Extrait d’Abdelkader Chaker, La jeunesse algérienne en France. Éléments d’étude de l’émigration familiale, Alger, SNED, 1977, p. 192.
L’option de l’Algérie en faveur du parti unique a condamné à l’exil tous les partis d’opposition qui, à l’exception du Mouvement National Algérien (MNA), émanent du FLN historique. Ces mouvements d’opposition tentent de trouver une audience au sein de l’immigration algérienne, mais il faut bien admettre qu’ils n’y parviennent guère. Habitués à mener une action unitaire pendant la guerre de libération, les Algériens souhaitent qu’il continue à en être de même à présent que l’Algérie est indépendante. D’autre part, venus en France pour faire vivre leur famille, ils ne souhaitent pas devenir des réfugiés politiques pour des objectifs sur lesquels ils ne sont pas toujours d’accord.
Parmi les jeunes migrants, il n’est pas une seule personne qui se soit déclarée, au cours de l’enquête membre d’un mouvement d’opposition. Nous sommes convaincus, pourtant, qu’il en existe au sein même de notre échantillonnage, mais en nombre infime. Certaines réponses et certains silences devant des questions à caractère politique concernant l’Algérie, nous confirment dans cette idée. L’intérêt que des jeunes Algériens sont susceptibles de manifester aux divers mouvements nationaux d’opposition peut s’expliquer en partie par l’influence de la société autochtone, qui propose d’autres « modèles » de vie politique. Mais l’esprit de contradiction dont ils font preuve se fonde avant tout sur les préoccupations qu’ils éprouvent à l’égard de la situation économique et politique de l’Algérie. Cette opposition est le plus souvent verbale et n’empêche pas ceux qui la pratiquent de séjourner régulièrement en Algérie et d’envisager un retour définitif.
Par contre, il arrive que des Algériens, en particulier des intellectuels, désireux de vivre au sein de la société française, donnent a posteriori une justification politique à cette option, afin de prolonger indéfiniment leur séjour.
Néanmoins, l’application de la révolution agraire et l’approfondissement des options socialistes ont incité la plupart des opposants de gauche à réintégrer individuellement l’Algérie pour contribuer à la défense des acquis de la Révolution.