Editorial d’Albert Lévy paru dans Droit et Liberté, n° 200, mai 1961, p. 1 et 4 ; suivi de « L’Histoire et les hommes en Algérie » par André Nouschi et d’une « Lettre de Constantine » par un groupe de patriotes algériens juifs
UN mois presque jour pour jour après le putsch manqué d’Alger, les négociations débutent le 20 mai, à Evian, entre les représentants du gouvernement français et ceux du G.P.R.A.
La fin du drame est-elle proche ? Même tempéré de craintes légitimes – après tant d’atermoiements, d’ajournements et d’équivoques – l’espoir, une fois encore, renaît.
Cette paix si difficile à atteindre, les récents événements sont venus en confirmer l’urgence. Et confirmer, du même coup, combien nous avons raison, depuis que dure le conflit algérien, de souligner la menace qu’il fait peser sur les libertés, favorisant à la fois le fascisme et le racisme qui, à leur tour, contribuent à prolonger la guerre.
NOUS vivons à l’époque de la décolonisation. Une époque où les peuples maintenus par la contrainte en état d’infériorité, accèdent à la dignité, à l’égalité dans la grande famille humaine.
Alors que tout appelle à l’autodétermination en Algérie : l’impossibilité d’une solution militaire, la volonté clairement exprimée du peuple français, l’intérêt matériel et le prestige de la France, plusieurs fois mise en accusation à l’O.N.U., ce n’est certes pas un quarteron de généraux, aspirants-dictateurs, ni quelques poignées d’ultras, ameutant les populations pour sauver leurs privilèges, qui feront tourner à l’envers la roue de l’Histoire.
Par contre, tout retard apporté à la nécessaire solution pacifique ne peut que les encourager et leur laisser, malgré tout, le temps et la possibilité de nuire encore. Aujourd’hui, l’alternative est claire : l’autodétermination ou la poursuite indéfinie des combats.
Autrement dit, il s’agit de savoir si l’on acceptera dans les faits, que soient modifiées des structures périmées, fondées sur la discrimination raciale, vouant les hommes, selon leur origine ethnique, soit à la suprématie économique et sociale, sait à la misère et au mépris.
Autrement dit encore, l’usage de la force armée ne peut s’expliquer, au fond, que par le refus de considérer tous les Algériens comme égaux, musulmans compris, et tous les peuples comme également souverains, en dépit du passé colonial.
Dès lors, comment s’étonner que les éléments racistes, partisans de la guerre à outrance et de « l’autorité » déploient dangereusement leurs activités dans les organisations ou ils se groupent, dans l’armée, et jusque dans les allées du pouvoir ? C’est parce qu’une telle guerre correspond à l’état d’esprit de ces hommes, qu’elle a besoin d’eux, et qu’elle ne cesse de former pour eux des exécutants et des complices.
Tant que durera la guerre, jamais ils ne seront mis définitivement à la raison.
D’AUTRE part, il faut bien reconnaître que les « européens » d’Algérie ne sont guère préparés à l’autodétermination, ceux du moins qui n’ont pas lieu de la craindre, c’est-à-dire la majorité, à condition qu’ils l’admettent et participent sans réticences à la construction d’une Algérie démocratique et fraternelle.
Certes, les transformations à prévoir bouleverseront les vieux préjugés, les vieilles habitudes, et des problèmes délicats se poseront, dans le détail, pour la sauvegarde des droits légitimes de tous. Encore aurait-il fallu donner aux intéressés des explications franches et patientes. Mais les journaux qui répondraient à la fois à leurs appréhensions et aux nécessités de l’heure n’ont pas droit de cité en Algérie.
Le principe de l’autodétermination ayant été proclamé, ne risquait-on pos de la faire apparaitre comme une sorte d’épouvantail dans la mesure ou l’on ne discutait pas aussitôt des moyens de l’appliquer, et où ce principe même était remis en cause par la recherche – ou la menace – d’autres pseudo-solutions ?
Il est évident que la négociation, pourvu qu’elle soit menée avec la volonté d’aboutir, ruinerait la propagande des pêcheurs en eau trouble, des « activistes », qui misent avant tout sur la peur.
VOILA pourquoi les antiracistes, saluant la rencontre d’Evian, souhaitent ardemment qu’elle soit enfin le point de départ d’une véritable autodétermination, l’aube de la paix et aussi d’une coopération amicale entre les peuples de France et d’Algérie.
Mais l’espoir n’exclut pas la lucidité, la vigilance. Et l’expérience récente a montré avec éclat le rôle de l’opinion publique dans cette phase du drame algérien.
Les antiracistes doivent donc être présents partout où s’affirme la volonté de voir finir ce conflit si longtemps prolongé. Partout, ils doivent affirmer, fidèles à leur constante vacation, l’éminente dignité de tous les hommes, fussent-ils musulmans, et leur droit, quelle que soit leur race ou leur confession, aux mêmes égards, aux mêmes libertés individuelles ou collectives, aux mêmes chances devant la vie.
