Article d’Ahmed Akkache paru dans Liberté, n° 591, 14 octobre 1954, p. 1
DANS l’importante déclaration qu’il a publiée le 28 septembre au sujet de la scission du M.T.L.D., le Bureau politique du Parti communiste algérien ne s’est pas contenté d’analyser les progrès du mouvement national et les causes politiques de la situation actuelle. Il a défini également les solutions pour aller de l’avant.
Ce faisant, notre parti manifeste une fois de plus une claire conscience des grandes responsabilités qu’il assume devant la classe ouvrière et tout le peuple algérien. Il montre qu’il est animé du profond souci de défendre, par-dessus tout, les intérêts nationaux et l’avenir même de notre pays.
La déclaration de notre Bureau politique a eu, comme il fallait s’y attendre, un profond retentissement dans le pays. Si « L’Algérie Libre », organe de la fraction messaliste, feint encore de l’ignorer, par contre « La Nation Algérienne » organe de la tendance groupée derrière le Comité central du M.T.L.D, lui consacre cette semaine un article dans lequel, malgré un certain nombre de réserves sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, Abderrahmane Kiouane reconnaît la justesse de nos appréciations.
Ceci dit, il convient de voir plus loin. Ce qui compte d’abord, c’est la lutte anti-colonialiste et la libération de notre peuple, ce sont les solutions que recherchent aujourd’hui avec ardeur des milliers de patriotes et de jeunes militants déçus par les illusions et l’échec de certaines positions nationalistes.
Comment le peuple algérien peut-il aller de l’avant ? Les communistes répondent sans hésiter : « En forgeant son union dans la lutte libératrice ». Les événements, action politique et l’expérience de plusieurs années ont déjà suffisamment montré que l’union du mouvement national est le souci majeur et permanent des communistes.
« Pourquoi ce souci ? », demande la déclaration de notre Bureau politique.
« Parce que le Parti communiste a toujours considéré et continue de considérer que la libération de l’Algérie ne peut être l’œuvre d’un homme, d’un parti ou d’un groupement, quel qu’il soit, pris isolément, mais celle de tous les patriotes et démocrates algériens sans aucune exclusive. »
En dehors de cette condition fondamentale, il n’est pas de grand succès possible. Penser le contraire, s’obstiner, comme le font certains, à maintenir la désunion du mouvement national, c’est non seulement faire preuve d’un manque de réalisme politique, mais encore porter tort aux intérêts du peuple. Certains dirigeants de la tendance messaliste critiquent à ce sujet l’expérience du Front algérien.
Et certes, en dehors de tous ses aspects positifs, le Front avait ses faiblesses. Mais il ne s’agit pas aujourd’hui de refaire la même chose. Notre déclaration remarque :
« Compte tenu de l’expérience du Front algérien, de ses insuffisances et de ses défauts, il est possible de réaliser une union plus large, plus durable et, partant, plus efficace. »
Sous quelle forme? Les communistes, qui luttent depuis déjà plusieurs années pour la constitution d’un Front national démocratique, estiment que dans l’immédiat « l’idée du Congrès national algérien pourrait être retenue ». Ce Congrès, préparé démocratiquement au sein des masses populaires, dans l’action pour des revendications communes, permettrait aux représentants de notre peuple de se prononcer librement, d’élaborer une Charte nationale ou un programme minimum commun, et de réaliser enfin une forme d’union concrète, durable, acceptable par tous.
Sur quelle base ? En ce qui nous concerne, nous avons déjà proposé à maintes reprises un projet de programme à discuter. La déclaration de notre Bureau politique le reprend. Nous estimons qu’il est possible de se mettre d’accord sur un certain nombre de points communs, depuis l’objectif fondamental, qui pourrait être la République démocratique algérienne jusqu’aux revendications immédiates comme l’amnistie, le respect des libertés démocratiques, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, la solidarité aux sinistrés d’Orléansville, etc., etc …
Il est bien entendu qu’il s’agit là de propositions, et qu’il n’est nullement dans notre intention de les imposer à nos partenaires, font comme il n’est nullement dans notre intention d’accepter comme base d’union des points que nous jugeons peu conformes à l’intérêt du peuple (par exemple l’idée de « neutralité entre les deux blocs » mise en avant par le Comité central du M.T.L.D.).
L’essentiel, là comme en toutes choses, est de discuter honnêtement avec la volonté de s’entendre, de se mettre d’accord, et surtout d’agir en commun, car c’est dans l’action, et pas seulement dans les discussions entre dirigeants, que se réalise l’union la plus durable et la plus efficace.
Dans la dernière période, l’exemple de Blida, d’où une délégation est partie pour voir les partis nationaux, celui de Constantine, où M.T.L.D. et P.C.A. ont appelé à l’union, dans un meeting contre la répression et pour le retour de Messali, celui de Bône, où un Comité d’union s’est formé avec notamment la participation de l’U.D.M.A. et du P.C.A., sont des manifestations encore modestes d’un profond courant d’unité et d’action qui ira, nous en sommes sûrs, en se développant.
Par Ahmed AKKACHE
Secrétaire du P.C.A.