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Conférence de presse sur les incidents sanglants du 14 Juillet 1953

Texte de la conférence de presse du MTLD à Paris, le 29 juillet 1953.

Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques en Algérie (M. T. L. D.)

Conférence de presse sur les incidents sanglants du 14 Juillet 1953 et le problème de l’émigration algérienne en France

Paris, le 29 juillet 1953

Mesdames, messieurs,

Le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques en Algérie (M.T.L.D.) a organisé cette conférence de presse dans le but de faire entendre la voix des Algériens sur les incidents sanglants qui se sont produits le 14 juillet, place de la Nation, au cours desquels sept manifestants dont six Algériens, ont été tués, alors que plus d’une centaine d’autres étaient sérieusement blessés, ce qui nécessita l’hospitalisation d’une cinquantaine d’entre eux. Le fait que les morts et les blessés du 14 juillet ont amené le gouvernement et la grande presse à proposer leurs « solutions » au problème de l’émigration algérienne en France nous fait un devoir de dire ce que les intéressés pensent de la question.

Nous espérons que vous nous aiderez à rétablir un certain nombre de faits qui ont été déformés par le gouvernement et certains journaux, et à clarifier une situation que nos adversaires politiques veulent rendre confuse par des mensonges et des inexactitudes sur notre contenu politique et idéologique, ce qui leur permettrait de poursuivre leur politique de répression à l’égard des Algériens résidant en France.

Nus disposons de faibles moyens d’expression et nous comptons beaucoup sur l’aide des démocrates de ce pays qui, en nous permettant d’informer l’opinion publique française sur le crime du 14 juillet et de lui expliquer ce que nous sommes et ce que nous voulons, contribueront au rapprochement de nos deux peuples pour lequel nous luttons depuis la naissance de notre parti.

LE M.T.L.D. ET LA MANIFESTATION DU 14 JUILLET

Notre organisation a des sections dans toute la France, et l’ensemble de ces sections constitue la fédération de France. La présence de cinq cent mille Algériens émigrés en France, qui sont dans leur grande majorité attachés à l’idéal que nous représentons, nous impose la définition d’une politique destinée à leur faire jouer le rôle qui leur revient dans la lutte du Mouvement national algérien. Cette politique n’a pas changé depuis le 11 mars 1937, date à laquelle un groupe d’émigrés réunis autour de Messali Hadj, à Nanterre, jeta les bases de la lutte organisée du peuple algérien contre la domination colonialiste.

La tâche essentielle que nous fixons à notre fédération de France est celle d’un travail d’explication de nos aspirations et de dénonciation de la politique colonialiste au sein des masses françaises. Nous estimons que le peuple de France – que nous ne confondons pas avec les gouvernants qui nous poursuivent de leur haine et de leur répression – se rangera à nos côtés lorsqu’il sera informé de la politique menée en son nom à notre égard. Nous estimons aussi que les Algériens résidant en France constituent une force démocratique qui a un rôle à jouer dans la lutte des démocrates français contre les forces de la réaction, lutte qui rejoint celle que nous menons contre le colonialisme. C’est ce qui qui a été caractérisé dans une résolution votée le 13 juin dernier, lors de « l’Assemblée pour le retour de Messali Hadj et la libération des détenus politiques algériens », par l’expression : « Un dialogue à l’échelle de deux peuples. »

Pour atteindre ce but, l’émigration algérienne doit utiliser toutes les possibilités légales qui lui sont offertes de s’adresser aux masses françaises, et elle doit également saisir toutes les occasions de concrétiser la solidarité qui doit unir les démocrates de France et ceux d’Algérie. C’est pour cela que nous avons participé à des manifestations organisées avec des formations et personnalités politiques françaises d’opinions les plus opposées. Il nous arrive de nous trouver aux côtés de communistes tout comme il nous arrive de nous trouver aux côtés d’adversaires des communistes. La seule condition qui est mise par nous à notre participation à des manifestations politiques françaises est que leurs objectifs ne soient pas en contradiction avec les nôtres.

Nous participons au défilé traditionnel du 14 juillet, de la Bastille à la Nation, depuis plusieurs années. Nous y participons parce que les mots d’ordre centraux arrêtés par le comité d’organisation ne sont pas en contradiction avec les nôtres.