Soyons convaincus que ce qui est en cause, c’est l’idéal même que nous défendons, c’est l’avenir de la démocratie et de la France.
Albert LEVY.
Un appel du M.R.A.P.
Dès le lendemain du coup de force d’Alger, le M.R.A.P. a rendu publique la déclaration suivante :
LE putsch de caractère franquiste qui vient d’éclater en Algérie soulève l’indignation des antiracistes et les appelle à l’action.
Avec la quasi-unanimité des Français, les antiracistes, profondément attachés à l’idéal républicain et aux libertés fondamentales, sont résolus à combattre pour leur défense.
Désavoués par la volonté nationale en janvier 1960 et en janvier 1961, les fascistes tentent de la tenir en échec en cherchant par la poursuite de la guerre, à priver les Algériens du droit à l’autodétermination.
Ni les slogans chauvins, ni les paroles de fraternisation ne sauraient masquer le caractère raciste d’une entreprise destinée à maintenir les masses musulmanes sous le joug et qui s’est d’abord appuyée sur un régiment de légionnaires étrangers composé en grande partie d’anciens S.S.
D’ailleurs, en France même, parmi les complices des factieux d’Alger figurent en bonne place les nervis racistes et antisémites que le M.R.A.P. ne cesse de dénoncer et de combattre depuis des années.
Le M.R.A.P. appelle ses militants et tous les antiracistes à se mobiliser dans l’union la plus large, garantie essentielle de la victoire sur le fascisme, pour la défense des libertés républicaines et de la paix.
LE MOUVEMENT CONTRE LE RACISME,
L’ANTISEMITISME ET POUR LA PAIX (M.R.A.P.).
QUELQUES NOTES SUR UN COMPLOT
Le coup de force d’Alger fut déclenché, on le sait, par le 1er R.E.P. (1er Régiment Etranger de Parachutistes) qui occupa, le vendredi 22 avril, à 1 heure, les bâtiments de la Délégation générale.
* LORSQUE L’ANCIEN CHEF DE CETTE « UNITE SPECIALE », le colonel Jeanpierre fut tué en opérations, une plaque à sa mémoire fut inaugurée, rappelant qu’il avait été déporté en Allemagne, pendant la guerre. Mais son successeur, le colonel Dufour, s’opposa à ce que le Régiment rende les honneurs à cette cérémonie, où d’anciens déportés devaient prendre la parole.
La raison ? « Mes hommes servent dans l’armée française, déclara le colonel Dufour, mais je ne puis oublier que, parmi eux, il en est un certain nombre d’origine allemande. Il m’est difficile de les associer à une cérémonie au cours de laquelle leur pays natal sera mis en cause. »
* DE FAIT, IL Y A DE NOMBREUX ALLEMANDS, LA PLUPART ANCIENS S.S., dans les Régiments Etrangers de Parachutistes (45 % dans le 2 R.E.P.). On y trouve aussi un grand nombre d’émigrés fascistes hongrois.
* 40.000 ALLEMANDS SERVENT DANS LA LEGION EN ALGERIE, estimait le journal « Der Spiegel », le 18 février 1959. Le recrutement se poursuit en permanence dans les grandes villes de l’Allemagne de l’Ouest : 120 par semaine selon le journal syndical « Metal » ; 500 par mois selon le député Fuchs. Ancien SS et jeunes de moins de 21 ans sont les sujets les plus appréciés.
* QUAND M. PAUL TEITGEN, secrétaire général de la Préfecture d’Alger, donna sa démission, le 24 mars 1957, il écrivit notamment au ministre Robert Lacoste :
« Si je n’ignorais pas qu’au cours de certains interrogatoires des individus étaient morts sous la torture, j’ignorais cependant qu’à la villa Susini, par exemple, ces interrogatoires scandaleux étaient menés au nom de mon pays et de son armée par le soldat de première classe Feldmayer, sujet allemand, engagé dans le 1er R.E.P. et que celui-ci osait avouer aux détenus qu’il se vengeait ainsi de la victoire de la France en 1945. »
Tels sont les « patriotes » sur lesquels s’appuya l’ex-général Challe pour défendre l’ « Algérie française » !
Parce qu’il a surpris par sa soudaineté et que les pouvoirs publics n’avaient pris aucune mesure pour l’empêcher, parce que, contrairement aux précédents, il fut réalisé directement par des militaires, d’aucuns voudraient accréditer l’idée que le coup de force n’était qu’un « sursaut patriotique », sans rapport avec les menées fascistes. Tout prouve le contraire.
