Article de Louis Mouscron paru dans Droit et Liberté, n° 264, juillet-août 1967 ; suivi de « Les pêcheurs en eau trouble » par Mireille Glaymann ; et de la table ronde « La paix – comment ? » avec Charles Palant, Albert Lévy, Jacques Berque, le docteur Ginsbourg, Gérard Israël, Jacques Lazarus, Albert-Paul Lentin, Vincent Monteil, Jacques Nantet, Alain Savary, Fanny Schapira et Bernard Vernier.

EN pleine crise du Moyen-Orient, un Algérien vivant à Paris rencontre un juif de sa connaissance. Ils hésitent à se tendre la main :
– Ne sommes-nous pas ennemis ?, s’inquiètent-ils ?
Ils s’expliquent, constatent qu’entre eux rien ne doit changer ; et la conversation se termine, amicale, au café voisin.
Cette anecdote (authentique) est révélatrice du climat qui a régné en France, ces dernières semaines. Si, dans ce cas précis, les malentendus ont pu être surmontés par un simple contact humain, il n’en a pas toujours été de même. Une vague de préjugés, de peurs irraisonnées, de passions et de haines, a submergé l’opinion publique, et particulièrement, bien sûr, les principaux intéressés, dans la mesure ou un conflit entre Etats – Israël et les pays voisins – se trouvait ainsi transposé en un conflit ethnique, opposant juifs et Arabes.
Dans une émission télévisée, un travailleur algérien, à qui le reporter demandait s’il voulait aller se battre contre Israël et pourquoi, répondit :
– Je n’aime pas les juifs !
Un de ses camarades, plus jeune, visiblement gêné par de tels propos, lui dit à peu près :
– Ce n’est pas la question : quand nous nous battions pour l’indépendance de l’Algérie, il y avait, pour nous soutenir, des démocrates de toutes origines, et parmi eux, il y avait aussi des juifs.
Inversement, que d’insultes, de menaces anti-arabes n’ont-elles pas été proférées :
– Ces gens-là, ils ne comprennent que la force. Il faut les corriger une bonne fois pour toutes.
– Ce sont des assassins, on l’a bien vu pendant la guerre d’Algérie, et on voit comment ils se conduisent chez nous …
Fort heureusement, nombreux sont ceux, là aussi, qui combattirent ce genre d’appréciations. Le lendemain d’un meeting organisé au Cirque d’Hiver en faveur d’Israël, un jeune juif s’est présenté au siège du M.R.A.P. :
– En sortant de la manifestation, a-t-il raconté, j’ai vu un groupe d’excités poursuivre un Algérien qui passait par là … Je suis écœuré. Je suis prêt à vous aider dans votre lutte contre tous les racismes …
Les provocateurs s’en donnaient à cœur joie. Un soir pendant que se tenait une réunion, quelqu’un téléphone au M.R.A.P. :
– Des groupes d’Arabes armés de couteaux marchent sur Belleville. Que pouvez-vous faire pour les arrêter ? Moi, je vais organiser la défense des juifs.
Pour les spécialistes des excitations à la haine, l’occasion était rêvée. Minute jubilait : même les égarés qui, naguère, condamnaient l’O.A.S., s’opposent aujourd’hui, comme elle, aux Arabes. Rivarol et Aspects de la France s’offraient le luxe de dénoncer la « domination juive », tout en prêchant la croisade contre l’Islam. Le sinistre Bardèche, dans Défense de l’Occident accusait les juifs de préparer la troisième guerre mondiale, tout comme ils avaient provoqué la seconde. Des tracts anti-juifs et anti-arabes circulaient.
Les « bons » et les « mauvais »
Etrange période. Peu à peu, les esprits s’apaisent, maintenant. Mais il faudra beaucoup de temps, sans doute, pour analyser le phénomène social auquel nous venons d’assister, pour que chacun analyse ses propres réactions. Comment un problème politique grave et complexe, posé à des milliers de kilomètres, a-t-il pu, en quelques jours, bouleverser et diviser les Français bien plus brutalement que la guerre d’Algérie ou celle du Vietnam ? Comment des citoyens lucides et calmes ont-ils pu tout à coup modifier leur comportement, se laisser entraîner à des outrances dont ils n’étaient pas coutumiers ?
On a évoqué l’affaire Dreyfus : il est vrai qu’en ce temps-là aussi, le pays fut agité d’emportements contraires, et que le débat qui accaparait les consciences était faussé par l’origine juive de l’accusé, ce qui entraînait dans les deux camps des prises de position purement subjectives. Dans l’affaire présente, il s’est produit surtout un grand courant d’ « union sacrée » où se mêlaient l’angoisse et la fureur, où la bonne conscience agressive des uns pesait sur l’inquiète réflexion des autres, un courant impétueux balayant les positions, les idées, les notions qui paraissaient, la veille, être susceptibles de lui faire obstacle. Et un autre rapprochement historique s’impose à l’esprit : 1914, le désarroi, l’excitation soudaine qui suivirent l’assassinat de Jaurès, et qui débouchèrent, aussi, sur la guerre.
