Mouvement National Algérien, Bulletin intérieur, janvier-février 1962, 4 pages
ANALYSE – DIRECTIVES – INFORMATIONS
Dans le dernier Bulletin Intérieur, nous avons analysé la situation politique du dernier trimestre de l’année 1961 sur l’évolution du problème algérien. Il a été question de la commémoration du 7ème anniversaire de la Révolution Algérienne, de ses conséquences sur le plan de la répression, du problème des contacts secrets, des futures négociations et des événements qui se sont déroulés en Tunisie à la suite du départ de Ferhat ABBAS et de l’entrée en scène, pour la première fois, des Centralistes, en la personne de Benyoussef BENKHEDDA.
Quelle est la situation actuelle ?
Ce dernier trimestre, l’O.A.S. s’est manifestée spectaculairement par l’enlèvement, la bombe, le plastic et la mitraillade tant en France qu’en Algérie. Les facilités avec lesquelles cette organisation agit prouve qu’il y a la complicité de l’ensemble de l’Administration française sur les deux rives de la Méditerranée. Il faut souligner que ce mouvement a des assises à l’étranger, notamment en Belgique et en Espagne d’où il contrôle ses activités et donne ses directives. Son but est le maintien de « l’Algérie française ». De plus, il se considère comme interlocuteur valable et représentant légitime de la minorité française.
Que peut-on penser de cette organisation ? Celle-ci est un danger immédiat et futur pour la Révolution Algérienne. Elle s’attaque journellement et systématiquement au peuple algérien par la tuerie organisée de ses commandos et par l’assassinat de détenus politiques. Elle pense que par cette psychose de peur, de haine et de désordre, elle empêchera la négociation et imposera sa politique d’ « Algérie française ».
Sauvons la Révolution :
Le rôle du M.N.A. et son devoir devant un tel danger, c’est de tout faire pour sauver la Révolution Algérienne. C’est pour le même motif que le Président du M.N.A. a mobilisé le parti dès les premiers jours de novembre 1954. Il faut sauver la Révolution, a déclaré MESSALI HADJ le 6 Novembre 1954, aux Sables d’Olonne où déjà il était soumis au régime secret. C’est pour cette raison également qu’il n’a cessé de prêcher la fin des luttes fratricides, l’union et la réconciliation des nationalistes algériens. Cette attitude est aujourd’hui amplement vérifiée par ce qui se passe en Algérie.
Donc, tout en restant nous-mêmes, fidèle aux principes politiques et révolutionnaires du M.N.A., il faut œuvrer pour la réconciliation des nationalistes algériens. A nos militants et à leurs responsables, chargés de la sécurité et de l’extension du Parti en France et en Algérie, nous leur recommandons d’expliquer cette situation aux Algériens de part et d’autre la Méditerranée.
La propagande :
Les équipes chargées de pénétrer dans les quartiers indiqués doivent accompagner leurs activités et leur propagande d’un contenu politique afin d’expliquer les buts de cette pénétration. Celles-ci peuvent se résumer de la façon suivante :
1°) Notre but principal est de faire l’union ;
2°) On doit pouvoir, pour arriver à cet objectif, mettre fin aux luttes fratricides qui font mal à notre peuple et à notre pays ;
3°) La porte du M.N.A. est ouverte à tous les nationalistes algériens ; ils y trouveront la fraternité, la compréhension, la sécurité, la justice et le respect de la vie de l’individu ;
4°) Notre Révolution est menacée tandis que nos richesses sahariennes sont la convoitise de beaucoup de monde, y compris nos frères marocains et tunisiens ;
5°) L’Algérie a besoin de ses enfants pour construire son avenir ;
6°) L’indépendance est une chose sacrée, mais cela ne suffit pas ;
7°) Avec celle-ci, on doit pouvoir construire la Nation Algérienne sur des bases démocratiques et sociales. Tout cela doit nous conduire à éviter à notre pays le désordre, l’anarchie, la congolisation et la dictature. Assurer la sécurité du Parti, montrer sa force est bien, mais expliquer nos objectifs, notre politique d’union et de réconciliation et l’avenir algérien, est encore mieux.
Les négociations :
Depuis la parution de notre dernier Bulletin Intérieur, les négociations secrètes ont connu un certain développement. Le général de GAULLE a prononcé un discours le 5 Février 1962 en déclarant que très bientôt nous allons assister à un cessez-le-feu, à l’institution d’un Exécutif algérien et au référendum en application de l’autodétermination. De celle-ci, a-t-il précisé, doit sortir un État algérien indépendant et souverain. Il a, enfin, parlé d’une coopération organisée et des garanties à la minorité européenne tout en précisant qu’il publiera dans les jours à venir un livre blanc sur les négociations secrètes. Il y a là une pression et un ultimatum.
De toute façon, nous allons de jour en jour vers l’indépendance de l’Algérie. Dans l’état actuel des choses, en Algérie et en France, il faut s’attendre à tout et ne s’étonner de rien.
