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Aidons les ouvriers immigrés

Article paru dans La Vérité, 27 juillet 1934 ; suivi de « Les travailleurs étrangers », La Vérité, 1er décembre 1934 ; « Chômeurs, immigrés, jeunes et la C.G.T. unique », La Vérité, 8 novembre 1935

Dans la lutte contre la guerre, il faut entraîner l’ensemble des exploités.

N’oublions pas ces plus de deux millions d’ouvriers immigrés que le patronat rapace, veut opposer aux prolétaires français, afin d’empêcher l’union des forces ouvrières !

En temps de paix, la presse bourgeoise, vendue aux trusts, excite contre les « métèques ». C’est aussi une forme de préparation à la prochaine boucherie.

Pendant la crise, les parfumeurs et les pétroliers disent aux ouvriers français : « Si vous êtes réduits au chômage, c’est la faute aux ouvriers étrangers ! » Les patrons et leurs valets oublient que s’il y a en France, des centaines de milliers d’ouvriers italiens, polonais, espagnols, etc., c’est parce que la bourgeoisie française le voulait bien. C’est le gouvernement français qui en étroit accord avec les dictatures sanglantes des Mussolini, Pilsudsky, Horthy, a fait venir cette masse d’ouvriers étrangers afin de « relever le pays », mais aussi afin de relever les bénéfices du gros capital.

C’est une évidence pour les ouvriers français conscients qu’en défendant les droits des ouvriers étrangers, ils défendent leur propre intérêt et leur propre niveau de vie.

Mais à la « prochaine dernière » que va-t-on faire de ces millions d’ouvriers étrangers ?

L’état-major, par l’intermédiaire de ses agences et aidé par les consulats alliés, tâchera de les embrigader dans les légions de « volontaires ». Pour la défense de la démocratie et du coffre-fort !

Mais la plupart devra produire des obus et des munitions pour le front et on les empêchera de rouspéter, sous la menace d’inculpation, par exemple d’espionnage. Voilà le plan des Weygand, des Schneider et des Pétain. Il n’est pas nouveau.

Mais le nôtre ? Plan de la contre-offensive prolétarienne. Union étroite avec les ouvriers italiens, polonais, qui ont maintes fois prouvé leur combattivité et leur dévouement à la classe !

Leur place est dans nos organisations de classe – politiques, syndicales et aussi dans notre lutte antimilitariste ! Et aidons aussi les militants révolutionnaires immigrés dans leur lutte contre la vermine réactionnaire pilsudskyste ou mussolinienne comme l’ont fait les ouvriers de Montigny-en-Gohelle, du Blanc-Mesnil et d’autres localités !


Tribune libre

Les travailleurs étrangers

Au lendemain de l’attentat fasciste de Marseille, s’est déclenché dans la presse pourrie une campagne terrible contre les ouvriers émigrés.

Nous, socialistes révolutionnaires de ce pays savons que les assassins ne se recrutent pas dans la classe ouvrière. Il est inutile d’insister en déclarant que nous sommes tous contre les attentats individuels que nous réprouvons. Le but de cette campagne de xénophobie qui est une arme terrible entre les mains du fascisme, est de dissocier les forces unies du prolétariat et d’atteindre, au travers des ouvriers étrangers, les travailleurs de ce pays.

Cette arme est à deux tranchants et a le triste avantage de tromper les masses, qui sont encore ignorantes des « combinaisons fascistes », pour dresser les ouvriers les uns contre les autres. Elle a encore un autre avantage, c’est de détourner l’opinion publique des véritables responsables des derniers assassinats. Pour nous, notre conviction est faite, et il n’y a aucune prise pour la démagogie fasciste qui est la même partout : Hitler mange du juif, De la Rocque mange du travailleur étranger.


Il est regrettable que, jusqu’à présent, aucun organe officiel du parti, n’est pris une position nette, franche sur cette question, en assumant devant l’opinion publique la défense de nos camarades étrangers. Et nous simples militants de base, n’allons-nous pas réagir et nous faire les complices de nos ennemis communs ? Je suis sûr qu’aucun de nous ne faillira à son devoir de solidarité ouvrière, car n’oublions pas que les matraques répressives ne font aucune distinction de nationalité et, qu’en face du fascisme de plus en plus arrogant, nous devons nous serrer les coudes pour le but final : la révolution universelle.

L. G.
19e section.


Chômeurs, immigrés, jeunes et la C.G.T. unique

Les fusions syndicales se poursuivent à la base. Au sommet les Commissions mixtes discutent des différends dus aux structures différentes des deux centrales syndicales. Des problèmes importants sont solutionnés ainsi par les Etats-Majors confédéraux et fédéraux. Aucun de ces problèmes n’est discuté par les syndiqués. Un accord se scelle dans les sommets et des ordres sont aussitôt transmis pour application à tous les étages des responsabilités syndicales. Quels sont ces problèmes ?

La place des chômeurs, des immigrés et des jeunes dans les organisations syndicales.

Pourquoi se posent-ils ?