* DEPUIS PLUSIEURS MOIS, LES ACTIVISTES s’employaient à créer un climat de terreur, qui ne pouvait que faciliter le putsch. Du 6 janvier au début d’avril, 19 attentats ou plastic (dont ceux du Palais-Bourbon et de la Bourse) ont eu lieu. Ces attentats se sont multipliés aussitôt après la prise du pouvoir des généraux factieux (notamment le matin du 23 avril, à Orly, l’explosion qui coûta la vie à l’ouvrier Georges Mulard), et ils continuent depuis.
Il y a là une concordance évidente, et ces méthodes criminelles prouvent que l’on a bien affaire à des fascistes prêts à tout.
* L’ASSASSINAT DE CAMILLE BLANC, MAIRE D’EVIAN, est l’un des « exploits » accomplis dans le cadre de la « préparation psychologique » du « clash ».
« Le Courrier Nationaliste », bulletin de « Jeune Nation », le commentait, en ces termes au début d’avril :
« L’exécution spectaculaire d’un salopard prend, dans le contexte actuel une importance exceptionnelle, montrant au monde, à l’opinion française et à nos compatriotes d’Algérie, que des hommes sont résolus à employer les moyens nécessaires au salut de la nation … »
* A RAPPROCHER d’un article de la « Deutsche Soldaten Zeitung » (Journal du Soldat Allemand), qui écrit le 14 avril :
« Cet homme (Camille Blanc) qu’on appelle un « résistant » et commandant d’un « groupe de résistance », n’était autre chose qu’un terroriste et un chef de bandits. En cette qualité, Camille Blanc s’est livré pendant l’occupation allemande à des actes punissables de la peine de mort selon le droit international. Il est bien regrettable qu’un journal allemand ne craigne pas de mettre en évidence l’activité criminelle de l’assassiné dans le passé … »
* DES LE 19 AVRIL, LE DEPUTE MARC LAURIOL RECOMMANDAIT PUBLIQUEMENT AUX ALGEROIS la lecture d’une « lettre confidentielle » qui annonçait que l’armée cesserait d’obéir « samedi à deux heures du matin ».
« Rivarol », qui donne cette information, précise également que « huit jours avant la date du putsch, des groupes activistes de l’Algérois avaient été mis en état d’alerte permanent … « Jeune Nation », mouvement clandestin fermé, eut ses cadres algérois mobilisés, consignés, avertis des détails techniques de l’opération et mis à contribution dans la nuit du vendredi au samedi 22 avril. »
* QUANT AUX CHEFS ALGEROIS DE L’O.A.S., ils étaient prévenus dès le vendredi 21 avril à 17 heures, et leurs militants à 21 heures. Dès 3 heures du matin, après la réussite du putsch, ils installaient leurs P.C. à Alger. Et un communiqué de Challe, Jouhaud et Zeller, avant même l’arrivée de Salan, précisait peu après que l’O.A.S. était seule « habilitée par le commandement militaire à transmettre des consignes à la population civile ».
* QUELQUES JOURS AVANT LE PUTSCH, L’ORGANE CLANDESTIN DE ROBERT MARTEL, qui se cache dans la Mitidja depuis l’échec de l’insurrection de janvier 1960, indiquait que « la seule organisation clandestine se regroupe actuellement en Algérie au sein de l’O.A.S. (Organisation de l’Armée Secrète) et en métropole autour de « France Résurrection » et du réseau « Ici la France ».
Il précisait que « ces organisations fonctionnant en étroite liaison avec Madrid, avec leur chef, le général Salan, cordonnent la libération de la patrie ».
* L’O.A.S., DIRIGEE PAR UN DIRECTOIRE UNIFIE, est formée de plusieurs groupes reconstitués après l’affaire des barricades. Ces groupes sont ceux de « Jeune Nation », du « M.P. 13 » (Robert Martel), du « Regroupement National » (fondé par Jacques Soustelle), du « Front de l’Algérie Française », du Front National Français ».
C’est Ortiz qui est le chef de cette dernière organisation. Aussitôt après le putsch, il lança, de Madrid, un manifeste déclarant notamment :
« Je donne immédiatement l’ordre aux responsables et militants du F.N.F. de se mettre inconditionnellement à la disposition des autorités militaires dont le général Challe s’est fait le porte-parole.
« Je demande à tous nos amis d’Europe de se considérer comme mobilisés au service d’une cause dont le destin se joue présentement et constitue la dernière chance de l’Occident. »
Ortiz est en liaison étroite avec l’Internationale nazie. En Espagne, il garde le contact avec Léon Degrelle, l’ancien chef des « rexistes » belges.
* L’O.A.S. SERAIT FORTE DE 2.000 A 5.000 HOMMES. Elle comprend des « sections d’assaut » (S.A.), selon la formule hitlérienne, qui se livrent aux attentats. La direction de ces groupes serait assurée, entre autres, par d’anciens S.S. allemands et des émigrés hongrois.
