Article signé Renée paru dans Le Combat syndicaliste, n° 331, 7 janvier 1965, p. 2
Avant que les évènements en aient définitivement prouvé l’inconséquence, il était encore possible, à une certaine époque, d’être sincèrement révolutionnaire et non violent. Révolutionnaire et non violente elle l’était, la foule de Petrograd qui, derrière le pope Gapone, se fit sauvagement massacrer alors qu’elle portait des pétitions à « notre petit père le tzar ». « Le Dimanche sanglant » de Petrograd eut pour résultat de marquer à tout jamais l’impossibilité d’une transformation de la société par des moyens pacifiques. De ce jour, l’ouvrier comme le moujik russes, et avec eux le prolétariat mondial, surent qu’en dernier ressort la violence seule trancherait. La classe ouvrière ne parle plus de non-violence, elle ne se pose même plus la question ; elle sait. Il lui aura fallu payer dans le sang et dans les larmes cette dure leçon.
Se déclarer encore aujourd’hui révolutionnaire et non violent, ce n’est pas du tout faire preuve d’optimisme, c’est uniquement montrer son appartenance idéologique à la bourgeoisie.
Refuser la prise d’une forteresse s’il faut pour cela employer la violence, c’est accepter de la laisser aux mains de ceux qui la détiennent, c’est objectivement servir leurs intérêts et épouser leur cause.
Si, au nom de nos objectifs de classe, nous condamnons sans appel le mythe de la non-violence, en fait contre-révolutionnaire, nous condamnons également « le terrorisme individuel » comme émanant, non d’une authentique volonté révolutionnaire (de classe), mais d’une révolte adolescente et romantique, d’un pessimisme exacerbé, ou d’un désir éperdu d’agir, « quand même », lorsque la situation n’offre apparemment aucune perspective.
Parfois, après une lourde défaite du mouvement ouvrier, des éléments ayant perdu confiance dans les possibilités de combat des masses, peuvent ressentir le besoin de se substituer à elles ; tel Souvarine dans « Germinal » qui, une fois la grève écrasée, inonde la mine, estimant, par là, la défaite définitive et renonçant à toute possibilité d’une renaissance de la combativité ouvrière.
La portée révolutionnaire d’une telle attitude a, elle aussi, été historiquement démontrée. L’échec des attentats socialistes révolutionnaires et de la « Volonté du Peuple », restés sans incidence sur les masses populaires, prouve clairement que l’on ne peut dissocier la volonté révolutionnaire du mouvement ouvrier, que l’on ne peut lutter de façon conséquente en dehors de la participation active de la classe ouvrière.
Actuellement, par suite d’une longue série de défaites, la pensée révolutionnaire s’est trouvée coupée du prolétariat, ce qui favorise une nouvelle floraison de vieilles recettes (terrorisme, non-violence, illusions parlementaires, etc.), qui ne sont que la théorisation de notre faiblesse.
C’est tout particulièrement à nous, syndicalistes révolutionnaires qu’il appartient de remédier à cet état de fait, en participant activement et systématiquement à toutes les luttes ouvrières et, par elles, en fonction d’elles, réorganiser notre groupement de classe : le Syndicat.