C’est le M.T.L.D. et les Algériens de la région parisienne qui exigent que nos compatriotes soient en groupe distinct. Il y a à cela deux raisons principales qui conditionnent notre participation au défilé. Premièrement, nous voulons nous différencier d’autres organisations participantes sur des problèmes fondamentaux ayant trait à nos conceptions idéologiques, doctrinales et politiques. Deuxièmement, nous voulons donner plus de poids à nos revendications particulières. L’expérience de ces dernières années nous a démontré l’efficacité de notre position qui nous a permis un travail fructueux d’explication de notre contenu politique et nous a attiré une grande sympathie de la part de la population parisienne et progressiste, et être informée de la répression policière, judiciaire et économique qui sévit dans notre pays.

Nos mots d’ordre arrêtés par nous, dans le cadre défini par le comité d’organisation de la manifestation, étaient consacrés, cette année, à la défense des libertés démocratiques en Afrique du Nord et en France. Ils réclamaient principalement la libération de Messali Hadj et des détenus politiques algériens, la libération de Bourguiba, des emprisonnés politiques tunisiens et marocains ainsi que le châtiment des assassins de Ferhat Hached. D’autres mots d’ordre étaient consacrés à la lutte contre la répression colonialiste et raciste. Conformément à une décision du comité d’organisation, il n’y avait aucune banderole d’organisation ni aucun emblème.

LA PROVOCATION POLICIÈRE

La manifestation avait été autorisée par le préfet de police, et notification de l’autorisation avait été faite au comité d’organisation. Cette autorisation comprenait un certains nombre de conditions concernant l’organisation du défilé, le rassemblement, le parcours et la circulation. Toutes les prescriptions de la police ont été rigoureusement respectées.

Le groupe des manifestants algériens, imposant par le nombre, était encadré par un service d’ordre impeccable et dont les membres portaient un brassard vert distinctif. Tant pendant le rassemblement que pendant le parcours, notre groupe a été un exemple d’ordre et de discipline, et son passage était salué par les applaudissements chaleureux des milliers de Parisiens massés sur les trottoirs. Le mot d’ordre essentiel repris par les manifestants, et que certains ont qualifié de « cri séditieux » était : « Libérez Messali ! »

Lorsque les premiers manifestants algériens, après avoir été salués au passage par une tribune debout, arrivèrent place de la Nation à la hauteur du cours de Vincennes, les responsables de notre service d’ordre donnèrent l’ordre de dispersion. Les manifestants se mirent alors à enrouler leurs banderoles et à plier leurs pancartes. C’est alors que surgit un important groupe de policiers, environ une centaine, dirigé par un commissaire en uniforme. Sans la moindre explication, les policiers se mirent à bousculer les manifestants qui reculèrent aussitôt. Les policiers se jetèrent alors sur eux en usant de la matraque et de la pèlerine, et pendant que leurs coups pleuvaient sur nos compatriotes un groupe de policiers s’en prit au portrait de Messali Hadj, dont les manifestants s’apprêtaient a démonter les supports. Il s’ensuivit une petite bousculade et l’on vit alors les policiers se regrouper brusquement sur un ordre, sortir leurs armes et se mettre à tirer sur les Algériens. La police ouvrit le feu sans sommation et à un moment où aucun policier n’était blessé ou menacé de l’être. Ce n’est que lorsque le sang des manifestants eut coulé et que l’on ramassait les premiers Algériens tués et blessés que les échauffourées commencèrent. Pour se défendre, les Algériens se saisirent alors des montants de leurs banderoles et certains utilisèrent des morceaux de barrière de bois.

La démonstration de la provocation policière, dont nous venons d’établir le mécanisme, devient éclatante quand on sait que les tués et les blessés les plus graves l’ont été par les balles de la police et se trouvent du côté des manifestants. A aucun moment il n’y a eu, du côté des Algériens, utilisation d’armes à feu ou à lame. Le gouvernement a été très vague sur les blessures occasionnées aux policiers, car elles sont dues, le plus souvent, à de simples coups de montant de banderole utilisé par les manifestants pour se défendre.

Les débats sur l’inscription des interpellations sur les incidents, qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, ont été marqués par les déclarations embarrassées du ministre de l’Intérieur. Celui-ci plaidait manifestement pour une police coupable. Il ne s’est trouvé aucun orateur pour prétendre que les Algériens portaient la responsabilité des incidents. La présence de milliers de témoins oculaires, la forme brutale et sauvage de la provocation policière se sont. traduites par des récits imprécis et vagues d’une certaine presse qui s’était auparavant distinguée par ses appels à la répression contre les Algériens.

