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Solidarité de classe contre le racisme social

Article paru dans Syndicat de classe, n° 23, 14 juin-18 juillet 1971, supplément au Prolétaire, n° 107, 28 juin-18 juillet 1971


Depuis quelque temps les exactions, brimades et voies de fait contre les travailleurs étrangers défrayent la chronique. Rixes entre Nord-Africains et jeunes en province, commandos fascistes contre étudiants et ouvriers de couleur, réaction imbécile, à odeur de pétrole, qui confond dans le même ressentiment Boumediène et la chair à travail qu’il expédie de l’autre côté de la Méditerranée. Le fait le plus grave, c’est que cette réaction gagne jusqu’aux milieux ouvriers.

Ce n’est certes pas le fait du hasard dans un pays ex-colonialiste où le parti communiste, tout jeune, se fit rappeler à l’ordre par la IIIe Internationale pour avoir toléré le racisme dans ses sections nord-africaines et, devenu stalinien, applaudit à la répression du Constantinois en 1945. Le racisme est le produit pourri du nationalisme et le nationalisme la pourriture dans les partis ouvriers.

Mais le racisme est aussi le résultat direct du capitalisme moderne qui importe la force de travail étrangère parce qu’elle coûte moins cher. Le nôtre, faisant d’une pierre deux coups, sut habillement spéculer autrefois sur la concurrence que représente cette force de travail pour la main-d’œuvre nationale et encourager ainsi les sentiments xénophobes des travailleurs français. Il est clair toutefois que cette, concurrence est beaucoup moins directe aujourd’hui et que les travailleurs étrangers sont confinés dans les tâches les plus dures, les plus malsaines, les moins payées : celles que les ouvriers français refusent de faire. Le racisme qui tente de fleurir parmi ces derniers a donc d’autres causes et d’autres raisons.

Ce n’est pas par pure coïncidence qu’il fait son apparition au moment où le gauchisme rencontre quelque écho parmi les travailleurs étrangers ou, tout au moins, se soucie de leur sort. Dès lors que l’aristocratie ouvrière et ses représentants syndicaux réagissent violemment contre les gauchistes, elle se heurte également aux travailleurs étrangers qui les suivent. Rappelons à ce propos qui est à l’origine de ces violences entre ouvriers : entre 1965 et 1968, les gauchistes n’étaient pratiquement pas connus, mais ils n’en étaient pas moins cognés et laissés sur le carreau par les commandos staliniens. La seule chose qui ait changé depuis, c’est qu’ils rendent, autant que possible, coup pour coup.

Soudant la violence à la protestation, ils démasquent l’accord tacite entre le patronat et les dirigeants syndicaux qui fournissent à ce dernier le nom des « meneurs » des grèves sauvages. Les staliniens combattent les gauchistes parce que ceux-ci les contraignent à se démasquer comme collaborateurs du capital. Des travailleurs étrangers rejoignent les gauchistes parce que, du côté des staliniens, ils ne rencontrent que des agents du patron. Voilà la véritable clef des velléités actuelles de racisme ouvrier : c’est le racisme social des catégories privilégiées qui veulent collaborer avec le capital et déversent leur haine sur ceux qui s’y refusent.

En ce qui nous concerne, nous n’acceptons pas l’opportunisme politique du gauchisme, mais nous en rejetons la responsabilité sur la politique de collaboration de classe du P.C.F. et de la C.G.T. : les trotskystes sèment la confusion par leur tactique de noyautage, mais le « frontisme » et « l’entrisme » c’est le communisme dégénéré qui les leur a appris ; les maoïstes croient combattre le « révisionnisme social-démocrate » du P.C.F. actuel en revenant à la violence stalinienne, mais le stalinisme fut le premier révisionnisme du mouvement communiste international.

Nous, nous considérons les travailleurs étrangers, non pas en tant que gauchistes, mais en tant que prolétaires et exploités et nous disons que de leur sort, autant que de la façon dont ils y réagissent, c’est l’opportunisme dominant, c’est le P.C.F. et la C.G.T. qui sont responsables. Cette dénonciation n’est. pas gratuite. Lorsqu’on voit les membres « communistes » du Conseil municipal d’Ivry-sur-Seine prendre fait et cause pour la police qui abat un travailleur étranger pour le vol d’un yaourt, lorsqu’en lit sur un tract de la cellule « communiste » de Renault la dénonciation « de la mansuétude de Marcellin », à l’égard de « provocateurs, voleurs, pillards, bandits, selon l’heure et le lieu », on découvre d’où vient le racisme ouvrier !

Combattre le racisme en général est une urgence absolue peur tous les exploités : la surexploitation des travailleurs étrangers, c’est la pression accrue sur toutes les catégories de salariés ; le déferlement de l’idéologie raciste c’est le climat propre à toutes les répressions. Les prolétaires peuvent et doivent y réagir tout de suite : ils sont la seule classe dont l’intérêt immédiat se concilie avec la lutte contre toutes les ignominies de la société bourgeoise. Mais ils ne peuvent le faire, évidemment, qu’en chassant le racisme de leurs propres rangs.

Pourquoi y apparaît-il aujourd’hui ? Parce que les prétendus communistes ont capitulé devant lui durant des dizaines d’années : ils ont pactisé avec les socialistes et les radicaux alors que les uns et les autre:s ont toujours véhiculé la pourriture idéologique bourgeoise au cœur du prolétariat. La cause directe du racisme ouvrier, c’est l’alliance avec les classes moyennes qui contamine la classe exploitée avec l’égoïsme sordide des petits possédants et l’orgueil nationaliste imbécile de leurs « élites » libérales. Son expression syndicale, c’est le culte de la hiérarchie salariale et la psychologie servile des cadres et de I’aristocratie ouvrière qui laissent le champ libre à la concurrence entre salariés. Comment des catégories rivalisant entre elles seraient-elles capables de solidarité avec les prolétaires venant de pays étrangers ?

Nous appelons tous les ouvriers de bonne foi à prendre conscience de ces faits et à se convaincre de cette évidence : c’est parce qu’ils ne combattent pas la politique syndicale de division que le racisme dresse la tête et que les travailleurs étrangers sont acculés à des actes de violence désespérés.

Le principal tort de ces actes, c’est qu’ils sont isolés. Les prolétaires n’ont pas à les désavouer, mais à en changer le contenu en les généralisant, en les transformant en violence de classe, seule arme contre toutes les offensives du capital. Seuls les travailleurs de nationalité française peuvent faire cette transformation et il faut y appeler toute cette masse de salariés moyens que menacent aussi bien le chômage et la ruine et qui n’ont aucun intérêt à coller aux catégories privilégiées et aux décisions d’un syndicalisme servile qui les trahit eux aussi lors de chaque grève.

C’est une tâche difficile en l’état d’extrême division des salariés, mais elle exige tout de suite un sursaut général : à bas le racisme social des traîtres au mouvement ouvrier !

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