Pendant les quelques jours où les généraux rebelles eurent le pouvoir à Alger, on vit de nombreux militants de l’O.A.S. revêtus d’uniformes gris, avec un brassard tricolore, assurant « l’ordre » et servant de gardes du corps aux chefs insurgés.
Un de leurs premiers actes fut de libérer les tueurs Hagay, Dauvergne et Peintre, assassins de M Popie, ainsi que le Dr Perez et André Seguin, impliqués dans l’affaire des barricades et arrêtés il y a quelque temps en relation avec les attentats au plastic.
* AUSSI BIEN MILITAIRES QUE CIVILS, LES COMPLOTEURS DU 21 AVRIL ETAIENT DES RECIDIVISTES. On vit reparaitre Lagaillarde, Ronda, le « national socialiste » Susini, en même temps que Martel, Ortiz, Arnould, Perez, tous inculpés dans le procès des barricades.
Les colonels d’Argoud et Gardes avaient témoigné en faveur de ces inculpés. Et il faut rappeler que Challe était commandant en chef quand eut lieu l’insurrection des barricades. C’est le 1er R.E.P. – déjà – qui rendit les honneurs à Lagaillarde après sa reddition.
Citons encore les généraux Paul Gardy, André Petit, les colonels Godard, Lacheroy, Vandrey, Masselot (qui fit tirer sur les manifestants musulmans en décembre 1960) dont les liaisons avec les « activistes » étaient notoires depuis le 13 mai 1958, et qui furent de tous les complots. Ou encore le général poujadiste Jacques Faure, impliqué dans le « complot métropolitain ».
* CES CHEFS MILITAIRES SONT CEUX QUI ONT COUVERT OU PRATIQUE LES METHODES LES PLUS BRUTALES à l’égard des Algériens. Leur « savoir faire expéditif et limité » s’était « déjà traduit dans les tortures, les exécutions sommaires, dans l’organisation des « ratissages » et des camps de « regroupements ».
M. Pierre Vidal-Naquet, secrétaire du Comité Maurice Audin, a pu écrire à ce sujet dans « Le Monde » :
« De la pratique de la torture à la prise du pouvoir il y a un lien logique que beaucoup n’ont pas encore aperçu. Parce que les victimes étaient essentiellement des Algériens, il a paru possible à la plus grande partie de l’opinion de se désintéresser de la torture …
« Nous savons certes ce qu’eût signifié la victoire de « l’odieuse et stupide aventure d’Algérie » : c’était la France soumise au fameux triptyque « protection – engagement – contrôle » du colonel Argoud, c’était l’extension aux Français des méthodes employées par la « force auxiliaire de police » contre les seuls Algériens « suspects » …
Telles furent les réalités, tels furent les dangers, au cours de ces journées dramatiques.
Il ne faut pas l’oublier.
L’Histoire et les hommes en Algérie
Par André NOUSCHI
Maître de Conférences à l’Université de Tunis
LES problèmes humains qui se posent aujourd’hui à l’homme politique (français ou algérien) soucieux de liquider six années d’une terrible guerre ne datent pas de 1954. Le conflit a simplement porté au paroxysme une tension que les différentes groupes sociaux engendraient depuis longtemps et qui n’échappe pas à l’observateur attentif.
ARABES ET BERBERES
Comment se présente en 1954 la situation des différentes communautés algériennes ? Les statistiques démographiques dénombrent deux groupes : les « non-musulmans » qui sont 984.000 et les musulmans 8.400.000. Ces chiffres doivent être éclairés de différentes remarques : 1° Dans le groupe des non-musulmans, est comptée une importante fraction d’israélites ; mais la statistique ne les distingue pas des « européens » ; 2° Dans le groupe musulman, ne sont pas compris tous ceux qui ont émigré en France, soit 275.000 hommes environ.
L’importance des israélites peut être évaluée à 140.000 personnes environ. Ainsi, la population algérienne est constituée de trois groupes : un groupe « arabe » (ou musulman) de 8.700.000 environ : un groupe européen de 840.000, et un groupe d’israélites de 140.000 personnes.
Une telle répartition est le résultat d’une longue histoire dont le début se perd dans la nuit des temps mais qui est singulièrement instructive. Sans entrer dans le débat des origines des populations algériennes, disons que les Latins ont romanisé un fonds libyco-punique. Faut-il conclure de là que les « Romains » ont submergé les populations indigènes ? C’est peu vraisemblable : par contre, il est probable qu’une partie de celles-ci ont parfaitement assimilé la « romanité ». Mais la masse était-elle romaine ? Objectivement, nous n’en savons rien. Mais rien n’empêche de penser que cette « romanité » coexistait avec le vieux fonds antérieur. La dislocation de l’Empire romain et les deux séries d’invasions arabes du VIIe et du XIe siècle constituent le fait majeur de ces « siècles obscurs ».
