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Raymond Guilloré : Chronique de l’Union des syndicalistes

Extrait de l’article de Raymond Guilloré paru dans La Révolution prolétarienne, n° 422, Nouvelle série n° 121, novembre 1957, p. 19

Ahmed Bekhat assassiné ! !

Au moment où nous écrivons ce papier, nous venons d’apprendre l’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de la fédération française de l’U.S.T.A. (Union des Syndicats de Travailleurs Algériens). Nous avons rendu compte ici du congrès de cette organisation. Le hasard a voulu que le signataire de ces lignes rencontre, dans les jours qui ont précédé sa mort, le camarade Ahmed Bekhat : ces quelques contacts ont été suffisants pour que je sois profondément affecté par cette disparition brutale, mais que l’on ne peut pas dire inattendue, la menace rôdant autour de lui depuis au moins plusieurs semaines. Quelle menace ? Il faut bien le dire : celle d’un gangstérisme impitoyable dont il n’est pas si facile de trouver la tête, mais qui porte incontestablement sa marque de fabrique et qui salit aujourd’hui, qui contamine et qui pourrit les causes les plus belles.

Pauvre vieux Bekhat ! C’était un grand jeune homme – il avait vingt-sept ans ! – plein d’intelligence, de culture et d’un optimisme naturel qui n’est sans doute pas pour rien dans sa perte. A cela s’adjoignait une connaissance très sérieuse du mouvement : Bekhat connaissait ses usines et les ouvriers algériens qui y travaillaient ; c’était un remarquable secrétaire syndical. Ils l’ont tué …

Qui « ils » ? Disons seulement : les salauds qui grouillent sur les terres les plus fertiles en dévouement et en idéalisme. Ici, nous sommes évidemment complètement libres par rapport à tous les mouvements nationalistes algériens. Mais je puis dire quand même que Ahmed Bekhat était un camarade et que ce camarade syndicaliste a été honteusement assassiné.

Ni bourreaux, ni victimes, a dit Camus. Ce n’est pas tellement facile. Pas facile déjà d’être absolument certain de ne pas se faire, involontairement et de très loin, les complices des bourreaux ; beaucoup moins facile encore de ne pas être des victimes. Bekhat y a échoué. Faudra-t-il qu’encore une fois les salauds soient triomphants ? Nous refusons néanmoins de désespérer et l’optimisme inébranlable du jeune Bekhat nous soutiendra envers et contre tout.

Je ne puis mieux faire, pour conclure ce paragraphe que j’écris sous le coup d’une émotion récente, que de citer ce qu’écrivait ici même le camarade Lapeyre :

« Ainsi était rigoureusement officialisée (par la C.I.S.L.) une organisation n’ayant de syndical que le nom, mais présentant le grand mérite de connaître la manière de se faire respecter et craindre … , afin de rester le seul interlocuteur volable. »

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