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Gérard Bloch : Halte à la répression !

Article de Gérard Bloch alias R. Monge paru dans La Vérité, n° 412, 1er juin 1956, p. 1-2

– Scandaleuse arrestation de Claude Gérard.
– Nouvelles inculpations de Daniel Renard.
– LA VÉRITÉ saisie pour la cinquième fois en huit semaines.

Inquiets du formidable mouvements contre la « sale guerre » qui se
dessine chaque jour davantage dans les masses profondes du peuple, les milliardaires d’Alger et leurs porte-paroles politiques hurlent à la mort. Ils veulent, pendant qu’ils le peuvent encore, frapper à coups redoublés, non seulement les militants révolutionnaires d’avant-garde, mais les esprits libres, les personnes courageuses qui refusent de se laisser intimider par les insultes des chacals de la presse à gage, et continuent à dire la vérité, à informer honnêtement le peuple sur la situation en Algérie.

« L’Aurore », « Le Figaro », « Le Temps » de Vichy, « Paris-Presse » haussent le ton de jour en jour, forts de la capitulation de Guy Mollet devant les six-févriéristes d’Alger, forts de la capitulation du Parlement qui a voté les pouvoirs spéciaux. Ils exigent des arrestations parmi les démocrates français. Et l’appareil judiciaire leur donne satisfaction.

Après l’inculpation du professeur Mandouze, est venue l’arrestation à Alger du catholique de Maisonseul (qui a provoqué jusqu’aux protestations du journal « La Croix », peu suspect de « progressisme ») qui n’a fait que les mettre en appétit.

C’est alors à la journaliste Claude Gérard, héroïne de la résistance, torturée par la Gestapo, condamnée à mort par les nazis, que les colonialistes, avec l’appui enthousiaste des revanchards de Vichy, se sont attaqués. Catholique, candidate du MRP en 1945 en Dordogne, département dont l’actuel ministre résident Lacoste est député, membre du cabinet du futur RPF Michelet, elle se rendit en 1948 en mission à Madagascar. L’effroyable répression qui avait fait 80.000 victimes l’émut profondément, et elle consacra désormais son activité aux problèmes coloniaux. Elle se rendit en Algérie, où elle séjourna plusieurs semaines dans les maquis messalistes de l’Armée de Libération Nationale. De retour en France, elle rapporta objectivement ce qu’elle avait vu. L’hebdomadaire « Demain », l’hebdomadaire anglais « The Observer » publièrent son témoignage ; elle donnait des précisions sur les conditions mises par l’A.LN. à un cessez-le-feu ; elle rapportait en même temps que, contrairement à la version systématiquement entretenue par la presse française, le Mouvement National Algérien représentait une force essentielle, non seulement parmi les travailleurs algériens résidant en France, mais aussi dans les maquis algériens, et que l’autorité de Messali Hadj sur l’ensemble du peuple algérien était plus grande que jamais.

Pour avoir fait honnêtement, courageusement, son métier de journaliste, Claude Gérard est aujourd’hui incarcérée, inculpée d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de « non-dénonciation de malfaiteurs ». L’un des articles du code retenu contre elle prévoirait même la peine de mort !

Le plus grave, dans l’immédiat, est que Claude Gérard est menacée d’être transférée en Algérie. Là, tout est possible, tout est permis. On peut, par exemple, « libérer » Claude Gérard, l’arrêter à la sortie du cabinet du juge et l’envoyer dans un camp de concentration (d’après « Franc-Tireur », on parle de l’envoyer à Laghouat, dans le Sud !). On peut aussi, grâce à un décret pris dans le cadre des pouvoirs spéciaux, l’envoyer devant une cour martiale sans instruction préalable, l’y condamner à mort, et l’exécuter en 24 heures !

Quand Robert Barrat fut arrêté l’an dernier pour avoir interviewé un dirigeant du F.L.N., les colonialistes ne purent obtenir non transfert en Algérie ; il fut bientôt mis en liberté provisoire. Ce qui ne fut pas possible sous Edgar Faure le sera-t-il sous Guy Mollet ?

Cependant, les menaces qui pèsent sur le PCI se précisent. Quatre dirigeants du PCI (Bloch, Just, Lambert, Renard) sont inculpés d’atteinte à la sûreté de l’Etat ; la seule base de cette inculpation est constituée par vingt-sept numéros de « LA VERITE », allant du 1er novembre 1949 au 31 décembre 1955. Deux d’entre eux, Pierre Lambert et Daniel Renard, membres du Bureau Politique, sont considérés comme tels par le juge d’instruction Batigne comme responsables de l’ensemble des articles incriminés.

Enfin Daniel Renard, déjà par ailleurs inculpé cinq fois par le juge Monzein pour délit de presse, vient de l’être à nouveau cinq fois par le juge Pérès pour atteinte à la sûreté de l’Etat !

Le bras de la répression, qui menace de s’abattre, doit être brisé pendant qu’il en est temps encore. Partout, des résolutions de protestation doivent être votées, adressées au président du Conseil. Partout, l’action contre la répression, la solidarité avec les victimes de la répression doit s’organiser.

Si la répression parvenait à frapper impunément ceux qui sont directement menacés aujourd’hui, elle élargirait son champ d’action. Toutes les libertés démocratiques sont menacées plus gravement qu’elles ne l’ont été à aucun moment depuis Vichy. Tous les travailleurs, tous les démocrates, doivent se lever pour les défendre.

R. MONGE.

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