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Déclaration de Messali Hadj sur l’aggravation des événements en Algérie

Déclaration de Messali Hadj parue dans Le Libertaire, n° 437, 30 juin 1955 et La Vérité, n° 363, 1er juillet 1955

DEPUIS le 1er novembre 1954, la situation ne cesse de s’aggraver en Algérie. Au début on a essayé, par la répression et la terreur, d’étouffer la vérité et les cris d’un peuple qui veut vivre libre. Depuis, on ne cesse d’envoyer des troupes de toutes armes. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a cent mille soldats en Algérie.

Ces jours derniers, le Ministre de l’Intérieur a parcouru notre pays en déclarant que toute la France était engagée dans ces opérations militaires, tandis que le maréchal Juin, qui présidait le congrès des anciens combattants, annonçait la création d’un comité d’action pour prendre en main les affaires de l’Afrique du Nord.

D’autre part, la 2e division d’infanterie motorisée de Nancy a été envoyée en Algérie, tandis que le gouverneur général Soustelle est autorisé par le Conseil des Ministres à rappeler cinq demi-contingents pour renforcer cette guerre coloniale.

Enfin, il est question de diriger le plus rapidement possible vers l’Afrique du Nord le corps expéditionnaire du Sud Viêt-Nam.

Ces préparatifs militaires et ces envois de troupes d’une manière si accélérée démontrent la volonté du colonialisme français de préparer l’extermination du peuple algérien. C’est là non seulement une violation de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais aussi une violation de la Charte des Nations Unies et de la Constitution française elle-même.

Cette situation soulève également des complications internationales qui déjà se manifestent au sein du bloc occidental. En effet, le prélèvement de forces militaires effectué par le gouvernement français pour renforcer ces opérations militaires en Algérie a soulevé un mécontentement au sein de l’O.T.A.N.

Le général Gruenther s’est opposé à ces prélèvements, opposition qui a trouvé écho dans la presse anglo-américaine qui, à son tour, n’a pas manqué de désapprouver les décisions du gouvernement français. Les grands journaux qui traduisent généralement les préoccupations des milieux dirigeants anglo-américains laissent entendre que ces derniers désapprouvent les prélèvements de troupes de l’O.T.A.N. et cette guerre coloniale.

Nous prenons acte avec intérêt de l’attitude du Chef de l’O.T.A.N. Néanmoins, nous constatons avec un profond mécontentement que le prélèvement a eu lieu, étant donné que ces troupes sont déjà envoyées en Algérie.

Il se dégage de tout cela que l’O.T.A.N. qui a été créée pour « sauvegarder la liberté et la sécurité des peuples », participe à une guerre coloniale pour renforcer le colonialisme français.

Cette situation a soulevé une protestation générale du monde arabo-islamique et une profonde indignation du peuple algérien qui constate avec amertume que les promesses qui lui ont été faites sont non seulement demeurées vaines, mais encore se sont transformées en canons, tanks et dollars pour l’étouffer. Aussi nous élevons, au nom du peuple algérien et de l’humanité, une protestation véhémente contre de tels procédés que nous considérons comme un danger contre le peuple algérien et une menace à la paix et à la sécurité, conformément aux articles 33, 34 et 35 de la Charte des Nations Unies. C’est pourquoi nous demandons, au nom du peuple algérien, l’intervention du Conseil de Sécurité par un cessez-le-feu en vue d’entamer des négociations pour trouver une solution équitable au problème algérien.

Nous demandons à l’opinion internationale et au peuple français d’exiger avec nous le cessez-le-feu et l’ouverture d’un dialogue.

Fait le 15 juin 1955 à Angoulême.
MESSALI HADJ.