n’est qu’une manifestation

Un effort sans précédent

Les Chambres ont voté des emprunts s’élevant à 5 milliards pour l’exécution de travaux publics aux colonies. Les attributions du Crédit colonial ont été étendues, les prêts à tous fermés facilités. Des lois de protection des produits coloniaux ont été votées (caoutchouc, tapioca, cacao, café, manioc). Un corps « d’inspecteurs du travail » soutiendra les efforts de rationalisation sur le dos des indigènes. Une propagande habile attirera les capitaux aux colonies. Des voies ferrées comme le Congo-Océan, des ports comme celui de Pointe-Noire, des pistes pour les autos (Sahara), des lignes aériennes enfin seront ouvertes. Enfin de vastes transports de main-d’œuvre d’une colonie à l’autre seront tentés.

Qu’on n’oublie pas qu’à l’exposition coloniale, tandis que les badauds regarderont la danse du ventre ou les pseudo-cannibales, les compétences colonialistes travailleront ferme !

167 congrès techniques se sont tenus ou se tiendront, et en décembre, un congrès mixte colonial et métropolitain mettra au point les propositions formulées dans les assemblées précédentes.

Comprend-on qu’il s’agit, à Vincennes, de tout autre chose que d’une Mascarade exotique ? La mise en scène n’est là que pour frapper les imaginations, développer la « conscience impériale » dans la masse, faire souscrire aux emprunts coloniaux les éternelles poires !

Démasquons le colonialisme !

L’Humanité est le seul journal qui n’ait pas fait de propagande pour la Foire de Vincennes, comme le parti communiste est seul à lutter contre le colonialisme sanglant. Le plan colonial de notre impérialisme ce traduira par la surexploitation des peuples opprimés, par des scandales inévitables dans l’exécution des grands travaux, par le pillage de l’épargne à la faveur des emprunts, par la vie plus chère en raison du protectionnisme su bénéfice de maints produits, etc, et, en fin de compte, la bourgeoisie n’aplanira aucune des difficultés qui l’assiègent.

Loin de là ! La guerre économique ne peut-être qu’accentuée par les mesures de notre bourgeoisie, dont les rivaux s’inquiètent.

« Un effort sans précédent se fait actuellement, écrit l’Evening Standard, pour l’équipement de la France et de ses colonies en vue de la lutte universelle qui se prépare pour la possession des matières premières et des marchés ».

Qui ne voit que cette lutte économique accumulera les causes matérielles, les souffrances pour les travailleurs et mènera inévitablement à la guerre ?

Les communistes dénoncent les buts de l’Exposition coloniale capitaliste ! Ils réussiront d’autant mieux à la démasquer qu’elle coïncide avec un profond mouvement de révolte des peuples opprimés, et avec une répression féroce qui soulève l’indignation du prolétariat.

Fernand FONTENAY.

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