Article d’Abdelaziz Menouer alias El Djazaïri paru dans La Vie ouvrière, 24 septembre 1926

Treize ouvriers ont fait la grève de la faim dans l’ancien fort turc d’Alger, transformé par la IIIe République en horrible Bastille. Treize emprisonnés politiques, au mépris de leur santé et de leur vie ont eu recours au seul affreux moyen qui leur reste pour protester contre l’intolérable régime pénitencier que leur impose le gouvernement impérialiste français.
Plusieurs d’entre eux sont allés vers l’agonie sans que leurs cruels bourreaux s’en émurent. Les treize détenus, parmi les vingt-cinq français et indigènes jetés dans les oubliettes de Barberousse, qui ont pris cette détermination, sont : Ben Lekhal, Hammar, Arrighi, Lozeray, Biboulet, Aucouturier, Garau, Zanith, Cozala, Durbec, Mettefeu, Peythieu.
Et quelles sont les revendications pour lesquelles ils ont préféré souffrir, même s’ils devaient mourir ? Elles furent des plus légitimes. Ils demandaient :
1° La cessation des brutalités et des brimades dont sont victimes les détenus, la levée de la punition infligée le 11 septembre à Ben Lekhal et Hammar
2° Libération de Garau, Durbec et Hammar dont la peine est accomplie. Retrait de la circulaire illégale du procureur de la République qui les maintient en prison ;
3° Mise au régime politique de Ben Lekhal et Zanith et, en général, de tous les indigènes et Européens emprisonnés pour délit politique ;
4° Nomination d’une Commission d’enquête parlementaire afin d’exposer la situation des détenus de Barberousse et dénoncer le régime d’arbitraire et de brutalité qui règne dans cette prison.
Pour ces raisons, Hammar et Ben Lekhal le héros de Mayence, ont jeûné pendant dix jours, c’est pour ces mêmes raisons que huit autres communistes et trois anarchistes se sont solidarisés à eux. Ils ont cessé leur grève il y a deux jours, après que le gouvernement céda devant la colère des masses ouvrières. Ce n’est pas la première fois que les emprisonnés de Barberousse font la grève de la faim. Ils ne peuvent faire respecter aucune des conditions auxquelles ils ont droit sans employer ce geste tragique. Aujourd’hui, le colonialisme pousse la barbarie jusqu’à les fouetter par ses garde-chiourmes. C’en est assez ! Ils ne peuvent plus tolérer cela !
Il faut que le prolétariat français connaisse le régime de terreur qui sévit en Algérie, il est aussi odieux que celui de Pologne, de Bulgarie ou de Roumanie.
Il faut qu’il sache que plus de vingt-cinq révolutionnaires sont torturés dans ce nouveau Biribi politique.
Leur crime ?… Certains se sont élevés contre l’assassinat des ouvriers et paysans au Maroc et en Syrie. Certains ont collé un papillon ; d’autres ont flétri le meurtre et le vol colonialistes par leurs écrits ou par la parole. A tous on ne reproche que leur attitude de révolutionnaires honnêtes, car certains d’entre eux ont été écroués sans motif. On leur applique les peines maximum : 2 ans de prison. On les tient dans d’infects cachots, on les roue de coups et l’on est sûr que rien ne transpirerait en dehors des murs humides de la vieille forteresse des Janissaires, car le nouveau Dey, le tortionnaire Viollette règne en potentat. Tout fonctionne comme sous le féodalisme : Sauvagerie des chaouchs et des fonctionnaires, silence de la presse, censure, arbitraire gouvernemental.
Aujourd’hui, les exactions de ce régime abominable deviennent révoltantes. Le prolétariat y mettra un terme. Ce n’est pas seulement contre l’infâme Viollette qu’il mènera son action protestataire, mais c’est aussi contre le pouvoir central qui dicte la politique d’assassinat particulier au régime qu’il représente. Herriot, Painlevé, Poincaré se succèdent ; la terreur sévit. C’est parce qu’ils sont contre cet esclavagisme que de courageux militants sont incarcérés et ignoblement frappés. Mais c’est pour soutenir de tels héros et pour condamner de telles méthodes de violences que l’indignation ouvrière retentit de partout.
Des ordres du jour de protestation ont été votés par les syndicats et toutes les organisations anti-impérialistes. Le prolétariat a arraché des griffes du Bloc capitaliste les marins de la Mer Noire pour empêcher qu’on étrangle la Révolution russe ; il a fait libérer les emprisonnés de Mayence pour condamner l’ignoble aventure de la Ruhr ; il sauvera les emprisonnés d’Algérie pour montrer son hostilité envers la guerre du Maroc et de Syrie, que l’on veut poursuivre à tout prix en employant la terreur et le meurtre.
A bas le règne de la Trique !
Libérez les prisonniers de Barberousse!
El Djazaïri.

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