On a décrit la faiblesse numérique des envahisseurs : dans ce cas comme pour Rome, la fusion entre le fonds local et les nouveaux venus semble complète. Les différences les plus remarquables et les plus apparentes demeurent dans les langues : les ilots berbérophones se trouvent très résistants dans les régions d’accès difficile (Kabylie, Aurès) et il sera d’usage courant d’opposer les Berbères et les Arabes, sans voir que ces berbérophones peuvent être métissés d’Arabes et vice-versa.
La conquête turque ne modifie pas sérieusement ce brassage : les Turcs ne constituent qu’une minorité d’administrateurs ou de soldats ; et leur passage, sur le plan humain, se signale par l’apparition d’un nouveau type humain, assez peu nombreux : les Koulouglis ou Koulouglis qui sont issus de mariages entre Turcs et indigènes ; leurs manières ne les distinguent pas des autres groupes ethniques qui peuplent l’Algérie jusqu’en 1830.
LES JUIFS
De ces groupes, l’un des plus vivaces est composé d’israélites ; en effet, les documents attestent leur présence depuis l’antiquité la plus lointaine. Ils font partie vraisemblablement du premier fonds indigène antérieur à la conquête romaine ; et bien des éléments de la religion punique ressemblent à la religion hébraïque de l’Orient ancien.
Nous retrouvons ces juifs aux deux premiers siècles après J.C. et ils constituent des colonies particulièrement importantes : leur présence facilite la diffusion du christianisme dans les pays africains. La conquête arabe ne semble pas avoir aggravé leur condition : « gens du livre », ils bénéficient de la tolérance des autorités pendant tout le Moyen Age.
A partir du XVIe siècle, les anciennes colonies juives reçoivent les juifs expulsés d’Espagne qui débarquent directement sur les côtes africaines, ou bien encore arrivent en Algérie après un détour par l’Italie. Sous les Turcs, les israélites vivent dans des quartiers réservés et sont assujettis à certaines règles plus ou moins vexatoires. L’administration détourne parfois contre eux la colère populaire ; et l’on assiste à ces journées qui ensanglantent Alger à la fin du XVIIIe siècle. Cependant, ils jouent leur partie dans l’Algérie turque : surtout groupés dans les villes, ils ont un rôle important dans la vie économique et financière du pays ; ils servent en particulier d’intermédiaires entre le pouvoir turc et les puissances étrangères (juifs francs).
La conquête française apporte aux israélites algériens un certain nombre d’avantages : en premier lieu, à partir d’octobre 1870, la citoyenneté française (Décret Crémieux) que le gouvernement de Vichy supprime, mais qui leur est rendue à partir de 1943 ; en second lieu, elle renforce leur position économique et améliore pour un certain nombre la situation sociale.
LES EUROPEENS
Le dernier élément ethnique est le groupe français : c’est le plus récent, car son installation remonte au mieux à 1830. En fait, jusqu’en 1850, le nombre d’Européens oscille autour de 100.000 personnes ; les Français ne sont pas toujours les plus nombreux parmi eux. Les Espagnols, les Italiens, les Anglo-Maltais affluent en si gros bataillons que cela pose des problèmes multiples aux autorités administratives, car ces étrangers tirent tout le bénéfice d’une entreprise qui coute cher aux contribuables français. Bien des facteurs favorisent cette émigration qui prend après 1870 des proportions impressionnantes. En effet, de plus en plus, ces immigrants réussissent là où le Français échoue ; et l’on risque fort de voir l’Algérie dominée ethniquement par eux.
Aussi en 1889, le gouvernement français décide que dorénavant les fils d’étrangers nés en Algérie seront déclarés français à moins qu’à leur majorité ils ne veuillent recouvrer leur nationalité d’origine. Du même coup, ces Espagnols et ces Italiens qui constituaient 75 % des Européens en 1881 ne forment plus en 1901 que 53 % ; et la proportion ira en diminuant. Au dernier recensement de 1954, on ne comptait plus que 60.000 étrangers sur les 984.000 « non-musulmans », soit donc à peine 6 % des Européens.
DE PLUS EN PLUS DIFFICILE …
Cette installation des Européens a bouleversé toute la vie antérieure et c’est elle qui pose les problèmes les plus réels. En effet, ceux-ci ont en mains, grâce à la conquête, le monopole de la citoyenneté : du même coup, ils possèdent un instrument de pression efficace sur le gouvernement français, car ils contrôlent les Assemblées municipales, départementales et les délégations algériennes. Les parlementaires qu’ils envoient à la Chambre ou au Sénat sont d’abord et avant tout leurs porte-parole. Et cette omniprésence tend de plus en plus à rejeter dans l’ombre les Algériens d’origine.
