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Bachir Hadj Ali : La scission du M.T.L.D. et la question du Congrès National Algérien

Article de Bachir Hadj Ali paru dans Liberté, 12me année, n° 588, 23 septembre 1954, p. 1-2 ; suivi de « Les Blidéens veulent l’union »

INEBRANLABLEMENT attachés à l’union, soucieux de sa réalisation, les communistes algériens posent depuis des semaines dans « Liberté » la question suivante : Pourquoi « L’Algérie Libre » fait-elle le silence sur le mot d’ordre de Congrès National Algérien ?

Les documents publiés par les deux tendances principales à l’occasion de la scission du M.T.L.D. apportent indirectement une réponse à cette question. « La Nation Algérienne », organe de la tendance groupée derrière le Comité central, réaffirme son accord avec l’idée du Congrès National et révèle que l’un des points du désaccord qui l’oppose à la tendance qui suit Messali est précisément l’idée du Congrès.

Notre parti œuvre depuis 1946 et continue d’œuvrer pour la formation d’un Front National Démocratique Algérien. Il est conscient que la libération nationale ne sera l’œuvre ni d’un seul parti ni d’un seul homme. Quand le Comité central du M.T.L.D. a lancé l’idée du Congrès National Algérien, notre parti a donné son accord à cette idée et a fait des propositions concrètes pour sa réalisation. Toute initiative qui peut faire avancer la cause de l’union a rencontré et rencontre l’appui de notre parti quel que soit l’auteur de cette initiative. C’était toujours notre règle de conduite. Elle le reste.

Nous maintenons donc nos propositions faites le 25 janvier de cette année et rendues publiques, pour la préparation et la tenue d’un tel congrès. Et nous précisons que de ce congrès, préparé dans des assemblées à travers le pays, avec formation de comités partout et dans l’action pourrait sortir un programme commun, une charte nationale qui tiendrait compte des faiblesses du Front Algérien et l’instrument chargé de faire triompher cette charte.

L’union en effet se forge dans l’action pour des objectifs communs dans le respect de l’indépendance et de l’activité propre de chaque parti, organisation ou personnalité et non autour d’un parti. C’est du reste ce que reconnaît « La Nation Algérienne » lorsqu’elle écrit :

« De 1946 à 1951 le M.T.L.D. a essayé de s’unir à d’autres partis algériens ; il n’y a pas réussi. Pourquoi ? Parce qu’il voulait que tous les autres partis adoptent son programme. C’était trop demander à nos partenaires. Nous étions trop rigides. C’est pourquoi l’union a échoué … »

Le peuple algérien a subi les conséquences de ces attitudes étroites. Sans nous immiscer dans les affaires intérieures des autres partis, nous nous félicitons que ces attitudes soient de plus en plus abandonnées.

Mais pourquoi faut-il qu’avant de dire : « Que les patriotes ne dispersent plus leur activité, et nous finirons par abattre toutes les citadelles » (ce qui est juste), Ferhat Abbas exige : « Que l’Algérie s’unisse autour du Manifeste » ?

Pourquoi pas autour du programme du P.C.A. ? ou du M.T.L.D. ? Il est clair que cela aboutirait à la négation de l’union.

Tous les patriotes se rendent compte que si chaque parti exigeait l’union autour de son programme, il n’y aurait pas d’union. Comment d’ailleurs ne feraient-ils pas la différence avec les propositions de notre Parti depuis 1946 en vue de forger l’union de notre peuple ?

Comment ne verraient-ils pas que ces propositions ont toujours été marquées par un esprit large, qu’elles ont gardé leur caractère de propositions susceptibles d’être discutées, amendées, améliorées ?

La dernière en date concerne la constitution d’une délégation représentative du peuple algérien sur la base d’une plateforme à déterminer en commun, délégation qui irait à Paris faire connaître le problème algérien et défendre la cause algérienne.

B. H. A.


Les Blidéens veulent l’union

et sont d’accord pour l’envoi d’une large délégation à Paris

Notre parti a reçu le samedi 18 septembre une délégation de la population blidéenne venue s’entretenir avec les dirigeants des différents partis et organisations progressistes d’Algérie.

Elle était composée de six personnes, représentant des travailleurs d’entreprises, des habitants de quartiers, de tendances et d’opinions fort différentes, membres ou sympathisants des différents partis politiques algériens, ou simplement indépendants progressistes.

Il s’agit de MM. Abdelkader Hella, Abdelkader Kaouane, François Lopez, Mohammed Riahi, Célestin Moreno et Ben Salah Safi.

La délégation s’est entretenue également avec les dirigeants de l’Association des Oulamas, de l’UDMA, du MTLD (les deux tendances), de la CGT. Elle leur a demandé de hâter l’envoi en France d’une délégation représentative du peuple algérien, pour la discussion du problème algérien et d’ « engager immédiatement des discussions (entre partis et organisations) pour unir le peuple, unir toutes les bonnes volontés ».

Pour notre part, le camarade Ahmed Akkache, secrétaire du Parti, qui recevait la délégation, avec nos camarades Alice Sportisse, député d’Oran, et Sadek Hadjeres, membre du Comité central, l’a remerciée pour cette initiative, qui est susceptible d’aider les Algériens à s’unir autour d’une tâche aussi utile que l’envoi d’une délégation représentative à Paris. Il a assuré également la délégation que notre Parti ne ralentirait pas ses efforts en ce sens et continuerait à œuvrer pour la constitution d’un Front national démocratique algérien.

Voici le texte de la résolution qu’ils nous ont remise :

LE TEXTE DE LA RESOLUTION

Chers Compatriotes,

Nous venons de Blida, délégués les uns par nos entreprises, les autres par nos cités et quartiers, nous sommes de tendances et d’opinion différentes, membres ou sympathisants des différents partis politiques qui existent dans notre pays, ou tout simplement des indépendants progressistes.

Une chose nous a unis les uns et les autres pour nous amener à prendre cette concrète initiative, nous sommes des anti-impérialistes, des anti-colonialistes. C’est sur cette position de principe que nous nous sommes mis d’accord ; pas un Blidéen, pas un seul, informé de notre initiative, mis au courant de notre objectif soit en réunion ou individuellement, ne nous a fait d’objections, bien au contraire, tous nous ont encouragés en souhaitant un plein succès à notre délégation.

Chers compatriotes, vous, que vous soyiez dirigeants M.T.L.D., Communistes, U.D.M.A., Oulamas, ou responsables syndicaux, vous avez les uns et les autres une noble tâche à accomplir : c’est celle entre autres qui consiste à conduire le peuple algérien à l’amélioration constante de ses conditions de vie, à la libération nationale.

Vous avez, par conséquent, cette lourde charge de conduire, d’orienter la lutte des masses populaires. Nous avons confiance dans les uns et les autres, seulement, à la lumière des enseignements historiques, dont nous pouvons avoir connaissance aujourd’hui, à travers de multiples expériences vécues par les peuples opprimés, une seule voie peut permettre au peuple algérien d’avancer, d’aller de l’avant, de s’imposer : c’est l’Union.

Oui, chers Compatriotes, êtes-vous d’accord pour qu’on aille de l’avant ? Si oui, nous devons immédiatement engager des discussions entre les uns et les autres comme nous l’avons fait nous-mêmes, pour unir le peuple algérien, unir toutes les bonnes volontés.

La situation dans laquelle nous vivons, ainsi que la conjoncture politique sont graves ; il n’y a plus de temps à perdre, c’est un cri d’alarme que nous vous lançons avant qu’il ne soit trop tard. Le moment est arrivé où l’Union du peuple algérien doit se réaliser.

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