Article d’Edmond Humeau paru dans Force ouvrière, n° 274, 5 avril 1951, p. 7
VOICI l’ouvrage qu’il faut recommander à tous les jeunes qui se demandent quelle signification peut prendre honnêtement la vie d’un révolutionnaire dont l’histoire a été trahie et qui survit aux multiples désastres sans aliéner son espoir ni même altérer son action. L’exemple est fantastique en notre temps de confusion : une pointe de platine.
Je me souviens de Victor Serge quand il est arrivé parmi nous, précédé de l’extraordinaire message aux Paz et à Marcel Martinet que La Révolution prolétarienne avait publié. Ceci reste la charte des révolutionnaires fidèles à la vérité et à la liberté dans leur défense de l’homme. Le présent ouvrage écrit à Mexico de 1942 à 1943, enfin édité en France, n’est donc point son testament. C’est seulement la contribution la plus importante que Victor Serge ait apportée sur quarante années d’une histoire qui connaît l’espoir de notre âge
Au delà des minuits qu’il sut le premier pressentir, Les Mémoires d’un révolutionnaire prennent place, aussi bien par le lyrisme d un style qui révèle une sensibilité de haute révérence, que par la documentation unique et authentique dont Serge était la conscience, parmi les rares témoignages naïfs qui découvrent la continuité de la Résistance au désespoir et aux illusions de la mort.
Quarante années d’une histoire qui a compté, pour que l’imposture d’une libération apporte la preuve évidente qu’il faut reprendre la leçon des Pelloutier. Car on ne fera que des pyramides en oubliant que la Révolution doit titre à la mesure des hommes. Victor Serge a souffert, sa vie entière, de la séparation entre le socialisme et la liberté. Il lui a fallu du temps pour que Cronstadt lui révèle la source de cette séparation. Mais Serge est de ces témoins qui font la vérité.
Edmond HUMEAU.