Comme ils sont citoyens français, la sollicitude du pouvoir leur accorde les concessions de terres (1) : celles-ci sont toujours de premier choix. De plus, ils bénéficient largement des prêts, des crédits à faible taux d’intérêt, pour leurs commerces, leurs ateliers industriels ou leurs propriétés : ils ne tardent pas à posséder ainsi l’essentiel des richesses de l’Algérie.
Simultanément les Algériens d’origine voient leur situation péricliter : la longue période de guerre et d’expéditions militaires qui dure de 1830 à 1871 affaiblit leur potentiel économique et humain ; les séquestres, les contributions de guerre, les refoulements qui leur sont imposés réduisent encore leurs capacités. L’entrée de l’Algérie dans le circuit économique international place en mauvaise posture l’économie traditionnelle qui se trouve concurrencée par l’économie capitaliste. En un mot, la situation d’équilibre relatif qui existait en 1830 est totalement rompue au profit des nouveaux venus d’Europe.
Sans doute, ce contact entre Européens et Algériens a fait naître une « classe » nouvelle de petits employés d’origine algérienne qui n’est pas bourgeoise mais n’est pas non plus ouvrière, et un nouveau type de bourgeois algérien, d’allure occidentale : formé dans les écoles et les universités françaises, ce médecin ou cet avocat a été le premier à revendiquer la citoyenneté française : les lois de février 1919 et l’ordonnance de 1944 lui ont donné partiellement satisfaction ; mais la masse des Algériens ignore ces privilèges que réduisent les manipulations électorales de l’administration française ; en bref, toutes les conditions sont réunies pour que la situation devienne de plus en plus difficile et se transforme en lutte armée.
L’AVENIR ?
Sans préjuger du détail politique qui accompagnera l’indépendance de l’Algérie, nous pouvons d’ores et déjà soulever un certain nombre de problèmes : cette Algérie de demain aura un besoin simultané de cadres et de capitaux. Or, les Européens, chauffés à blanc par une propagande insensée, répugnent à accepter d’être « gouvernés par Ferhat Abbas » : ils doivent donc être désintoxiqués et prendre conscience que le gouvernement algérien vaut n’importe quel autre gouvernement : ils doivent convertir leur esprit et s’habituer à voir l’Algérie gouvernée par les Algériens s’ils veulent conserver la nationalité française et vivre en Algérie : s’ils veulent intervenir dans la vie politique de l’Algérie, alors il leur reste la solution de devenir Algériens ; mais le dilemme « la valise ou le cercueil » est grossier et ne correspond pas à la réalité.
Au-delà de cette question des personnes, se pose celle des biens. Il est illusoire d’imaginer qu’une Algérie indépendante pourra conserver une économie dominée par le statut colonial : l’avenir de cette Algérie est conditionné par l’abrogation des privilèges exorbitants et l’aménagement de l’économie algérienne au profit de l’intérêt général. Ceci n’exclut pas que tous les cadres techniques indispensables au développement du pays y demeurent : enseignants, techniciens de tous ordres : mais ceux-ci seront au service de l’Algérie et non d’une minorité privilégiée.
Il apparaît ainsi que nous devons envisager avec lucidité : 1° le maintien sur place d’une partie de la population d’origine européenne ; 2° le rapatriement en France de ceux qui ne pourront ou ne voudront pas s’adapter au développement d’une Algérie indépendante. Dans quelle proportion ? Ceci est une affaire que seule le temps et l’avenir pourront déterminer avec précision.
André NOUSCHI
M. André NOUSCHI est avec MM. Yves Lacoste et André Prenant, l’auteur d’un livre qui vient de paraître aux Editions Sociales, sous le titre « L’Algérie, Passé et Présent », qui étudie le cadre et les étapes de la constitution de l’Algérie actuelle. Nous le remercions d’avoir bien voulu écrire pour « Droit et Liberté » l’article que nous publions ici.
(1) Lorsqu’elle octroie ou lorsqu’elle met des concessions en adjudication, l’administration fait entrer d’autres critères racistes : elle écarte les candidatures des israélites et bien sûr des Algériens d’origine musulmane, même si ces derniers ont rendu service à la France : les exemples sont nombreux.
Lettre de Constantine
Nous avons reçu de Constantine, une longue lettre signée d’ « UN GROUPE DE PATRIOTES ALGERIENS JUIFS ».
A l’heure où s’ouvre la négociations d’Evian et où les Algériens d’origines diverses s’interrogent sur l’avenir, nous croyons devoir verser au dossier ce témoignage comme nous l’avons déjà fait pour d’autres traitant de ces importantes questions.
Sans doute cette lettre, dont nous publions ici de larges extraits ne reflète-t-elle pas l’état d’esprit unanime des juifs algériens. On ne peut en tout cas lui dénier le mérite, essentiel à nos yeux, d’exprimer clairement, sincèrement, une volonté résolue de paix, de compréhension et de fraternité.