Empressons-nous cependant de souligner que nombreux sont les Français, qu’ils se prononcent dans un sens ou dans un autre, qu’ils s’expriment publiquement ou non, qui ont été guidés dans leur comportement par des considérations politiques et non raciales, qui ont soigneusement réfléchi avant de prendre position. Ceux-là, sans faire abstraction des aspects humains de l’affaire, ont voulu prendre connaissance des faits, des thèses en présence, des litiges immédiats et anciens, en un mot, de toutes les données du problème ; ils se sont interrogés sur les solutions possibles. On ne peut leur faire grief d’une attitude quelle qu’elle soit, fondée sur l’analyse sincère, dans la mesure où une telle attitude permet et suppose la discussion, l’échange, le souci de vérité.
Toutefois, ayant à juger d’un conflit international, beaucoup se sont déterminés en fonction d’éléments qui n’avaient pas de rapports directs avec la situation, et surtout, se sont contentés de formuler un choix entre deux groupes humains : les juifs étant assimilés à l’Etat d’Israël, et les Arabes – entre autres, les Algériens de France – à Nasser. C’est ainsi que l’on a désigné « les bons » et « les mauvais » selon ses préférences intimes, ses conceptions générales, voire même ses fréquentations, et plus encore par rapport à l’émotion qui se rattache, depuis le génocide hitlérien, à la condition juive (1).
Des réactions très vives
Il faut bien constater que la situation se prêtait remarquablement à l’éclosion de telles passions. Les déclarations des dirigeants arabes annonçant, comme le président Nasser et le roi Hussein, la « destruction », la « disparition » d’Israël, ou comme le président syrien, la « libération » de la Palestine, ont tout naturellement suscité un mouvement d’indignation, un réflexe de défense. Etait-il question d’une destruction physique et de l’extermination des Israéliens ? On pouvait le croire d’après les appels provocateurs d’un Choukeiri, selon lesquels « il n’y aurait pas de survivants ». Ces propos ont été, il est vrai, démentis ; mais si des voix arabes se sont élevées pour affirmer qu’il ne s’agissait que de « détruire les structures de l’Etat Israélien, et non de « rejeter les juifs à la mer », ce n’étaient pas des voix officielles. D’ailleurs, même la destruction de l’Etat en tant que tel ne pouvait être admise. Israël existe et sa disparition ne peut se concevoir sans un bain de sang (2). Il était donc normal que les réactions soient vives et que soit affirmé avec force le droit d’Israël à l’existence.
De nombreux Français, dans un élan généreux, ont eu à cœur d’empêcher l’écrasement d’un petit pays de deux millions, et demi d’habitants, entouré de pays ennemis comptant une population cinquante fois plus importante. Ils considéraient de leur devoir de défendre le plus faible contre le plus fort. Comme Israël a été le refuge de nombreux juifs rescapés des camps nazis, on comprend que l’émotion était à son comble. Dès lors, le rapprochement entre les épreuves passées et présentes entraînait par un analogie hâtive et simpliste l’assimilation, fréquemment exprimée, entre Nasser et Hitler (3).
Le vrai problème
La majorité des juifs ont, à cette occasion, affirmé leur solidarité inconditionnelle avec Israël et la politique de son gouvernement. Certains autres pourtant, ont réagi de façons diverses et en considérant qu’ils n’étaient pas personnellement impliqués dans le conflit.
Pour la plupart, il s’agissait d’une question d’honneur, de dignité. Ils ne peuvent admettre que 20 ans après les massacres nazis, on puisse s’en prendre à des juifs, où qu’ils soient, et surtout pas a ceux qui ont construit Israël. Ils n’ont pas vu, ils n’ont pas cherché à voir les aspects politiques du problème ; bouleversés, ils se sont mobilisés ; forts, pour une fois, d’un courant favorable dans l’opinion publique, ils ont clame leur volonté d’agir pour défendre leurs frères au nom des persécutions subies dans le passé.
C’est ici que se noue le drame. Pour défendre l’existence d’Israël, fallait-il ignorer et nier les droits et les aspirations des Arabes ? Nombreux étaient ceux, juifs ou non, qui, au début de la crise du moins, ne voulaient pas même en entendre parler. Tout en condamnant les mots d’ordre visant à la destruction d’Israël, ne fallait-il pas poser le problème dans son ensemble, dans toutes ses données, qu’elles soient immédiates ou fondamentales ?
Interpréter la politique des pays arabes comme un simple mouvement antijuif, perfide et pervers, c’était ne pas comprendre la réalité. En face du fait national israélien, il y a un fait national arabe. Les habitants arabes de la Palestine, qui vivaient sur le territoire où s’était établi Israël, et qui l’ont quitté en 1948-49 existent, eux aussi. Le sort de ces réfugiés qui n’ont pas renoncé à vivre sur le sol de leurs ancêtres, qui sont dispersés et misérables, posent un problème qui n’est pas seulement humanitaire.
Quelle que soit la solution envisagée, on ne peut pas ne pas en tenir compte. Et on ne peut expliquer autrement les passions, les outrances aussi de peuples qui se sentent frustrés, outragés et dont les revendications sont systématiquement rejetées comme nulles et non avenues.
Le vrai problème est celui-ci : n’est-il pas possible de rechercher une solution assurant à la fois l’existence d’Israël et les droits de ses voisins, de sorte que le statut de cette région ne soit pas fonde sur la force et constamment remis en question ? n’était-il pas possible de concevoir, avant la crise, une autre politique, fondée, de part et d’autre, sur le respect des aspirations nationales et mettant fin aux souffrances des réfugiés ?