La place du M.N.A. :
Que nous soyons ou non aux négociations, notre place est tout indiquée. Elle est à l’avant-garde de la construction de la Nation Algérienne. Mais avant d’aborder cette étape, il faut passer par le cessez-le-feu, les négociations, l’Exécutif algérien, le référendum, la constituante algérienne, la constitution algérienne, la formation du gouvernement algérien et la proclamation de la République algérienne.
Il est clair que pour faire face à tant de transformations, il faut être à son poste de combat, vigilant et prêt à tout. On ne sait de quoi sera fait demain ; mais la meilleure façon de ne pas se tromper ou céder devant le poids des événements, c’est d’être fort et solidement organisé en France et en Algérie.
Sans aucun doute, nous allons assister à des événements extraordinaires. Ceux-ci peuvent aussi bien faciliter notre tâche que la compliquer. C’est pourquoi il est recommandé à nos militants, qui sont engagés dans le combat et qui ont fait preuve de tous les sacrifices, de rester vigilants et décidés plus que jamais à faire face à toutes les intempéries.
3ème débarquement :
Les militants sont déjà au courant du 3ème débarquement. En un mot, celui-ci consiste à installer des forces dans le pays pour reconquérir progressivement les anciennes positions du M.N.A. Cela est d’une importance capitale. L’activité du 3ème débarquement est positive, mais il faut souligner que celle-ci ne progresse que lentement mais sûrement.
En outre, le 3ème débarquement a été ressenti jusque dans nos maquis avec lesquels il y a des liaisons par le truchement du COMITE POLITICO-MILITAIRE ALGERIEN (C.P.M.A.). Soulignons également que le 3ème débarquement se trouve aux prises non seulement avec les difficultés, nais encore avec nos adversaires politiques qui veulent à tout prix nous éliminer. C’est pourquoi il appartient à la Fédération de France du M.N.A. de soutenir ce 3ème débarquement par tous les moyens dont elle dispose. Certes, il y a déjà un grand travail dans ce domaine, mais étant donné le développement du problème algérien et des perspectives de négociations, il est nécessaire que cette aide se multiplie et se renforce avec l’évolution de la situation.
La paix :
Le cessez-le-feu doit naturellement aboutir à la paix. Notre peuple qui, voici plus de sept ans, est engagé dans cette guerre de libération nationale, attend la paix avec impatience. Il faut reconnaître qu’il a, au cours de cette longue période, profondément souffert dans sa vie et dans sa chair. Le peuple français et l’opinion internationale se réjouiront également de voir la paix revenue en Algérie. Le M.N.A., interprète fidèle des sentiments patriotiques et de paix de notre peuple, se réjouira aussi du cessez-le-feu et de la paix tant attendue. C’est dire que le courant de paix est extrêmement fort et qu’il importe d’en tenir compte.
La vigilance :
Rappelons que le M.N.A. a, dans la dignité, la clarté et la probité politique, tout fait pour assister aux négociations et au cessez-le-feu pour défendre les véritables aspirations du peuple algérien. Jusqu’à ce jour, il en est encore écarté. Pourquoi ? Nous pensons que tout le monde a compris.
Le M.N.A., toujours vigilant, ne manquera pas, absent ou présent aux négociations, de veiller au respect des objectifs principaux de la Révolution. Algérienne. Au cas où il y aurait des concessions faites sur le fond des aspirations nationales, le M.N.A. ne manquerait pas de les dénoncer et de les porter à la connaissance de notre peuple.
Au moment où nous allions terminer ce Bulletin Intérieur, les négociations sur lesquelles on avait fait tant de bruits restent encore l’objet de discussions, de contacts secrets et de nouvelles rencontres pour essayer d’éliminer les difficultés. Nos militants doivent savoir qu’une grande propagande est orchestrée autour de ces négociations sur lesquelles on bat le tambour depuis cinq ans. Cette. propagande n’est pas faite à la légère; elle répond à des soucis et à des.objectifs. Mais les réalités ne peuvent s&accommoder de tels artifices. Aussi, les négociations peuvent aboutir à un cessez-le-feu comme elles peuvent également se prolonger encore plusieurs semaines ou plusieurs-mois. Il ne faut donc s’étonner de rien ; mais l’essentiel pour le M.N.A. est de continuer ses activités pour réaliser les objectifs que nous nous sommes assignés. De plus, s’il y a un cessez-le-feu, il ne faut pas croire que tout est fini. Il y aura sans aucun doute des difficultés, des entraves, des discussions à l’infini et de l’inconnu.
Dans cette perspective, notre parti aura à jouer un mile d’une extrême importance. Il faut non seulement sauver la Révolution Algérienne, mais encore préserver la paix afin de permettre à notre pays de se développer et de s’épanouir normalement. Ce n’est pas une chose si simple et si facile.
L’avenir appartient à Dieu, mais il appartient aussi aux hommes qui savent à l’avance se préparer, s’organiser et s’administrer pour aller précisément au-devant de cet avenir. D’ailleurs, nous aurons, certainement, l’occasion de revenir souvent sur ces problèmes et cet avenir.