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Fossoyeur du syndicalisme algérien libre : IRVING BROWN au pilori

Textes parus dans La Voix du Peuple, février 1962, p. 2

Nous avons reçu l’Organe de la Fédération des Travaux Publics et des transports No 28 dans lequel notre camarade Roger LAPEYRE, Secrétaire Général de cette Fédération, consacre un article intéressant dans lequel, il fait revivre la pensée des premiers dirigeants de l’UNION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS ALGERIENS (U.S.T.A.) qui ont été les uns après les autres assassinés par le F.L.N.

Notre camarade Roger LAPEYRE répond dans cet article à Jean CAU sur le problème de l’U.S.T.A. et stigmatise l’attitude d’Irving BROWN, qui par ses intrigues, a écarté l’U.S.T.A. de la C.I.S.L. Il dit à l’un et à l’autre leurs quatre vérités et a pris la défense du syndicalisme libre qui ne sent ni le pétrole, ni le fer algérien.

Aussi nous savons gré à Roger LAPEYRE et à la « NATION SOCIALISTE » d’avoir fustigé ceux qui, après tout, ne défendent que les anciens négriers, leurs patrons, à travers la politique syndicale.

Nous sommes certains que les militants du M.N.A., l’U.S.T.A. et tous les travailleurs algériens libres liront avec intérêt cet article.


LES ASSASSINS DES SYNDICALISTES ALGERIENS DE L’ U. S. T. A. ONT-ILS EU COMME PROTECTEUR ET COMPLICE IRVING BROWN ?

Telle serait la révélation du dernier Prix Goncourt.

L’HEBDOMADAIRE « L’EXPRESS » « prétend » travailler au regroupement de la gauche ; sa lecture montre à l’évidence qu’il tient le rôle du principal saboteur de ce regroupement. Par exemple il a composé dans son numéro du 14 novembre dernier : « Un miroir pour les Français ».

Le miroitier ? Jean CAU, journaliste-philosophe-reporter-agent commercial.

Le sujet ?

« Jean CAU a écouté pendant quatre heures les chefs syndicalistes algériens raconter leur expérience au sein de la classe ouvrière française. »

Le « reporter » a donc écouté et « rapporté ». A-t-il toujours bien compris c’est autre chose !

Prenons ce qui nous intéresse.

Après avoir débité les lieux communs mensongers sur l’organisation F. O., il « rapporte » :

« Nous allons vous en apprendre (1) F. O., et croyez-nous, nous le savons, a toujours été largement ouverte à la fraction M. N. A. Avez-vous entendu parler du M. S. U. D. ?

« Non.

«— C’est un mouvement (Mouvement pour un Syndicalisme Uni et Démocratique) qui regroupe des militants appartenant à différents circuits syndicaux, des isolés aussi, des personnalités importantes, des groupuscules tel que celui de RENARD-LAMBERT exclus de la IVe Internationale, etc. Le patron spirituel de ce M. S. U. D. est Auguste LECOEUR ; le patron pratique en est Guy MOLLET. Vous pouvez y ajouter d’autres noms, celui de LAPEYRE par exemple, l’un des secrétaires de la Fédération F. O. des Travaux Publics — et l’un des plus vifs défenseurs de la politique du M.N.A. »

D’un œil noir.

« Pour évoquer un point d’histoire, lorsque, en 1956, il y eut à proposer la candidature d’une organisation algérienne auprès de la C. I. S. L. (Confédération Internationale des Syndicats Libres) LAPEYRE et BOTHEREAU (2) soutinrent l’U. S. T. A. (Union Syndicale des Travailleurs Algériens) de stricte obédience messaliste, contre notre organisation l’U. G. T. A. Si la nôtre fut retenue, ce fut malgré F. O. et parce que les dirigeants américains de la C. I. S. L. — et notamment Irving Brown — comprirent à temps dans quel piège on voulait les faire tomber. »

Des camarades lisant une telle prose peuvent être émus ; c’est donc pour eux que la mise au point suivante est faite.


AVEZ-VOUS ENTENDU PARLER DU M. S. U. D. ?

— Non, dit Jean CAU.

Voilà de la « belle honnêteté intellectuelle ». Un journaliste — licencié en philosophie — vient se mêler de traiter des problèmes syndicaux — algériens de surcroît. Croyez-vous qu’il tente de se documenter, d’étudier, de réfléchir aux déclarations, de contrôler ?

Non, il ne sait pas : mais il bavarde et « rapporte »…

Une excuse à son actif : « L’EXPRESS » est le seul hebdomadaire qui n’a pas entretenu ses lecteurs lors de l’initiative du « M.S.U.D. » ; en toute connaissance de cause : l’article composé est resté sur le marbre après intervention spéciale d’un secrétaire confédéral de la C.G.T.