Il est certain que l’on ne peut porter un jugement sans tenir compte de tous les aspects de la situation, parfois contradictoires et toujours d’une grande complication. Il convient en particulier de considérer les faits suivants : la mainmise anglo-franco-américaine sur les ressources pétrolières du Moyen-Orient ; les liens des gouvernants israéliens avec les Etats occidentaux et la complaisance de certains responsables arabes, à l’égard de ces mêmes Etats occidentaux ; le mouvement d’émancipation anti-impérialiste qui grandit dans cette région, dont les peuples et certains régimes reçoivent, de ce fait, le soutien du Tiers-Monde et des pays socialistes ; la stratégie générale de la guerre froide, dont de petits peuples sont souvent victimes ; à tout cela, ce mêlent les oppositions nationales, sociales et ethniques, les idéologies nationalistes et chauvines, la tragédie des immigrés juifs venus s’installer là, victimes du nazisme, et la misère, l’oppression subie par les populations autochtones, soumises depuis des siècles à l’exploitation coloniale.
Surmonter les passions
Faute d’envisager la situation sous cet angle, on se condamne aux attitudes unilatérales, dressant les uns contre les autres dans des positions inconciliables et permettant au racisme d’apparaître.
Que peut-il en résulter ? La guerre-éclair menée par Israël ne saurait en elle-même apporter aucune solution durable aux questions posées. De nouveaux problèmes territoriaux et nationaux, de nouveaux drames de réfugiés, sans parler des pertes humaines et matérielles, des blessures morales, viennent compliquer et aggraver encore l’imbroglio moyen-oriental. De nouveaux conflits menacent, à moins que l’O.N.U., les grandes puissances et les intéressés, ne s’orientent rapidement vers une négociation d’ensemble.
Côté pro-israélien, on a souvent confondu (volontairement ou non) les juifs citoyens de différents pays avec les Israéliens citoyens d’un Etat où vivent des juifs, des musulmans et des chrétiens et l’on a assimilé la défense d’Israël en tant qu’Etat avec la politique de ses gouvernants présentée globalement comme la seule possible. Côté pro-arabe, s’est produit exactement le même amalgame puisque la dénonciation de la politique du gouvernement de Tel Aviv servait de justification à la mise en cause de l’Etat israélien lui-même et, par voie de conséquence, de la nation israélienne et a entraîné, dans quelques cas précis, des mouvements d’hostilité contre les juifs.
A partir de là, les situations les plus surprenantes se sont créées. On a vu des antisémites avérés se placer aux côtes des défenseurs d’Israël pour donner libre cours à leur haine anti-arabe ; on a vu des juifs renonçant aux principes traditionnels qui font d’eux des citoyens à part entière, affirmer qu’Israël était leur pays ; on a vu, au Palais, un avocat juif embrasser Tixier-Vignancour et l’ex-commissaire aux questions juives de Vichy, Xavier Vallat, se proclamer sioniste ; on a vu … mais que n’a-t-on pas vu, en ces semaines troublées et troublantes ?
Il ne fait pas de doute que le racisme, qu’il soit anti-arabe ou anti-juif, a gagné des points et risque d’en gagner encore. C’est dire que tous ceux qui entendent s’y opposer, se doivent, malgré des divergences compréhensibles, de poursuivre, de renforcer la lutte commune. Le M.R.A.P. a, dans cette période, lutté pour une paix juste et durable, pour l’amitié et la compréhension par-delà les passions déchaînées ; il est resté fidèle à sa vocation, il est resté sur le terrain des principes qui est et doit toujours être le sien, et hors duquel on ne peut que se disqualifier pour le combat antiraciste. Avec le M.R.A.P., donc, le combat pour la vérité et la justice, pour la fraternité humaine, continue.
Louis MOUSCRON.
(1) Posant le problème sur cette base subjective, l’I.F.O.P. (Institut Français de l’Opinion Publique) a mené une enquête sur le thème : « Dans le conflit qui oppose Israël à l’Egypte et aux pays arabes, à qui vont vos sympathies ». Les résultats (France-Soir, 1er juillet) méritent attention. Ils font apparaître les pourcentages suivants : à Israël 56 % ; aux pays arabes 2 % ; ni pour l’un ni pour l’autre (réponse spontanée) : 14% ; ne se prononcent pas : 28 %.
(2) L’hebdomadaire égyptien Al Moussawar (cite par le Monde du 24 juin), critiquant après coup les thèmes de la propagande arabe, écrit :
« Tous, amis, neutres ou ennemis, rejettent la thèse de la disparition d’Israël … Ce mot d’ordre que nous avons avance d’une manière fébrile, a permis à Israël de gagner le premier round avant même que le premier coup de feu n’ai été tiré ».
D’autre part le quotidien officieux du Caire Al Ahram constate, le 30 juin :
« Nos paroles expriment souvent plus que nous ne voulons dire, et plus que nous ne pouvons faire. Ainsi agissaient nos radios et lançant les appels au meurtre et à l’écrasement ».
(3) Une correspondante nous écrit avoir vu, à l’entrée de l’autoroute du Nord A1, l’inscription : « Dayan = Hitler », inscrite sur un mur, en lettres énormes. Dans l’un ou l’autre sens, de tels amalgames ne servent pas, bien au contraire, la cause qu’ils prétendent défendre.