LES BUTS DE LA PROVOCATION POLICIÈRE

Les buts recherchés par ceux qui portent la responsabilité de la fusillade de la place de la Nation sont rapidement apparus dans le discours du ministre de l’Intérieur et les commentaires de la presse colonialiste.

Premièrement, la provocation du 14 juillet s’inscrit dans le cadre de la répression colonialiste qui s’abat sur le Mouvement national algérien. Le but de cette répression est de priver notre organisation et les organisations démocratiques algériennes de tout moyen d’expression. Le truquage des élections qui vise à priver le peuple algérien d’une représentation nationale, les saisies de notre journal et les interdictions de nos réunions et manifestations s’inscrivent dans ce cadre. De même la déportation du fondateur du Mouvement national algérien, Messali Hadj, les poursuites engagées contre nos dirigeants nationaux et nos militants, en vertu de l’odieux article 80, visent à empêcher un fonctionnement normal du M.T.L.D. Cette répression colonialiste nous poursuit également en France où elle revêt les mêmes formes et se distingue depuis le 23 mai 1951, par les fusillades contre des Algériens désarmés et manifestant pacifiquement. C’est ainsi que dans l’espace de quatorze mois, lors de manifestations organisées par le M.T.L.D. à Montbéliard, au Havre, à Charleville et à Paris, neuf Algériens ont été tués par la police. Le gouvernement, qui veut étouffer notre voix, ne recule devant aucun moyen.

Deuxièmement, le gouvernement veut isoler les Algériens du mouvement démocratique français. Il sait que les Algériens résidant en France constituent une force essentiellement démocratique, et il est effrayé de les voir se ranger mes côtés des démocrates français qui exigent le respect des libertés démocratiques et des ouvriers français qui luttent pour l’amélioration de leur sort. Le gouvernement veut couper les Algériens de leurs alliés naturels : les Français attachés à la démocratie et qui luttent pour qu’elle soit respectée en France et instaurée dans les pays colonisés. Pour cela, il lui faut empêcher les Algériens de s’adresser aux démocrates de ce pays. Pour cela également, il n’hésite pas à distiller un racisme abject et à couvrir de son autorité des campagnes de haine.

Mais le 14 juillet, le gouvernement n’a pas atteint son but. La provocation policière était tellement apparente que la protestation des démocrates français a été d’une ampleur sans précédent et qu’elle s’est transformée en un mouvement de solidarité à l’égard des Algériens, mouvement auquel se sont joints des groupements et des personnalités avec lesquels nous avons de profonds désaccords sur le plan politique. C’est la protestation des démocrates et leur solidarité qui ont arraché le respect des corps des victimes par le gouvernement et permis aux Français et aux Algériens de la région parisienne de rendre un solennel hommage aux sept martyrs tombés, le 14 juillet, pour avoir défendu la liberté.

La provocation du 14 juillet avait également pour but de permettre au gouvernement de « faire passer » des mesures policières, dont la plus grave est contenue dans la menace lancée à notre encontre, au nom du gouvernement, par le ministre de l’Intérieur. Le gouvernement est passé aux actes. La brigade nord-africaine est ressuscitée sous un autre vocable et se distingue déjà par des rafles racistes et brutales. Par cette mesure raciste, le gouvernement confirme son peu de respect pour sa propre thèse, thèse colonialiste que nous combattons, de « l’Algérie département français ». Nous sommes heureux de constater que beaucoup de Français ont réalisé la menace que fait peser sur leur tête le peu de respect qu’a le gouvernement de sa propre loi quand il s’agit des Algériens.

Nous devons réagir. Il s’agit de défendre non seulement les libertés des Algériens, mais également celles des Français. Il faut que les responsables de la fusillade du 14 juillet soient châtiés et il faut que les familles des victimes soient indemnisées. Il faut également faire respecter la liberté d’association, d’expression et de manifestation pour les Algériens en Algérie comme en France. Cela est possible si les démocrates français et algériens unissent leurs actions pour le respect des libertés démocratiques.