Par son ignorance — en tous cas étalée — le Prix Goncourt (1) montre sa « compétence » à traiter les questions syndicales.

LE PATRON « SPIRITUEL » DE CE M. S. U. D. EST AUGUSTE LECŒUR.

Navré d’employer ce terme ; mais le « patron » spirituel a trois têtes : Denis FORESTIER (Autonomes, F.E.N.), Aimé PASTRE (C.G.T.) et moi-même.

Certains leaders ont été intéressés par notre initiative : Auguste Lecoeur fut un de ceux-là : un des premiers. Lui et ses camarades ont donc fait connaître nos idées.

L’affubler du titre de patron « spirituel » ne peut être que le fait d’hommes n’ayant plus aucun contact avec la réalité quotidienne ; il est en tous cas regrettable qu’un journaliste voulant jouer au grand reporter se fasse l’écho de ragots tendant à saboter une tentative sincère pour l’unité des travailleurs.

LE PATRON PRATIQUE EST GUY MOLLET…

J’imagine Guy Mollet à la lecture. Se rappelle-t-il — et ce n’est pas sûr — que FORESTIER et moi-même avons très officiellement discuté d’un plan de revalorisation des fonctionnaires en 1956 — qui toutes choses égales par ailleurs — n’étaient pas si mal ; et en 1958, au moment où, encore plus officiellement, nous venions lui dire nos critiques et inquiétudes sur la politique sociale du Gouvernement.

Jean CAU, et « hommes de mains » du F.L.N., prenez note : un patron « pratique » comme ça n’est guère difficile à supporter.

Si le reporter commercial était resté philosophe, un simple contact avec les camarades de FORESTIER, PASTRE et LAPEYRE l’aurait initié : son « rapportage » a été accueilli dans la plus franche rigolade : la rigolade saine, des gens musclés, relativement sains (on ne sait jamais), en bref, ce qui reste de solide dans la philosophie française.

UN POINT D’HISTOIRE : l’U. G. T. A. ET LA C. I. S. L.

Ignare reporter commercial.

Oser parler d’un sujet, où les plus initiés ont de la peine à s’y retrouver.

Le syndicalisme algérien réclamait sa place au sein de la C. I. S. L.

Notre position fédérale a été fort précisément exprimée : que la C.I.S.L. trouve une formule afin que l’organisation internationale des syndicats libres soit le point de rencontre et de possibilité d’entente entre F. O., l’U. G. T. A. (F. L. N.) et de l’U.S.T.A. (M.N.A.).

Si M. Jean CAU avait étudié les questions internationales, syndicales, il saurait que LAPEYRE ne pouvait avoir aucune responsabilité pour ou contre l’accession de l’U. G. T. A. à la C. I. S. L. ; seul le Secrétaire Général de la Confédération F. O. siège au Comité exécutif de la C. I. S. L.

Accoupler BOTHEREAU et LAPEYRE dans ce domaine est d’une ignorance crasse :

LAPEYRE n’est pas membre du Comité exécutif de la C. I. S. L. BOTHEREAU l’est. Cette précision donnée à ces interlocuteurs aurait évité des divagations dont le reporter-commercial n’a pas à être fier.

BOTHEREAU a constaté — comme les autres — qu’il y avait une majorité « indécise » pour l’adhésion d’une organisation algérienne ; un déjeuner à l’ambassade britannique et le vote d’Irving Brown représentant de l’A. F. L. – C. I. O. ont fait pencher la balance du côté de l’U. G. T. A.

BOTHEREAU s’est retiré… pour rendre compte.

R. LAPEYRE n’a aucune responsabilité dans cette affaire.

S’il en avait eu, il ne se serait pas retiré ; il aurait fustigé Irving Brown de choisir le camp des tueurs de syndicalistes.

Je suis fort heureux d’apprendre — très officiellement — par la voix des « bénéficiaires » et de Jean CAU, que l’adhésion U. G. T. A. fut obtenue grâce au syndicaliste Irving Brown, représentant permanent de l’A. F. L. – C. I. O., organisation qui ne s’inquiète guère de ce qui se passe en Europe (3).

Pour ce qui concerne LAPEYRE, il a soutenu — sans succès — la thèse qu’il valait mieux une confrontation F. O.-U. G. T. A.-U. S. T. A. au sein de la C. I. S. L. plutôt qu’un choix générateur d’injustice.

La suite est connue.

Roger LAPEYRE non seulement n’a pas honte — mais s’honore d’être d’esprit, de cœur et physiquement frère des camarades Ahmed BEKHAT, Abdallah FILALI, Ahmed SEMMACHE, Hocine MAROC, Mohamed BEN BARA, Amar BEDIOUNE, Mohamed NADJI, etc., etc., etc., etc.