LES PÊCHEURS EN EAU TROUBLE
Par Mireille Glaymann
« C’EST pourquoi nous souhaitons aux Juifs d’Israël, engagés dans le dernier épisode d’un long combat où nous avons fait notre part, ce que Spellman au Vietnam souhaitait aux soldats américains : la victoire et la paix ». (Minute du 8 juin 1967)
Telle est la conclusion d’un article de François Brigneau dont le titre révélateur est « Ti Ti Ti Ta Ta » (= « Algérie française », « Israël vaincra »).
La politique israélienne a donc trouvé de fervents apôtres en la personne du fretin fasciste. Peut-être n’est-ce là que la conséquence ultime d’une certaine politique ?
La réponse devra être apportée quand les passions seront apaisées.
Ceci dit, des maintenant, il est important pour tous les antiracistes de dénoncer ce soutien. Nous voudrions à cet effet mettre en évidence les raisons de cet appui.
1. De Minute à Rivarol, de Défense de l’Occident à Carrefour, le but proclamé est l’établissement de la supériorité de l’Occident blanc.
« Depuis 1917, la révolution mondiale tentée par le communisme menace le visage et l’âme de la terre des hommes. Depuis 1917 nous sommes donc engagés contre elle dans une guerre unique, permanente et totale qui se déroule au travers des conflits contradictoires, limites et intermittents. L’un de ceux-ci eut pour théâtre l’Algérie, province française, tête de pont de l’Europe sur le continent africain. Nous l’avons perdu. Un autre se déroule actuellement dans le Moyen-Orient. Il suffit de regarder les camps en présence pour savoir que le nôtre perdrait encore si, après Alger, le drapeau arabe flottait sur Tel-Aviv » (Minute du 8 juin).
Qu’on ne s’abuse pas : si le péril est ici arabo-bolchévique, n’oublions pas qu’il redeviendra dès la prochaine occasion judéo-bolchévique.
D’ailleurs Défense de l’Occident de juin 1967 se charge de nous le rappeler :
« Un de leurs (aux juifs) intérêts essentiels est certainement qu’on ne s’avise pas trop de leur formidable puissance dans le monde actuel. Il n’est pas de pire défaite pour eux en réalité, que les peuples découvrent qu’il n’est pas raisonnable que nos nations soient dirigées en fait par des princes occultes qui ne parviennent pas à oublier leur patrie d’élection ».
2. La nostalgie de la perte de « notre province algérienne ».
« Car en Algérie, comme en Israël, le même principe était en question. Oserai-je dire qu’en Algérie il était encore plus généreux qu’en Israël puisqu’il ne s’agissait pas seulement de défendre l’œuvre accomplie et le droit à la vie mais encore une certaine idée de communauté multiraciale fraternelle. Il s’agissait justement d’éteindre les fanatismes arabes dans la sagesse et l’humanisme français » (Aspects de la France du 22 juin 1967).
Anti-arabes aujourd’hui, ces messieurs n’oublient pas qu’ils ont été anti-juifs, il y a peu, et qu’ils sont prêts à le redevenir :
« Je me suis furieusement opposé aux juifs quand leur solidarité mondiale jouait contre les intérêts de mon pays. Je ne vois pas ce qui m’interdirait de les applaudir quand ils flanquent une rossée, avec un magnifique brio, à un individu qui, depuis douze ans, se conduit en ennemi de l’Europe et de la France » (Rivarol).
D’ailleurs Carrefour prépare déjà l’avenir. Sous le titre « Quand les Israélites font le malheur d’Israël » du 30 Juin 1967 (de Marx à Mendès-France), on peut lire :
« Sur les deux rives de l’Atlantique, des juifs jouent les premiers rôles dans les innombrables manifestations qui prolongent la guerre sous prétexte d’obtenir la paix. La guerre au Vietnam a son Dreyfus, le capitaine américain Levy, qui dénonce « les crimes de guerre américains au Vietnam » pour éviter d’instruire les recrues ».
Mais nous voudrions terminer par les « Raisons d’être Sioniste » d’un certain Xavier Vallat, que les juifs français connaissent bien, dans la mesure où son article peut engendrer un nouvel antisémitisme « sioniste ».
M. Vallat proclame, après avoir affirme qu’il est contre les « antis » :
« Mais politiquement, je suis xénophobe (du grec xenos étranger, et phobos, crainte, effroi), ce qui veut dire très exactement, non pas que j’ai la haine de l’étranger, mais que je redoute sa mainmise sur les affaires de mon pays ».
Or les juifs sont très inassimilables :
« Par contre, il se trouve qu’une espèce d’étrangers, très caractérisés, répugne, elle, à l’assimilation ; ce sont les descendants des tribus de Juda, de Lévy et de Benjamin que la Diaspora a disséminés à travers le monde. Je ne le leur reproche pas, je le constate. »
Ainsi, M. Xavier Vallat peut écrire :
« Je n’en tiens pas moins qu’en dehors du sionisme intégral, il n’est pas de solution raisonnable et efficace du problème juif »
Mais :
« Cela suppose évidemment que les autres nations comprennent qu’il est de leur intérêt de munir tous les fils d’Israël qu’elles hébergent d’un passeport israélien et d’une carte d’identité d’étranger, sauf s’ils ont porté les armes pour la défense de leur pays d’adoption. »
Cela ne vous rappelle-t-il pas le port de l’étoile jaune ?