POURQUOI LES ALGÉRIENS ÉMIGRENT EN FRANCE

Les sept morts de la place de la Nation ont amené le gouvernement et certaine presse à poser le problème de l’émigration algérienne en France. A côté d’attitudes racistes et de larmes hypocrites, on distingue une tentative d’orienter l’opinion publique française vers un climat raciste et policier. Le ministre de l’Intérieur déclare voir en nous des frères et, pour le prouver, il mobilise sa police contre nous. Il parle de crédits à trouver pour nous venir en aide, et les premiers sont utilisés pour la mise en place de la brigade nord-africaine.

Nous n’avons pas l’intention de transformer notre conférence de presse en un cours sur le mouvement migratoire qui amène les Algériens en France. Nous voulons dire simplement, qu’il y a du côté du gouvernement une volonté d’escamoter le fond du problème qui est, avant tout, essentiellement politique.

Pourquoi les Algériens émigrent-ils en France ? Quelles sont les causes de cette émigration de la faim ?

Cinq cent mille Algériens ont émigré en France parce qu’un régime colonialiste exploiteur et oppresseur les affame après les avoir expropriés de plus de deux millions d’hectares des terres les plus fertiles ; parce qu’une économie coloniale, basée sur la surexploitation, maintient en permanence plus d’un million et demi d’Algériens en chômage latent, et ceci sans aucune législation de protection des chômeurs ; parce que la richesse des colons trouve sa source dans une politique de bas salaire, de pure exploitation de l’homme par l’homme ; parce qu’une répression économique s’ajoute à la répression politique et aggrave notre misère d’exploités.

La solution du problème de l’émigration algérienne réside, avant tout, dans les causes profondes du mouvement migratoire. Il faut faire produire à l’Algérie tout ce qu’elle peut et doit produire pour nourrir tous ses enfants, sans distinction de race ni de religion. Il faut assurer à tous les Algériens en Algérie des conditions de vie décente à l’abri du besoin, de la haine raciste et de la terreur colonialiste. Pour cela, il faut extirper tout germe d’oppression et d’exploitation en Algérie et y ventiler une économie nationale ; il faut libérer l’Algérie de toute contrainte impérialiste.

LA SITUATION DES ALGÉRIENS EN FRANCE ET LEURS REVENDICATIONS IMMÉDIATES

‘l’eus les recensements établis par des services officiels et des organismes privés aboutissent à des données statistiques dont les auteurs s’accordent à dire qu’elles sont loin de là réalité et qu’elles ne constituent que de simples ordres de grandeur.

Deux Algériens sur cinq au moins sont au chômage ; un seizième du nombre des chômeurs est inscrit dans les bureaux de main-d’œuvre et la plupart ne sont pas secourus. Le racisme qui préside à l’embauche est la cause principale de cet état de choses. Ceux qui travaillent sont, en général, destinés automatiquement aux tâches de manœuvre et utilisés pour les travaux les plus durs : fonderie, tannerie, produits chimiques, etc. Ils constituent en France un prolétariat surexploité.

Les Algériens résidant en France sont logés dans des conditions épouvantables, et les « bidonvilles » leur sont destinés quand ce ne sont pas les quais et les bouches de métro.

Malgré leurs conditions de vie qui sont des facteurs qui provoquent la criminalité, la « criminalité » des Algériens, quand elle est établie honnêtement sur la base de chiffres sérieux, est bénigne. C’est ainsi qu’un savant attaché au Musée de l’Homme, M. P.-B. Laffont, a pu établir que « sur un total de 130.000 Nord-Africains dans la région parisienne, on a eu, en 1950, 2.579 envois au dépôt ; or, pendant la même année, les statistiques du ministère de l’Intérieur chiffrent à 300.000 la délinquance juvénile française ». Le même auteur ajoute qu’en quatre ans on a compté à peine 69 accusations de Nord-Africains pour assassinat ou tentative d’assassinat.

Il est facile de découvrir les buts inavoués de ceux qui dirigent les campagnes de presse sur une prétendue criminalité nord-africaine. C’est l’occasion, pour eux, de demander des mesures d’exception (rétablissement d’une police spéciale, réglementation de l’émigration, etc.), et on devine alors l’origine gouvernementale de ces campagnes de haine raciste.

Le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques en Algérie (M.T.L.D.) soutient les revendications immédiates des travailleurs algériens. Ces revendications ont été arrêtées par les travailleurs eux-mêmes. On les retrouve dans tous les cahiers de revendications. Ces revendications sont les suivantes :

A travail égal, salaire égal, avec classification réelle et complète au même titre que les Français.

