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Guy Lavaud : Tragédie birmane, par George Orwell, traduit de l’anglais par Guillot de Saix

Article de Guy Lavaud paru dans Gavroche, n° 123, 2 janvier 1947, p. 4

C’EST l’histoire, dans un village birman, de quelques Européens, des Anglais naturellement, la description de leur existence partagée entre la sieste, la boisson, le tennis et quelques très vagues occupations. Nous avons déjà lu cela dans Kipling et dans Conrad (La Folie malaise) mais avec plus de relief.

L’intérêt du roman de G. Orwell est moins dans le tragique récit (après tout ce n’est qu’un suicide) que dans une description exacte et minutieuse de ce monde minuscule et dans l’opposition des caractères. Flory, agent d’une exploitation de bois, se laissant pénétrer par le pays, sympathisant avec sa douce et pauvre population et le reste des Anglais nourrissant pour les Birmans qu’ils administrent, une sorte de mépris immense, quand ce n’est pas une haine irraisonnée. Un de ces indigènes, qui s’est glissé dans l’administration anglaise comme fonctionnaire subalterne, animé d’une ruse infernale, réussit à ruiner la vie de Flory et celle d’un médecin indigène naïf admirateur des Anglais. Une figure de jeune fille anglaise, elle aussi incapable de comprendre la population, et à la recherche d’un mari, introduit l’élément sentimental indispensable. Mais le vrai drame est dans cette incapacité des Anglais à s’intéresser aux indigènes qu’ils administrent. On regrette que ce roman n’ait pas beaucoup de mouvement mais on doit louer sa composition. Il est, sous le jeu un peu lent des personnages, une reconstitution excellente de cette colonisation sans sympathie qui est en train d’anéantir, un peu partout, l’effort séculaire de la race blanche à travers le monde.

Tragédie birmane, tout en restant un bon roman, est aussi un livre accusateur, sans emphase, sans parti pris et, par là, aussi courageux qu’honnête.

G. L.


(Nagel, édit.)