Table ronde
LA PAIX – COMMENT ?
Le samedi 24 juin, le M.R.A.P. poursuivait son action pour la clarification du problème du Moyen-Orient et pour la paix en réunissant une table ronde de personnalités d’opinion diverses, (mais toutes spécialistes de cette difficile question), sur le thème : Les conditions d’un règlement. Nous donnons ci-dessous de brefs extraits du débat.
Etaient réunis, autour de Charles Palant et Albert Lévy, Jacques Berque, professeur au Collège de France ; le docteur Ginsbourg, président du Cercle Bernard Lazare ; Gérard Israël, directeur des Nouveaux Cahiers ; Jacques Lazarus, dirigeant de l’Association des Juifs originaires d’Algérie ; Albert-Paul Lentin, journaliste, auteur notamment de La lutte tricontinentale ; Vincent Monteil, ancien chef d’Etat-Major des forces de l’O.N.U. à Jérusalem ; l’écrivain catholique Jacques Nantet ; Alain Savary, ancien ministre ; Madame Fanny Schapira, maître de recherches au C.N.R.S. ; Bernard Vernier, chargé de recherches au Centre de Politique Etrangère.
Albert LEVY
Cette « table ronde » s’inscrit dans le prolongement de l’action permanente poursuivie par le M.R.A.P. en vue d’une solution pacifique du problème du Moyen-Orient.
Nous serons d’accord, sans doute, pour admettre que toute solution de force, destruction d’Israël par ses voisins ou domination d’Israël sur toute la région, est à écarter. Dès lors, le problème fondamental est celui-ci : peut-on, au lieu du conflit qui dure depuis vingt ans, envisager une solution fondée sur la coexistence ?
Nous ne pouvons pas, bien sûr, nous substituer aux diplomates, et pas davantage aux pays intéressés dont la rencontre en tête à tête paraît impossible dans l’immédiat. Mais nous pouvons procéder à un premier échange de vues, montrant, pour l’opinion française d’abord, que la question du Moyen-Orient exige, par-delà les a priori, un examen approfondi, qu’aucun des points de vue ne doit être écarté d’emblée, que des hommes aux conceptions opposées peuvent en discuter ensemble.
Albert-Paul LENTIN
Il s’agit de deux droits à l’existence, d’Israël d’une part, et de la Palestine arabe de l’autre, car ces derniers temps on a beaucoup plus parlé du premier que du second. La Palestine arabe a existé depuis le septième siècle ; elle a vécu sous domination ottomane, puis sous mandat britannique. Cette nation a été détruite en trois temps. D’abord en 1922, quand on a retranché la Trans-Jordanie pour créer le royaume artificiel de Jordanie ; ensuite au moment de la guerre de Palestine, et enfin quand, en 1949, le reste de la Palestine a été conquis par Hussein de Jordanie.
Je crois que le premier problème, c’est de faire renaître cette Palestine arabe, problème national. Le problème des réfugiés trouverait alors une solution, il faut que les refugiés palestiniens spoliés reconstituent une nation.
Il faut aussi, même si cela paraît utopique en ce moment, qu’Israël se transforme, qu’il soit un Etat parmi les autres au sein du Moyen-Orient, et non la projection dans le Moyen-Orient d’un univers différent, qui est celui de la « diaspora » et du monde occidental.
Si ces deux conditions – existence d’un Etat palestinien arabe, transformation interne de l’Etat d’Israël – étaient réunies, le problème le plus difficile, celui de Jérusalem, pourrait trouver une solution.
Fanny SCHAPIRA
La loi du retour stipule que tout juif, quand il le demande, devient immédiatement citoyen d’Israël, alors qu’un Arabe, qui y est né et qui s’en va n’y revient que très difficilement.
Cette loi du retour est donc une loi raciste dans son essence. Tant qu’elle n’est pas abolie, les Arabes peuvent se dire que potentiellement, sinon réellement, les dix ou quinze millions de juifs qui vivent dans le monde pourraient revenir en Israël et y être d’emblée citoyens. Comme, bien entendu, il n’y aurait pas de place dans le petit Etat tel qu’il est, Israël, par la force des choses, devrait s’agrandir.
D’ailleurs, pour la situation des juifs dans les différents pays où ils se trouvent, la loi du retour introduit une ambiguïté et une confusion extrêmement préjudiciables.
Jacques NANTET
Je crains, après avoir entendu les interventions qui précèdent, qu’on prenne les choses d’un peu loin, sans penser qu’elles se passent, là-bas, sur le terrain. Il y a une tension vive, une bousculade, une poussée d’inspiration religieuse et mystique du côté juif comme du côté arabe, une victoire d’un côté, un désastre de l’autre.
Ce qu’il faut d’abord désamorcer, c’est cette idée de guerre sainte de part et d’autre. Ce qu’il faudrait, Albert-Paul Lentin a bien raison de le souligner, c’est une solution qui exclue la force; mais encore faut-il se souvenir que c’est là-bas que sera prise la décision principale ; nos amis arabes, qui s’inquiètent de l’influence des grandes puissances lorsqu’elles aident ou soutiennent Israël doivent penser aussi que c’est chez eux que les solutions se trouvent, et non pas à Moscou ou ailleurs.