A Constantine, la population juive est aussi nombreuse que l’élément européen. Or, c’est une tradition dans cette ville, les ultras colonialistes se sont toujours efforcés de dresser les uns contre les autres, Juifs et Musulmans. Depuis novembre 1954, les colonialistes français ont toujours voulu faire des Juifs de Constantine une masse de manœuvre pour les utiliser contre notre Mouvement de libération nationale. A Oran et Alger, c’est vers la minorité européenne qu’ils ont porté tous leurs efforts pour lui faire jouer ce rôle.
Or, à Constantine, depuis l’annonce des négociations d’Evian, un sérieux malaise règne parmi la population juive. Il est soigneusement alimenté par certaines forces hostiles à la négociation. Les dirigeants français contribuent à le nourrir. Sinon comment expliquer qu’ils trouvent utile de s’entretenir avec M. Nahum Goldmann du sort des Juifs algériens ? Les dirigeants français veulent-ils multiplier « les interlocuteurs » pour semer la confusion autour de la négociation ?
De leur côté, des dirigeants sionistes font une mauvaise besogne en se prêtant consciemment ou inconsciemment à toutes ces manœuvres autour de la négociation. Nous disons consciemment, car – ce n’est un secret pour personne – parmi les ultras figurent des Juifs. Ils ne sont pas nombreux, mais nous ne pouvons pas faire le silence autour de leur néfaste activité parce qu’ils sont juifs et que leurs coreligionnaires sont victimes du racisme. Or, ces Juifs ultras ont aussi leurs relations dans des milieux sionistes qui sont plus soucieux de recruter des émigrants vers Israël que d’œuvrer pour la paix en Algérie. Ces milieux sèment un vent de panique parmi les Juifs de Constantine. Mensongèrement, ils prétendent que « leur avenir dans ce pays est définitivement compromis » et que « s’ils veulent échapper à un mauvais sort, ils n’ont plus qu’à émigrer en Israël ». Pour donner une consistance à leur propagande, ils spéculent sur le sac de la synagogue d’Alger en décembre, ou encore sur le naufrage du Pisces. Ils dénaturent les faits et taisent la réalité.
Outre que le F.L.N. a condamné le pillage de la synagogue d’Alger, il est bon de dire que pas un seul Juif demeurant à la Casbah n’a souffert des manifestations de décembre. A Constantine, des militants F.L.N. sont allés auprès de leurs amis juifs pour les rassurer, lors des manifestations de décembre. Pourtant certains ultras juifs s’évertuaient, à cette époque, dans les rues du quartier israélite, à entretenir un climat de méfiance. Ces ultras ne cachaient même pas leurs intentions de se dresser contre les manifestations des Algériens. Quand on sait qu’à Constantine, Juifs et Musulmans vivent dans les mêmes rues, ou dans des rues avoisinantes, on pouvait beaucoup redouter de l’activité néfaste de ces ultras.
Cependant les Musulmans ont encore fait preuve d’une grande clairvoyance politique. Et pas un seul Juif de Constantine n’a eu à souffrir des manifestations de décembre. Alors pourquoi certains s’acharnent-ils à entretenir ce climat de méfiance ? Certes, nous savons que d’autres dirigeants sionistes, surtout en France, et plus précisément les membres du Cercle Bernard Lazare se prononcent pour la négociation et dénoncent la propagande de division entre Juifs et Musulmans. Nous apprécions leurs démarches, bien que par ailleurs, nous n’approuvions pas les idées sionistes. Cependant, nous constatons que l’activité en faveur de la négociation des sionistes du Cercle Bernard Lazare ne touche pas du tout les Juifs de Constantine. Ces derniers, dans leur majorité, restent plus réceptifs à la propagande des autres responsables sionistes qui apportent leur eau au moulin des colonialistes dont nul n’ignore, par ailleurs, les sentiments antisémites. Or, l’avenir des Juifs algériens n’est pas du tout compromis par l’ouverture des négociations, ni par la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie. Au contraire, la réussite de la négociation, et la libération de l’Algérie du joug colonial, paralyseront d’abord et mettront un terme ensuite à l’activité nocive de toutes les grenouilles racistes qui ont toujours nagé à l’aise dans la mare de la confusion.
Le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, toutes les organisations nationales algériennes, nationalistes et communistes algériens, ont toujours reconnu aux Juifs de ce pays, leur qualité d’Algériens. Tout en les encourageant à revenir à la nationalité algérienne, et en leur montrant la fragilité du décret Crémieux (décret adopté pour diviser les Algériens) aboli à deux reprises, la révolution algérienne leur laisse malgré tout, comme aux Européens, le choix de la nationalité française. Une avant-garde de Juifs est depuis longtemps retournée à la nationalité algérienne. Sous diverses formes, elle participe au combat du peuple algérien. Et cette avant-garde dénie à M. Goldmann ou a tout autre, le droit de parler en son nom. Cette avant-garde n’a pas besoin de garanties. Elle se considère comme algérienne et toute sa confiance, tout son soutien vont, depuis sa naissance, au Gouvernement Provisoire de la République Algérienne. Cette avant-garde est suffisamment éclairée sur les relations harmonieuses qui ont existé avant 1830 entre Juifs et Musulmans. Elle connaît suffisamment le passé historique commun des Algériens, juifs et musulmans. Elle a tissé avec ses frères musulmans, dans le combat contre le colonialisme, des liens qui sont indestructibles.
