Article paru dans El-Oumami, n° 20, décembre 1981.
Le 28 octobre, une centaine de femmes ont manifesté devant le siège de l’APN à Alger contre le projet de statut personnel, nouvelle mouture du code de la famille moyenâgeux que la bourgeoisie, surtout à travers ses portes-paroles traditionalistes, cherche à imposer pour sanctionner l’oppression et les discriminations qui frappent les femmes en Algérie à tous les niveaux.
La mobilisation des femmes contre le projet de statut personnel s’est intensifié depuis. Le 14 novembre, les postières et les infirmières ont également manifesté pour la même raison. Le 16 novembre, à l’appel du Collectif des femmes d’Alger, une autre manifestation a eu lieu, regroupant environ 400 personnes. Même l’UNJA qui a eu peur d’être une fois de plus disqualifiée, n’a pas pu garder le silence et a cru nécessaire de prendre le train en marche en faisant semblant d’organiser une manifestation, à l’appel de sa Commission Nationale Etudiante (CNE).
Les communistes révolutionnaires soutiennent toute mobilisation réelle contre l’oppression particulière qui touche les femmes et notamment contre le statut personnel.
Les communistes ont un rôle fondamental à jouer en montrant aux travailleurs qu’il est de l’intérêt de l’ensemble de la classe ouvrière et des masses populaires de lutter contre les discriminations qui les divisent, les affaiblissent et par là font le jeu de la bourgeoisie. La lutte pour l’égalité totale des droits des femmes doit concerner tous les travailleurs!
Dans le mouvement des femmes à l’étape actuelle, les militantes qui cherchent à se battre sur le terrain de la lutte de classes doivent avancer des revendications et des méthodes qui, tout en améliorant effectivement la condition des femmes en Algérie, servent à faire la jonction avec les luttes de la classe ouvrière indépendamment de la bureaucratie syndicale à la botte de l’Etat bourgeois. C’est seulement par l’unification des luttes du prolétariat par delà toutes les divisions de catégories, de régions, d’âge et de sexe, sur le terrain de classe, que se forgera la force sociale et politique capable d’en finir un jour avec la société bourgeoisie faite de misère et d’oppression et d’instaurer une société débarrassée de toutes les sortes d’injustices et de discriminations.
L’UNFA ET LE PAGS CONTRE LES FEMMES
En juillet 1980, l’UNFA participait à la « Conférence mondiale de la Décennie des Nations-Unies pour la femme » (Copenhague), et elle déclarait :
_Il n’existe pas d’obstacles juridiques graves à la promotion de la femme,
_Il y a complète égalité entre la femme célibataire et l’homme célibataire,
_les droits sont appliqués à l’ensemble des travailleurs sans aucune distinction.
Et de se noyer dans les chiffres pour tenter de le prouver. Bref, tout irait pour le mieux dans le meilleurs des mondes. Ou à peur près puisque l’UNFA consent à reconnaitre « la persistance de certains comportements féodalistes ». Mais, ajoute-t-elle aussitôt, la participation de la femme « est sollicitée à tous les niveaux du discours officiel ». Côté « comportements féodalistes », il y a en effet la bagatelle de centaines de femmes vitriolées, violées ou battues parce qu’elles tiennent à circuler, travailler ou étudier comme elles l’entendent. Côté discours, il y a , par exemple, Mouloud Kassem qui, en 1970 (Séminaire Islamique de Constantine) glapissait : « Nous trouvons en nous-mêmes des renégats qui demandent ce qu’ils appellent l’émancipation de la femme afin qu’elle épouse ou fréquente qui bon lui semble, qu’elle voyage quand et où elle le désire, qu’elle revienne quand bon lui semble ou qu’elle ne revienne plus! ». Ou encore la désormais célèbre tirade de Yahiaoui (Septembre 1970) sur les préoccupations « bourgeoises » des Algériennes (égalité des salaires, égalité des droits). Ou enfin, après le mouvement de protestation des femmes en février dernier, les « reproches » de la charmante Baya El Hachemi (député) : « On ne leur apprend pas à accepter et aimer leur condition de femmes, qu’elles doivent chaque jour remercier la nature de les avoir faites ainsi… » (sans doute, remercie-t-elle chaque jour Dieu de lui avoir donné voiture, chauffeur, villa et vacances à Cannes…). Il faut faire comprendre à la femme, continue-t-elle, qu’elle dépendra toujours d’un père, d’un frère et ensuite d’un mari » (déclaration à Algérie-Actualité du 5/3/81).
Nous en avons vite fini avec le « discours officiel » et avec… le crétinisme de l’UNFA. Le PAGS, pas encore. Le 15 mars, il nous proposait (Saut-El-Chaâb), de « surmonter les faiblesses persistantes de (…) l’UNFA dont les forces droitières continuent de s’acharner sur les noyaux et secteurs dynamiques et progressistes ». Bon. Supposons. Mais savez-vous comment le PAGS conçoit le rôle de ces « noyaux dynamiques »? Ecoutez ce qu’il nous dit dans un tract du 26 avril : « Les mouvements de protestation des masses (…) s’étendent avec une tendance de plus en plus grande à s’exprimer de façon spontanée et explosive » SAUF « dans les cas où les organisations progressistes liées aux masses parviennent à faire peser de tous leurs poids des solutions positives (exemples : nouvelles élections et levées des suspensions anti-démocratiques ». On en resterait muet. Quoi? Aujourd’hui, tous ceux et celles qui en ont ras-le-bol du pseudo-socialisme posent leurs problèmes dans les rues et il faudrait les ramener bien gentiment du côté des urnes dans une parodie de dialogue auquel même le pouvoir refuse de se prêter (ne vient-il pas de menacer d’ « épurer » ces organisations).
Mais heureusement que dans le mouvement des femmes aujourd’hui, elles ne sont pas rares les militantes qui voient d’un mauvais oeil les pratiques qui consistent à vouloir ramener le mouvement dans les bras des Pagsistes et des secteurs progressistes des organisations de masses sous prétexte d’être plus fortes. La réticence exprimée par ces militantes contre une soi-disant mobilisation unitaire est légitime. Car aucune alliance n’est possible avec celles et ceux qui veulent prêcher la patience, la sauvegarde des acquis de la femme et qui n’ont jamais hésité à demander un Code de la famille conforme aux valeurs islamiques.
Ce que dit en substance le projet de « statut personnel »
_le divorce : le mari peut le demander sans être tenu d’avoir un « motif ». La femme doit prouver la « non-consommation » du mariage depuis une longue période (!) ou encore doit faire la preuve qu’elle subit des sévices graves (arriver mutilée au Tribunal par exemple…)
_le travail : l’autorisation du mari reste nécessaire.
_la tutelle : le père l’exerce sur ses enfants (sur la fille jusqu’au mariage).
_la garde des enfants en cas de divorce : la mère doit accepter de vivre à proximité du domicile de son ex-mari si elle veut s’occuper de ses enfants (mais toutes les démarches administratives, les inscriptions… etc… doivent avoir l’accord du père puisqu’il garde le droit de tutelle).
_répudiation et polygamie sont maintenues (le non-allaitement des enfants peut justifier la répudiation).