Il y a donc, en premier lieu, le problème des Lieux saints, très important, le règlement sur place, qui me semble être déterminant, le maintien de l’existence et de la sécurité de l’Etat d’Israël, sur lequel je crois qu’il n’y a pas de contestation possible.
Dr GINSBOURG
On nous propose l’arabisation d’Israël. On dit que l’Etat d’Israël doit changer de structures. A mon avis, c’est le contraire qui devrait se produire : le rayonnement d’Israël qui apporte l’instruction, le modernisme et la technicité, devrait l’étendre à tous les Arabes du Moyen-Orient, si ces Arabes voulaient coexister pacifiquement avec l’Etat d’Israël.
L’existence d’un Etat qui s’est manifesté pendant treize siècles en Palestine, la continuité de l’attachement des juifs à cet Etat, la fertilisation de cette terre par des « colons » pogromisés, et d’autre part, la venue des Arabes posent d’indiscutables problèmes. Mais les droits historiques d’un côté et les droits naturels de l’autre doivent-ils l’exclure ?
Pas du tout ! Ce ne serait pas la première fois que juifs et Arabes coexistent brillamment et heureusement.
Cette coexistence ne me paraît pas impensable ; elle doit se baser sur la reconnaissance d’une nationalité : la nationalité israélienne fortement implantée, pas artificiellement mais naturellement, par les juifs dans le pays de leurs ancêtres ; la reconnaissance du droit des Arabes à former un Etat, de leurs droits naturels à la vie en Palestine, à constituer un Etat arabe palestinien.
Enfin, la population d’Israël ne peut atteindre des chiffres fantastiques : elle est limitée par l’approvisionnement en eau.
Un dernier mot sur les Lieux saints. Je ne vois pas pourquoi ils seraient moins bien gardés par les juifs que par les Arabes.
Jacques LAZARUS
Personnellement, je ne suis pas gêné de ma qualité de Français et de juif. Je me sens complètement intégré à ma patrie depuis pas mal de temps. Mais je suis oblige de constater qu’a une certaine période, on m’a demandé de me considérer comme étant à l’écart de cette patrie.
Il n’y a aucune incompatibilité dans mon esprit entre le fait d’être Français et d’être juif. Je dirais plus, il n’y a aucune incompatibilité entre le fait d’être Français et de se sentir attaché d’une manière affective à l’Etat d’Israël et au peuple juif.
En ce qui concerne les conditions d’un règlement, on pourra peut-être les réaliser si tout le monde veut y mettre du sien, et si particulièrement les Etats voisins d’Israël veulent faire preuve d’un peu de bonne volonté et commencer par reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël.
Un million et demi de Français d’Algérie ont été intégrés. Ils n’ont pas encore été indemnises, on n’en parle pas ; on se braque sur la question des réfugiés palestiniens, alors que tout le monde sait que la Syrie et l’Irak possèdent de vastes territoires où on aurait pu parfaitement les intégrer. En fait, on a voulu établir un abcès de fixation.
Jacques BERQUE
Nous voyons la seconde vague d’expansion d’un Etat dont l’existence est elle-même le fruit d’une expansion, d’abord pacifique, puis violente ; nous voyons un décalage technologique des plus vifs (sur lequel il n’est pas le lieu de discuter ici) opposer cet Etat aux Etats qui l’entourent ; nous voyons enfin le soutien dont bénéficie cet Etat d’une certaine fraction de la mondialité contre un adversaire qui bénéficie du soutien d’une autre fraction de la mondialité.
De l’autre côté, nous voyons l’acharnement des peuples arabes, à bien des égards, incompréhensible pour un Occidental.
Comment résoudre, comment faire cesser une telle situation ? Il y a deux méthodes, la consolidation du drame ou son abolition.
Consolider le drame, c’est espérer que l’accumulation des situations de fait toujours plus extensibles, toujours plus amplificatrices au profit d’Israël finissent par s’imposer par la force. Nous sommes payés en France, si j’ose dire pour savoir qu’aucune situation de fait n’a été acceptée dans le Tiers Monde, malgré l’antiquité relative de certaines installations européennes.
Comment, alors, faire pour abolir le drame ? Est-ce même possible ?
Essayons d’imaginer le problème résolu. Comment se présenterait un Moyen-Orient ou le drame serait aboli ? Certainement comme une sorte d’articulation économique, un peu à la façon dont ont été résolus les problèmes de l’intégration européenne : la communauté charbon-acier, où les anciens ennemis collaborent. Il y aurait, d’autre part, une garantie internationale qui éviterait une remise en cause perpétuelle, par l’un ou par l’autre, du fait établi.
Pour en arriver là, il y a bien des obstacles à franchir, certes.
Je citerais, en premier lieu, le problème des réfugiés palestiniens ; et pourquoi ne pas y inclure par ailleurs le problème des réfugiés juifs qui ont été amenés à quitter tel ou tel pays arabe ? Il faut voir ce problème des réfugiés globalement, sans rien négliger.
On nous assure par ailleurs que le problème du grossissement d’Israël est historiquement résolu. Il vaudrait mieux le préciser officiellement.
