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Le racisme et les émigrés

Texte paru dans Tout !, n° 12, 23 avril 1971, p. 4


A la sortie de Flins, un ouvrier arabe nous a donné cette lettre pour qu’elle soit sortie en tract à l’usine et publiée dans « Tout ».

Il nous permet de vous appeler pour la première fois, en criant de toutes nos forces après une patience qui ne nous a coûté que des insultes honteuses et qui nous a étouffé et nous tenons à vous faire savoir, camarades et tous ceux qui luttent contre les idées racistes et le racisme en entier, contre l’esclavage dirigé et commandé par les patrons et leurs chefs qui sont des flics en personne, que l’honneur, la dignité, le respect des immigrés sont gravement touchés, ils n’ont plus de valeur chez ces messieurs et ça, on le savait depuis bien longtemps ; ce qui est plus pire encore et nouveau, c’est qu’il vient de naître un encouragement de ces responsables à chaque ordure ou garce qui nous insulte ou qui nous traite de sale race ou bougnoule, ou qui nous envoient leurs sales empoisonnements, c’est dans ces ateliers où les chefs dominent avec tous leurs moyens dégueulasses que se passent ces sévices horribles et dégoûtants en particulier à Flins CKD où on vous traite de connard de la saleté de votre race, pourquoi ?

Si parce que vous avez souri à une putain en retraite, ou parce que vous l’avez bousculée à côté de l’appareil du café parce que vous ne l’avez pas vue, et en conséquence elle vous adresse des insultes où elle vous traite de saleté ou de lâche en vous brisant le cœur. Pourquoi ?

Parce que vous êtes un africain (algérien ou marocain) et quand vous portez plainte chez un des responsables au bureau, il vous dit : « Ne me fais pas un cinéma, allez, au travail, je ne veux rien savoir ». Il vous dit ça parce que vous n’êtes pour lui qu’un étranger, qu’un sale type, on n’est pour ces bouchers que des chiffons avec lesquels ils essuient leurs mains trempées dans notre propre sang et notre sueur. Ils ne se réjouissent que quand leurs mouchards ou vipères à lunettes nous crachent sur la gueule. Et sachez, frères et camarades que nous avons perdu tout ce qu’un homme libre peut aimer :

La liberté, l’honneur… la dignité, ces droits sont avant tout le capital d’un être humain libre qui ne demande rien que de vivre et qu’on lui fiche la paix car c’est ce capital qui nous donnera le courage, la fierté de lever notre tête plus haut contre les moyens qu’ils emploient pour nous moucharder et nous faire souffrir toute la vie et sachez, camarades que le travail, l’argent ne sont que des moyens paisibles et ils nous font vivre une vie aussi dégoûtante que la nôtre. Sachez, frères que vous n’êtes plus comme vos parents qu’ils exploitaient il y a une dizaine d’années en les fouettant sur le dos, ces parents n’existent plus, on les a enterrés il y a bien des années, leurs idées raciales et purement colonialistes les rendent, camarades, de plus en plus sans esprit, leur furieuse folie leur donne davantage l’envie de nous exploiter et de nous voler, cette furieuse folie les fait croire les maîtres de l’univers.

Et n’oublions pas camarades, que notre malheur est dans nos mains, unissons-nous pour une bonne fois et pour du bon, et soutenons tout ceux qui nous défendent, ceux qui savent le secret du racisme et les racines de la haine, écrasons ceux qui nous écrasent, brisons notre silence, notre peur, pour que notre colère leur crée des problèmes désastreux. Sans Liberté, sans honneur, une vie qui n’est possible que pour des esclaves ou des condamnés à mort.

Et nous tenons à souligner à M. Leclerc, contremaître dans ce CKD raciste, et qui est enquêteur sur les injustes insultes racistes de mademoiselle Rose-Marie, adressées à notre frère Sakim et à toute la race arabe ‘entière, qu’on a pas oublié le procès et qu’on attend toujours cette justice. Et qu’elle soit faite lisiblement et sans délai, car vous avez vous-mêmes interrogé les témoins et que votre promesse sera tenue loyalement, et dans le cas contraire, nous vous accuserons de l’injustice raciale, et nous défendrons nous-mêmes nos justes droits avec tous les moyens que nous possédons jusqu’à la victoire finale.

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