Formation professionnelle accélérée pour leur permettre d’acquérir une spécialisation répondant à leurs capacités.

Conditions de logement convenables, construction de centres d’accueil et d’hébergement par les patrons et les pouvoirs publics.

Paiement des allocations familiales directement aux familles en Algérie et au même taux qu’en France.

Maintien des allocations familiales aux allocataires inscrits au chômage.

Congés payés avec possibilité de rester un mois en dehors de l’entreprise et possibilité de cumul des congés sur deux ans avec garantie de l’emploi au retour. Réduction de 30 % pour le voyage aller-retour en Algérie.

Ces revendications formulées par les travailleurs algériens sont étroitement liées à celles de la classe ouvrière française. Les revendications particulières des Algériens ont besoin du soutien des ouvriers français, et ce soutien existe. La lutte du travailleur français et du travailleur algérien émigré pour l’amélioration de leur sort est une. C’est pourquoi les Algériens soutiennent toutes les actions pour des revendications professionnelles engagées par leurs camarades français qu’ils côtoient à l’usine, à la mine ou au chantier.

Le patronat entretient une masse de chômeurs qui, selon lui doit constituer des briseurs de grève lors des grandes actions ouvrières. Loin de jouer les briseurs de grève ou d’être une menace permanente sur les mouvements revendicatifs, les travailleurs algériens ont toujours agi dans le sens de la solidarité prolétarienne.

CONCLUSION

Depuis le 14 juillet, nous avons assisté à des campagnes racistes dirigées contre les Algériens résidant en France. Les manifestations platoniques et les témoignages larmoyants sur le sort de nos compatriotes s’accompagnent de mesures d’exception. Le problème est ramené à une solution policière. Le racisme devient officiel. La main-d’œuvre algérienne devient une « main-d’œuvre spéciale » et on organise des « services spéciaux ». Le but de ces mesures d’exception est de renforcer une répression politique que l’on essaye de dissimuler sous de prétendus « remèdes sociaux ». La répression permanente et les persécutions quotidiennes à l’encontre des Algériens se renforcent, et les méthodes policières d’Algérie sont maintenant appliquées en France.

Le gouvernement veut briser le mouvement national algérien et son organisation d’avant-garde, le M.T.L.D., qui est l’organisation démocratique algérienne la plus représentative et l’expression d’un nationalisme démocratique, progressiste et social. Ce que l’on reproche aux Algériens, ce que six d’entre eux ont payé de leur vie, place de la Nation, c’est leur attachement à l’idéal national et la confiance qu’ils ont mise dans le parti de Messali Hadj.

En agissant contre nous, le gouvernement porte également des coups au mouvement démocratique français. L’une des banderoles que portaient ceux qui ont été les victimes de la fusillade du 14 juillet proclamait : « Peuple de France, en défendant nos libertés, tu défends les tiennes. »

Le sacrifice des sept manifestants tombés place de la Nation, le sang mêlé du travailleur français et des six travailleurs algériens n’ont pas été consentis et versés en vain parce qu’ils sont un exemple et un enseignement. Le souvenir de nos sept frères tombés sous les balles de la police éclaire la voie que nous avons choisie : celle de la solidarité des démocrates de nos deux pays et de l’amitié de nos deux peuples.

Au nom de notre peuple, au nom de nos frères tombés sur une place dont le nom symbolise leur idéal, nous nous adressons à tous les démocrates de ce pays, à ses intellectuels honnêtes et à sa classe ouvrière pour qu’ils unissent leur action à la nôtre pour exiger le châtiment des responsables de la mort des sept manifestants tués par les balles de la police. Nous leur demandons d’unir leur action à la nôtre pour faire respecter, en France comme en Algérie, les libertés démocratiques ; pour arracher la libération de Messali Hadj et des détenus politiques algériens ; pour faire cesser les poursuites engagées contre nos dirigeants nationaux.

Nous sommes certains que le 14 juillet 1953 où le gouvernement, en faisant couler du sang a voulu semer la division et la haine raciste, contribuera à resserrer les liens de fraternité et de solidarité démocratiques qui nous unissent dans notre protestation commune contre la provocation policière de la place de la Nation.

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