Je suis persuade qu’Israël, malgré sa victoire sur le terrain, sent bien l’immense précarité de sa situation. Je suis persuadé que les Arabes auront mesuré le danger du radicalisme verbal, de l’improvisation, de la division. Ainsi, peut-il naître une faible chance de désarmement psychologique.
Gérard ISRAEL
Chaque nation du monde a un point, dans son code de la nationalité, qui définit l’attribution de la nationalité comme nationalité d’origine. En ce qui concerne l’Etat d’Israël, le fait est évidemment très complexe puisqu’il existe une extra-territorialité juive. On peut considérer qu’elle est accidentelle, que les juifs auraient dû rester normalement en terre de Canaan ; mais elle est un fait. Les juifs emportent avec eux un peu de leur patrie, et c’est une patrie spirituelle. On n’est pas né en Palestine, on est né dans Israël spirituel, et c’est pourquoi existe la loi du retour.
Le colonel Nasser, quelques jours avant le début des hostilités, a dit à la B.B.C. : « Quand on fait la guerre à quelqu’un, c’est pour le détruire », ce qui me semble parfaitement vrai ; je ne rappellerai pas les déclarations de M. Choukeiri. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas vouloir la dissolution des structures étatiques de l’Etat d’Israël sans l’extermination de ses habitants. Les Israéliens n’ont plus d’endroit où se réfugier ; par conséquent, ils défendront chaque coin de rue, chaque maison.
Je voudrais aussi répondre à ce qui vient d’être dit : « Il faudrait limiter l’immigration ». Il n’y a pas de raison. Je dis qu’on ne peut pas croire sérieusement que tous les juifs viennent en Israël.
Pour ce qui concerne la solution proposée par Albert-Paul Lentin, j’ai toutes les raisons d’y souscrire. Cependant, nous ne devons pas oublier que, laissé à lui-même, un Etat palestinien ne pourra pas vivre ; il est tout à fait logique qu’Israël apporte à cet Etat tout l’appui dont il est capable. Il ne faut pas avoir peur de considérer cette aide comme de véritables réparations.
Vincent MONTEIL
Le premier point concerne le problème des Lieux Saints.
Ce problème, je l’ai vécu et ressenti au cours de mon bref séjour à Jérusalem en 1948, lorsque j’étais chef d’Etat-Major aux Nations-Unies. Je ne crois pas et je le dis en pesant mes mots, qu’il soit possible de le résoudre sans recourir sous une forme ou sous une autre à l’internationalisation des Lieux Saints : non seulement Jérusalem mais aussi Hébron, la tombe d’Abraham, car jamais, en aucun cas, les musulmans ne pourront accepter admettre que la tombe d’Abraham ne leur soit pas accessible en tous temps.
Le deuxième point, c’est le problème des réfugiés qui est lié à mon sens à l’arrêt de l’immigration juive. Par des amis israéliens, j’ai appris que des voix autorisées ont fixé encore tout récemment à 5.000.000 le chiffre souhaitable de la totalité de la population. Passer de 2.000.000 à 5.000.000 ! Tout le monde est conscient ici des risques qu’une telle situation comporterait !
Quant au troisième point, M. Gérard Israël en a parlé tout a l’heure avec éloquence et d’une façon qui m’a beaucoup frappé ; il a dit : « On ne peut pas vouloir dissoudre l’Etat d’Israël, l’Etat, sans vouloir détruire le peuple d’Israël ». Il serait de ma part parfaitement hypocrite de laisser croire que je suis partisan du maintien de l’Etat d’Israël sous sa forme actuelle. En fait, géographiquement, politiquement, que nous le voulions ou non, Israël est un Etat situé en Asie mineure et je ne crois pas qu’il puisse survivre à la longue s’il ne cesse d’être un greffon étranger.
Alain SAVARY
Je voudrais revenir sur un premier point, c’est l’importance de la suppression des discriminations dans tous les pays du Moyen-Orient et du Maghreb.
Actuellement, personne ne pourrait conseiller, soit à des Arabes résidant en Israël, soit à des juifs résidant dans les pays du Maghreb d’y rester car ce sont eux qui paieraient le prix de ces conseils.
Cette question devrait être posée par des hommes aux avis différents, aux deux parties en cause. Cela permettrait d’aborder dans de meilleurs conditions les conséquences de cette situation : problème des réfugiés d’une part, et d’autre part, nombre idéal de la population d’Israël.
En fait ce problème du chiffre idéal de la population d’Israël, il est beaucoup plus politique qu’économique. Dans une économie moderne comme celle d’Israël, ce sont des notions d’industrialisation beaucoup plus que d’agriculture et d’usage de terre qui sont posées ; à cet égard, Israël me paraîtrait bien inspiré en annonçant de lui-même qu’il ne poursuit pas une politique de peuplement pour rétablir un équilibre de nombre, impossible à réaliser d’ailleurs.
Je voudrais attirer votre attention sur un autre point, encore qu’il soit plus délicat, c’est celui de l’armement du Moyen-Orient et du Maghreb en général. Il n’est pas possible de laisser se poursuivre le système de renforcement régulier des deux camps, dans des proportions telles que l’équilibre demeure le même. Car, finalement au grand détriment des pays et des peuples, ces armes, données en apparence, sont en général payées et très lourdement par des circuits commerciaux ou des échanges à cours abusifs. Pour être entendus, nous devons nous adresser – et c’est en ce sens que le premier appel du MRAP m’avait tout à fait plu – aux uns et aux autres, et faire savoir qu’il n’y a pas ici que des inconditionnels d’un camp ou de l’autre, mais que nous nous plaçons dans le camp des principes.
