Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 330, du 19 février au 5 mars 1954, p. 2
PERSONNE ne s’aviserait de commenter les résultats des élections en Algérie selon les normes classiques. La « démocratie » que l’impérialisme français distille à ses millions d’esclaves coloniaux a comme contenu, la fraude ouverte, des urnes truquées, des bulletins falsifiés. C’est devenu une habitude si profondément enracinée dans les mœurs des « civilisateurs » de la matraque, que le gouverneur général Naegelen, socialiste, un Léonard, ou quiconque ne saurait en concevoir d’autres.
Le comique c’est que colons et administrateurs commencent à trouver saumâtre des fraudes qui n’ont pu avoir leur objectif principal : éliminer l’authentique représentation du peuple algérien, dans la mesure où le MTLD n’a présenté aucun candidat.
La fraude s’est retournée contre les fraudeurs qui s’accusent mutuellement de violer la liberté des élections. C’est l’histoire du voleur volé ! Cependant quelques leçons peuvent être tirées d’un scrutin faussé, car la combativité du peuple algérien a pu tout de même s’exprimer. Le MTLD s’est abstenu de présenter des candidats. Le peuple a transformé cette abstention en un véritable boycott. Dans les villes où l’administration a toujours laissé les élections se dérouler à peu près librement, par crainte des réactions du peuple on note
à Maison Carrée 78 % d’abstentions
à Fort de l’Eau 86 % «
à Hussein Dey 93 % «
à Kouba 88 % «
à Champlain 82 % «
Le Parti Communiste Algérien qui préconisait la participation aux élections a été écrasé dans le deuxième collège. Les Algériens ont boycotté… ! L’UDMA de Ferhat Abbas a également présenté des candidats, 3 ont été élus. Il est possible d’indiquer, que dans la mesure où le MTLD n’a pas présentée de listes les candidats de l’UDMA, là où les élections n’ont pas été truquées ont été élus. Ainsi l’élection de ces 3 candidats revêt une certaine signification malheureusement fortement diminuée par le commentaire de la « République Algérienne » qui, par la plume de Ferhat Abbas, tente une justification, pour le moins illusoire, de la politique de l’UDMA. En effet, malgré les exactions colonialistes Abbas prône la défense du « réel » et du « raisonnable » dont le contenu est donné par l’espoir de revoir bientôt « les démocrates » au pouvoir en France qui donnera aux Algériens des réformes fondamentales. L’UDMA n’est pas sans savoir qu’un gouvernement « démocrate » avec ministres socialistes et communistes a présidé aux massacres de Sétif et de Guelma en 1945. Abbas ne peut oublier que sous le proconsulat du « démocrate » Naegelen, l’Algérie a connu une vague de terreur sans précédent.
Le « réformisme » en Algérie et dans toute l’Afrique du Nord, n’a aucune base. Et ce ne sont pas les événements du Maroc et de Tunisie qui démentiront cette constatation. Le MTLD a mené sa campagne « abstentionniste » avec comme mot d’ordre central le Congrès National Algérien. Dans le prochain numéro de « LA VERITE » nous analyserons la signification de ce mot d’ordre.
P. L.