Ceux-là Jean CAU, ont été assassinés par l’organisation de vos interlocuteurs, protégée d’Irving BROWN.

Avez-vous imaginé combien de tels hommes manqueront rudement dans l’Algérie de demain ?

Mais je n’ai aucune peine à reconnaître que VOS syndicalistes sont les plus valables ; ayant accepté que soient tués, et fort bien ceux qu’il fallait, ne sont-ils pas maintenant les plus représentatifs ?

C’est l’évidence même ; un article n’était pas nécessaire pour le rappeler. Qu’il soit permis une parenthèse : Irving BROWN, là comme ailleurs, démontre sa tragique incompétence et les syndicats américains, là comme ailleurs, seront cocus (4).

Il n’y aura que M. MEANY pour ne pas s’en apercevoir.

Mais les « Krim » au nom si bien porté (que notre presse appelait pudiquement Belkacem à cause d’une consonance symbolique fort désagréable) et les protégés d’Irving BROWN ont gagné : ils auront l’insigne honneur — ayant supprimé et tué tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux — de traiter avec le fort honorable Gouvernement de la République de M. DE GAULLE, installé en 1958 pour faire la paix en Algérie.

Je rappellerai simplement l’opinion émise en 1957 :

« A une organisation qui s’inspire de la philosophie de MESSALI HADJ, lequel, sous tous les gouvernements, a connu la prison, la C. I. S. L., a délibérément choisi un groupement sous la dépendance stricte du F. L. N. dont une des figures les plus connues est M. FERHAT ABBAS, ex-parlementaire nanti et profiteur de tous les régimes. »


Il ne me reste plus — puisque Jean CAU et ses interlocuteurs — complices, approbateurs et bénéficiaires de l’action ont gagné, de leur souhaiter entière réussite… et bon champagne.

Peut-être — malgré tout — un jour le peuple algérien pourra-t-il s’exprimer quand se seront tues les mitraillettes « Krim », les plastics O.A.S.IENS et que seront appréciés à leur juste valeur les « rapportage » de Prix Goncourt.

R. L.


(1) Ce sont les syndicalistes algériens qui parlent.

(2) Secrétaire général de la C. G. T. – F. O.

(3) Le 23 janvier dernier nous disions à M. Georges MEANY, Président de l’A. F. L. – C. I. O.: « Vous possédez certainement fort -bien l’histoire de votre pays : mais comparer la lutte pour l’indépendance de la nation américaine de 1763-1789 et la guerre de 1776-1783 avec le drame algérien m’oblige à vous dire que vous ne paraissez guère vous être informé sur l’Algérie »…

Il parait donc évident que vos appréciations sur le drame algérien reposent essentiellement sur les informations de votre représentant permanent en Europe, puisque vous n’attachez aucun intérêt aux informations directes.

S’il a des qualités qu’il n’appartient qu’à vous d’apprécier, vos positions se ramenant à des lieux communs élémentaires sont facilement explicables pour nous. Je crains fort — mais je serais heureux de recevoir l’assurance contraire — que des problèmes aussi graves soient traités par le département international de l’A. F. L. – C. I. O. suivant les mêmes principes qu’exigeait le Président EISENHOWER de son Administration : toutes explications sur une affaire ne devant pas dépasser une page : ce n’est pas en une page que la lutte fratricide dont souffrent si durement les peuples français et algériens peut s’analyser ».

(4) « L’Humanité » du 7-12, sous le titre « Au Congrès Syndical Mondial Léon MAUVAIS (C. G. T.) et Ali YAHIA (U. G. T. A.) ont fait acclamer le combat solidaire des travailleurs de France et d’Algérie contre la guerre » a écrit :

« Accueilli par une longue ovation, le secrétaire de l’U. G. T. A. remercie avec émotion le congrès ainsi que les syndicats soviétiques, pour les marques de sympathie fraternelle prodiguées à sa délégation.

« Dans cette guerre, l’O. T. A. N. qui aide le gouvernement français est devenu l’instrument d’oppression du colonialisme. Les gouvernements qui en font partie portent une lourde responsabilité dans l’extermination du peuple algérien. »

« La F. S. M. a apporté son soutien et son aide sur le plan matériel et politique. J’exprime notre reconnaissance à tous les responsables, aux millions d’adhérents des nombreuses centrales présentes qui nous ont apporté une aide appréciable. Nous lançons un nouvel appel à chaque travailleur. L’aide peut prendre, entre autres, la forme de l’émission d’un timbre de solidarité à l’intention des œuvres sociales de l’U. G. T. A. »

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