Bernard VERNIER
Je me bornerai à deux remarques de détail.
A mon avis, il y a lieu de relever des imprudences – je ne prétends pas donner des conseils ou des leçons à un gouvernement – ou des inconséquences qui se sont exprimées dernièrement après le déroulement des opérations militaires à Jérusalem. Par exemple, le dégagement d’une esplanade en avant du Mur des Lamentations a atteint des fondations religieuses musulmanes.
D’autre part, écarter d’emblée comme un préalable superfétatoire et prématuré, la notion de modification de la « loi de retour » me semble devoir conditionner l’établissement d’un Etat franchement laïc, ce qu’Israël n’est pas encore : la loi de la citoyenneté d’Israël n’a pas été encore précisée. Je me référerai à un cas qui s’est produit l’année dernière : un juif par son père et non par sa mère s’est vu refuser la nationalité israélienne bien qu’ayant été victime des camps de concentration nazis en Allemagne.
Ce ne sont que des points particuliers, mais je tenais à faire ces observations qui peuvent éclairer l’ensemble des problèmes posés.
Jacques BERQUE
L’intervention de Savaray me paraît fournir une plate-forme commune à partir de laquelle les uns et les autres nous pourrions préciser nos positions.
A titre de motion d’ordre, je voudrais proposer qu’elle constitue, si l’assemblée est d’accord, la conclusion provisoire de notre débat.
Fanny SCHAPIRA
Je crois avoir été mal comprise.
Qu’il n’y ait aucune incompatibilité entre le fait d’être juif et Français me paraît une évidence. Par contre, je vois une certaine incompatibilité, si on a un souci de cohérence, entre le fait d’être Français et d’être vraiment sioniste.
Jacques NANTET
Je rejoindrai volontiers la proposition de Jacques Berque, concernant l’intervention d’Alain Savary.
Cela suppose que nous nous revoyions pour de nouveaux débats, de nouvelles confrontations.
Je suis d’accord pour une nouvelle rencontre.
Gérard ISRAEL
Je souscris, mille fois, à tout ce qu’a dit M. Savary. Cependant, dans une phrase, il y avait l’idée que 5.000.000 de juifs en Israël pourraient constituer un danger pour les 44.000.000 d’Arabes environnants.
Alain SAVARY
J’ai dit simplement que le problème des rapports d’Israël et du monde arabe ne pouvait être considéré en termes de rapports de nombres car le rapport de 2,5 à 90 n’est pas tellement différent que celui de 3 ou 5 à 90. C’est un problème politique et humain beaucoup plus qu’économique.
Vincent MONTEIL
Ce que je crains, c’est que 5.000.000 de personnes, sur ce petit territoire, même doté d’une industrialisation poussée, risquent de produire une concentration humaine telle que tout espoir soit écarté de faire revenir l’ensemble ou une grande partie des réfugiés arabes.
Quant au Docteur Ginsbourg qui nous a présenté une vision assez idyllique de la situation de la minorité arabe en Israël, je le renvoie à une revue israélienne qu’il connaît bien, « New Outlook » et qui a donné bien souvent un son de cloche extrêmement différent.
Docteur GINSBOURG
250.000 Arabes vivent en Israël. Des mesures ont été prises contre eux, qui ont un caractère militaire, car Israël est encerclé par des pays hostiles ; mais elles ont été abolies en partie. Il y a sûrement des discriminations, mais elles s’effacent peu à peu, et le niveau économique et intellectuel des Arabes s’élève progressivement.
A.-P. LENTIN
Je pense qu’il faudra reprendre notre débat.
Je dirai simplement, en quelques mots, que les réfugiés palestiniens ne peuvent pas être assimilés aux autres réfugiés qui ont été cités, de même qu’on ne peut pas comparer toutes les « diasporas ». Dans le cas des Arabes, il y a eu une injustice au départ : une nation, la Palestine arabe, a été dépecée, comme le fut autrefois la Pologne, et elle est maintenant une nation virtuelle, comme le fut l’Algérie.
Charles PALANT
Cette rencontre est en elle-même extrêmement positive. Comment ne pas se féliciter que le vœu ait été émis, de part et d’autre, de nous retrouver, de poursuivre ce dialogue.
La vocation du M.R.A.P., qui est de lutter contre tous les racismes, de rassembler dans un même combat les victimes, les adversaires de chaque racisme différent, lui a permis de garder son sang-froid tout au long de cette crise ; elle lui donne la possibilité d’œuvrer à une meilleure compréhension du problème et à la paix, qui est la seule solution d’avenir.
Je retiens particulièrement l’observation faite par M. Savary : il y a un troisième camp, qui devrait être le camp commun à toutes les parties en cause : c’est le camp des principes, auquel nous entendons rester fidèles.
Nous nous reverrons donc, nous espérons même élargir ce débat, et nous ferons en sorte d’être entendus, au nom de la bonne foi et du désintéressement qui nous animent tous.
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