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Louis Perceau : Socialisme et religion. Quelques mots de réplique

Article de Louis Perceau paru dans La Vie Socialiste, 5e année, n° 79, 3 décembre 1927, p. 9

Perceau, par P. Gandon, 1935 (Source)

Je ne suis pas surpris d’avoir provoqué l’indignation de deux camarades « chrétiens » par mon article sur Socialisme et Religion. J’ai l’habitude de ces réactions. Quand on se permet, maintenant, dans un journal socialiste ou socialisant, de médire du christianisme, il se trouve toujours quelques pasteurs ou quelques élèves-pasteurs pour s’indigner. L’avouerai-je : Ce n’est pas à eux que je m’adressais. Nos deux camarades pensent pouvoir croire en Dieu, pratiquer une religion, et se prétendre socialistes. C’est leur droit. Mais ce n’est pas la question. Et ce ne sont pas les deux douzaines de socialistes chrétiens que peut compter notre Parti qui ont à la résoudre.

Surtout, je n’entends pas engager une controverse sur l’existence de Dieu et la nécessité morale des religions. Sur ces points, on s’en doute, je suis absolument d’accord avec nos deux camarades… pour constater que nous ne pourrions jamais nous entendre.

Surtout, je n’entends pas engager une controverse sur l’existence de Dieu et la nécessité morale des religions. Sur ces points, on s’en doute, je suis absolument d’accord avec nos deux camarades… pour constater que nous ne pourrions jamais nous entendre.

Mon article avait un autre but, ou mieux, deux autres buts :

1° Protester contre cette tendance que manifestait notre ami Léon Blum, à considérer comme du temps perdu les efforts faits au Parlement contre le maintien de la scandaleuse ambassade au Vatican. Plut aux Dieux — l’on me permet cette invocation païenne, — que nos élus ne perdissent jamais de temps à des choses moins utiles !

2° M’élever contre la conception de Léon Blum sur l’indifférence du socialisme en matière de religion. Je ne prétends nullement imposer sur ce point ma façon de voir, mais je n’ai pas voulu laisser croire que tout le Parti pensait comme Léon Blum. Et j’imagine que je suis loin d’être seul de mon avis, — j’en appelle à tous les anciens blanquistes et à beaucoup d’autres. Je pense que le socialisme, s’il veut vraiment émanciper le peuple et bâtir la Société future, doit. faire porter son effort contre toutes les servitudes : aussi bien les servitudes religieuses et morales, que les servitudes politiques et économiques.

On me permettra seulement, — pour en revenir à la polémique, — une brève réponse à notre camarade Philip, qui nous convie à travailler ensemble, et à omettre nos discussions au lendemain de la Révolution.

Je lui en demande bien pardon, mais pour travailler ensemble, il faut avoir des buts communs, et j’ai bien peur que ce ne soit pas le cas. Le socialisme au pouvoir n’aura pas à résoudre que des questions économiques et politiques. Et les amis religieux de mes deux contradicteurs — voyez les pays anglo-saxons et les cantons suisses, — ont une fâcheuse propension à imposer par la contrainte leur conception chrétienne de la morale, par exemple. Je ne travaillerai jamais à éditer une Calvinopolis « socialiste », pour ma part.

Quant à nos camarades anglais ou scandinaves, qu’invoque l’un de mes contradicteurs, je les lui cède. Je rappellerai seulement qu’il fut un temps où nous luttions dans l’Internationale pour opposer la conception française du socialisme, prolongement du grand mouvement d’émancipation philosophique et politique, à la conception néo-marxiste du socialisme purement économique, indifférent, non seulement aux questions philosophiques mais même à la forme politique du gouvernement. Je regrette que ce temps semble révolu. Nous n’avons pas encore dans le Parti de socialistes monarchistes, mais nous avons maintenant des socialistes religieux. Je me permets de penser que ce n’est pas un progrès.

Louis PERCEAU

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