C’est pourquoi cette avant-garde qui a souffert dans sa chair durant le régime de Pétain, qui souffre aujourd’hui dans la lutte anticolonialiste, adresse un appel solennel à ses frères juifs :
Ne vous laissez pas abuser par des mensonges ! Vous regagnerez la confiance du peuple algérien si vous savez abandonner les préjugés racistes dont vous avez vous-mêmes été victimes. Vous regagnerez la confiance du peuple algérien si vous ne dressez pas un mur artificiel entre vous et vos frères musulmans. Regardez nos frères juifs du sud-algérien, qui partagent les mêmes soucis, les mêmes luttes, la même vie que leurs frères musulmans ! Eux ne craignent pas l’avenir parce qu’ils sont restés unis avec leur peuple. Leurs liens avec les Musulmans sont solides. Regardez combien sont estimés ceux d’entre-vous qui ont enrichi le patrimoine culturel algérien ! Le chanteur et musicien constantinois Raymond n’est-il pas cher au cœur des Musulmans ? Ils l’aiment parce qu’il a contribué à conserver et enrichir le folklore algérien que les colonialistes ont voulu étouffer.
Notre appel s’adresse aussi à certains hommes politiques, religieux et sociaux juifs qui, depuis 1954, ont été très attentistes :
Votre attitude équivoque, vous l’expliquez par votre crainte de ne pas déplaire aux Européens, ou encore pour éviter aux Juifs d’être l’objet des méfaits des ultras. Une telle attitude ne se justifie pas. Pour ce qui est des Européens, si des incompréhensions se manifestent, on peut les dissiper avec l’aide de toute la révolution algérienne qui n’a jamais été dirigée contre eux, mais contre le colonialisme.
Quant aux ultras colonialistes, peut-on douter un seul instant, si par malheur ils devaient sortir victorieux, qu’ils ne reviendraient pas à leurs vieilles campagnes antisémites qui battaient leur plein du temps des Morinaud, Régis, etc … Les ultras colonialistes seront toujours racistes : aussi bien envers les Juifs qu’envers les Musulmans. Donc, votre silence prolongé peut être interprété comme une approbation de la propagande alarmiste et néfaste de certains milieux sionistes. Car, soyons sérieux, ce n’est pas en Israël que se trouve l’avenir des Juifs algériens. Outre qu’une telle émigration contribuerait à envenimer les relations, déjà mauvaises, entre Israël et les pays arabes, elle tournerait le dos aux intérêts des Juifs algériens. Car il n’est pas facile d’abandonner un pays où l’on a ses morts, son emploi, ses biens parfois, ses habitudes, où l’on a passé une bonne partie de sa jeunesse, et avec lequel on possède tant de liens culturels et linguistiques. Et puis on sait que les Juifs nord-africains sont l’objet parfois d’une discrimination en Israël. Ce n’est pas nous qui le disons. C’est M. Narboni qui nous le révèle dans son intervention faite au Congrès Sioniste Mondial. Comment ne pas comprendre après tout cela que l’intérêt des Juifs algériens est de demeurer dans ce pays, de lutter pour sa libération.
Le malaise actuel qui touche les Juifs de Constantine ne se justifie pas. Tous les responsables juifs d’organisations sociales ou religieuses doivent le combattre afin d’empêcher toutes les provocations du colonialisme de réussir.
Au moment où la négociation va s’ouvrir, l’avenir des Juifs algériens dans leur pays, l’Algérie, est entre leurs mains. S’ils font preuve de vigilance, de clairvoyance politique, s’ils agissent pour peser de tout leur poids sur les négociateurs français, alors la négociation peut réussir. Le chemin de la paix, de la réconciliation entre tous les Algériens, Juifs, Musulmans et Européens, passe par la négociation avec le seul G.P.R.A. Le chemin de la paix passe par l’abandon de la part des dirigeants français de leur politique de division du peuple et du territoire algériens. Le chemin de la paix passe par une négociation qui ouvrira la voie pour la construction d’une République Algérienne démocratique pleinement souveraine. C’est à la réussite d’une telle négociation, qui contribuera à créer des conditions favorables pour des relations fécondes entre l’Algérie et la France, sur un pied d’égalité, que nous convions les Juifs d’œuvrer aux côtés de tous les autres Algériens.
Un groupe de patriotes algériens juifs.
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