La Révolution russe d’Octobre avait suscité un grand espoir au sein de la classe ouvrière mondiale. Ce courant révolutionnaire prenait un développement sans cesse grandissant. Le mouvement syndical français devait normalement en ressentir les effets, surtout après la trahison dans l’union sacrée avec la bourgeoisie française de la direction de la C.G.T., Jouhaux en tête.

Les travailleurs révolutionnaires s’organisèrent dans le mouvement syndical pour y développer une orientation syndicale de lutte de classes, face à la politique de collaboration de classes pratiquée par Jouhaux.

Le programme de lutte des syndicalistes révolutionnaires devait comprendre essentiellement les revendications des couches travailleuses les plus exploitées et la structure syndicale adaptée à leurs luttes revendicatives.

La C.G.T.U. est née de ce courant des forces révolutionnaires du mouvement syndical français. Elle se mit à la tête des luttes du prolétariat exploité contre le patronat. En son sein avaient place les chômeurs, les travailleurs immigrés et les jeunes.

La C.G.T., elle, ne permet pas à ces catégories de travailleurs de s’organiser pour leurs luttes. Pas de carte et de cotisations spéciales pour les chômeurs, pas d’organisme de défense de la main-d’œuvre immigrée, pas de cotisations adaptées aux salaires de famine des jeunes exploités. Les réformistes de la politique dite de présence ne veulent pas être gênés par la présence nombreuse de ces catégories misérables de travailleurs. Ils préfèrent les antichambres ministérielles.

Ce sont ces problèmes d’organisation et de lutte que règlent les Commissions mixtes : unitaires-confédérés.

Leur importance décisive pour la lutte contre la démagogie fasciste, contre le patronat coalisé, ne peut échapper aux militants syndicaux.

Dans quel sens l’accord des sommets syndicaux se réalise-t-il ?

Pour les chômeurs, la direction de la C.G.T.U. accepte les statuts de la C.G.T … Pas de carte chômeurs, pas de timbres chômeurs. Adoption du système fédéraliste : les Fédérations sont libres d’accepter ou de rejeter les chômeurs en dehors de l’organisation syndicale ; elles sont « autonomes » et fixeront elles-mêmes les modalités d’organisation pour les chômeurs. Première capitulation de la direction staliniste de la C.G.T.U.

Des instructions sont données pour les fusions. Elles marquent le triomphe des conceptions réformistes de la bureaucratie confédérée.

Les travailleurs « étrangers » sont traités également en « parents pauvres ». La xénophobie recueille de puissants appuis auprès des permanents confédéraux. La main-d’œuvre immigrée est délaissée. La C.G.T.U. n’en parle plus, elle évite de confier des tâches responsables à des travailleurs étrangers. La C.G.T. facilite la tâche du gouvernement dans son programme d’expulsions du « territoire ». Deuxième capitulation staliniste. Deuxième triomphe de Jouhaux et de sa politique nationaliste.

Les jeunes travailleurs, eux, sont véritablement abandonnés. Dans la C.G.T. unique, aucune cotisation spéciale n’existera pour les jeunes, les dirigeants réformistes ne permettent pas l’organisation de Jeunesses syndicalistes, leurs revendications particulières ne seront pas établies par les jeunes eux-mêmes. Là encore, la direction de la C.G.T.U. capitule …

Sur toutes les questions de structure syndicale, les bureaucrates de la C.G.T. imposent leurs volontés. Les stalinistes se font « tirer l’oreille » pour finalement accepter, sans porter les différents devant la base.

Ainsi ces questions d’organisation révèlent exactement l’orientation de la C.G.T. unique de demain. Celle de la politique de collaboration qui reçoit l’adhésion organisationnelle et politique des dirigeants stalinistes.

Les directions réformiste et staliniste unies engagent le mouvement syndical sur la voie de la passivité, de la capitulation progressive, finalement de la défaite pour la classe ouvrière.

Les travailleurs révolutionnaires ont d’immenses responsabilités, c’est à eux qu’incombe la lourde tâche d’entraîner leurs syndicats sur le terrain de la lutte de classes. Ils ne doivent pas faillir à leur devoir de révolutionnaires.

Les syndicalistes révolutionnaires qui constituent l’avant-garde doivent, par l’unité syndicale, se lier plus étroitement à la classe ouvrière pour l’éduquer et l’entraîner dans la lutte révolutionnaire contre le patronat, la bourgeoisie et les bandes fascistes armées pour la défense de leurs privilèges de classe.

Tout de suite à l’œuvre, en commençant par la lutte pour faciliter l’organisation dans les syndicats, des chômeurs, des travailleurs immigrés et de la jeunesse exploitée, véritable proie du fascisme si l’organisation syndicale s’avère incapable de la défendre et de la mener à la victoire sur la bourgeoisie.

Il faut que la C.G.T. unique soit à la tête des luttes des travailleurs les plus exploités.

« L’Unité syndicale provoque de l’enthousiasme dans les masses syndiquées ; par l’inaction, elle risque de passer inaperçue pour la grande majorité des travailleurs non syndiqués », écrivions-nous dans notre précédent numéro.

C’est aux militants syndicalistes révolutionnaires d’éviter ce danger !