Article signé E. Pin paru dans Le Combat syndicaliste, n° 37, septembre-octobre 1930, p. 1
Les religions, et surtout la religion catholique, ont toujours été néfastes au progrès de l’humanité ; elles se sont toujours attachées à combattre l’émancipation des esclaves, des serfs, des prolétaires.
L’histoire nous apprend que l’Église a toujours été l’alliée du maître, de l’oppresseur, de l’exploiteur.
Au Moyen Age, elle soutenait le seigneur contre ses serfs ; pendant le règne des rois absolus, elle magnifiait l’œuvre des rois, et Napoléon 1er, pour asseoir son pouvoir de génie malfaisant, a eu besoin de l’Église.
De nos jours, Mussolini a signé avec le pape un concordat qui consolide sa dictature et celle des chemises noires.
Le capitalisme trouve dans l’Église le plus actif de ses soutiens.
Il est bien loin le temps où la bourgeoisie était anti-religieuse, où les écrivains de cette classe dénonçaient les méfaits de la gent cléricale !
Les prolétaires doivent se rappeler que tous leurs défenseurs ont eu pour ennemi implacable l’Église.
Ferrer a été fusillé pour avoir voulu libérer les cerveaux. Louise Michel a été odieusement calomniée par la presse cléricale.
Et tous les militants ouvriers trouvent sur leur route les prêtres qui veulent les empêcher d’avancer et d’accomplir leur œuvre de libération.
Elle pénètre de plus en plus dans l’intimité des familles ; elle organise sa propagande d’une façon de plus en plus sournoise, de plus en plus active. Elle crée des syndicats catholiques dans beaucoup d’organisations. Elle fonde des œuvres pour les femmes, pour les enfants. Elle étend le nombre sans cesse croissant des patronages religieux. Elle s’empare des assurances sociales pour maintenir, en accord avec les patrons, l’ouvrier dans des chaînes de plus en plus lourdes et de plus en plus serrées. Et l’État, expression de la bourgeoisie réactionnaire, laisse faire.
Aujourd’hui la bourgeoisie crée des gardes mobiles pour mâter la révolte ouvrière, mais elle se rapproche de plus en plus du clergé pour que celui-ci rem-plisse son rôle de gendarme moral.
Et l’Église à son tour envahit peu à peu tous les rouages du gouvernement.
L’Église attaque aussi l’école laïque.
Elle groupe des institutrices publiques de tendance religieuse. Ces institutrices reçoivent un bulletin ; elles se réunissent périodiquement sous la direction morale et effective de prêtres, de moines, de capucins.
Une active propagande est faite auprès des jeunes filles, institutrices isolées, loin de leurs familles, sans appui, sans distractions, sans relations, et avec cette manière souple, onctueuse qui est particulière aux gens d’Église, ils prennent le cœur et l’esprit de ces jeunes filles, ils les enrôlent à leur tour. Certains professeurs font aussi de la propagande religieuse à l’École normale. Ces institutrices publiques catholiques s’appellent des Davidées. D’après Mouranchon de la Libre Pensée des Bouches-du-Rhône, on compte 6.000 Davidées et ce nombre s’accroît sans cesse.
L’Église, en groupant ces institutrices, poursuit un but : faire de la propagande religieuse auprès de la population, auprès des élèves.
Et le gouvernement poursuit les instituteurs trop indépendants qui veulent rester des hommes libres ; mais ferme les yeux sur les agissements des Davidées.
Ouvriers, ne fermez pas les yeux sur le péril clérical et préparez-vous à le combattre.
Que la lutte pour une meilleure existence et votre dur labeur quotidien ne vous le fassent pas oublier.
Là où l’esprit religieux règne, l’émancipation devient très difficile et pour s’affranchir économiquement, il faut s’affranchir d’abord intellectuellement.
Comment combattre l’Église ?
D’abord d’une manière personnelle. Instruisez vos compagnes, faites-leur comprendre que la religion est un mensonge, une absurdité et quels sont les méfaits des prêtres. Opposez-vous à ce que vos enfants subissent l’influence religieuse, n’envoyez pas vos enfants aux patronages religieux, surveillez l’enseignement qu’ils reçoivent à l’école laïque. Vos enfants n’ont pas besoin des sacrements de l’Église. Ce qu’il faut à vos enfants : c’est une nourriture saine, de l’air pur, des jeux, des distractions intellectuelles, de bonnes lectures, un esprit critique et d’examen et plus tard une culture leur permettant de découvrir la vérité par eux-mêmes.
Il faut que le syndicalisme devienne franchement antireligieux. Avant-guerre, les syndicats étaient neutres en matière politique et religieuse.
La C. G. T. S. R. est devenue anti-politique, l’esprit syndicaliste doit aussi devenir antireligieux.
Pour lutter contre les forces opposées au progrès, le syndicat doit devenir le centre de résistance.
Vous luttez contre le patronat, contre l’État, contre l’armée, vous devez aussi lutter contre l’Église qui est autoritaire, endormeuse, tueuse d’énergie.
Mais pour cela ne vous en remettez pas aux politiciens. Les politiciens exploitent la question antireligieuse pour leur propre intérêt.
N’oubliez pas que le clergé et les partis politiques se sont donnés la main pour faire, pour poursuivre la guerre de 1914, que l’Union sacrée ainsi réalisée a permis aux États capitalistes de faire massacrer des millions d’hommes pour le profit d’une caste de jouisseurs.
La lutte antireligieuse ne doit plus se faire par les partis politiques qui vous trahissent, mais par vous-mêmes, par vos syndicats et votre C. G. T. S. R.
L’EGLISE DU SACRE-CŒUR A MARSEILLE
Le 7 novembre 1920 on a commencé la construction au Prado de l’église du Sacré-Cœur en souvenir des 15.000 soldats de Marseille morts pour le compte du capitalisme et de l’Église unis pour l’œuvre de destruction et d’horreur (1914-1918).
Pour cette église, 4 millions ont déjà été engloutis.
Le comité qui comprend dans son sein de hautes personnalités industrielles et commerciales, écrit dans son appel :
« Ce sera votre œuvre magnifique, avec ses quarante colonnes en granit, polychrome, ses vitraux d’art exécutés par des artistes parisiens, et plus tard par ses mosaïques remarquables. »
Le comité demande encore 3 millions et demi.
L’œuvre révolutionnaire accomplie, nous construirons des maisons saines et coquettes pour tous, des écoles confortables et gaies, des hôpitaux, des sanatoria, des maisons de repos, des maisons pour les vieillards, des orphelinats, des asiles pour les enfants abandonnés, des bibliothèques où les travailleurs viendront puiser la science et le savoir, des théâtres populaires, mais nos mains n’édifieront plus des églises, des casernes, des prisons.
E. PIN,
instituteur
