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Aimé Blanc-Dufour : Où va le peuple américain (II), par Daniel Guérin (Julliard)

Article d’Aimé Blanc-Dufour paru dans Les Cahiers du Sud, n° 308, 1er juillet 1951, p. 171-172

Le premier tome de cet ouvrage exhaustif et étonnamment documenté était consacré au Syndicalisme ouvrier. Le tome II porte comme sous-titre « La révolte agraire », « Le problème nègre ».

Du problème agraire aux U.S.A., retenons la disparition progressive et sur un rythme rapide de la petite exploitation individuelle au profit des « factories in the field » des usines rurales exploitant en monoculture des domaines de plusieurs dizaines et parfois de plusieurs centaines de milliers d’hectares. En 1945, si 38 % des fermiers possédaient 4 % de la surface des terres arables. 1,9 % en possédaient 40,3 %. Depuis cette date, le processus de concentration n’a fait que s’accélérer. Les causes : la fiscalité qui frappe plus lourdement les petites exploitations, l’endettement usuraire, la mécanisation poussée à outrance qui exige de grandes surfaces. D’autre part, l’état du marché. malgré les subventions gouvernementales, fait que le petit fermier vend à des prix de gros et achète à des prix de détail, le système des coopératives d’achat, si répandu en France, étant embryonnaire aux U. S. A. et combattu vigoureusement par le « big business ». D’où, comme conséquence : diminution de la population rurale (4.175.000 ruraux en moins de 1920 à 1945), paupérisation accrue des petits exploitants, création d’un double prolétariat rural, l’un mécanisé et qualifié, l’autre manœuvre, migrateur et durement exploité (cf. J. Steinbeck, Les Raisins de la Colère).

Cette évolution économique fait que bientôt la démocratie rurale de petits et moyens exploitants, telle que l’avait glorifiée Jefferson comme étant le principe même de l’Union, ne sera plus qu’un souvenir.

Quant au problème nègre, l’auteur en expose tous les aspects, car à côté de la simple discrimination raciale d’où l’on part et où l’on aboutit en fin de compte, il y a la concurrence ouvrière, l’attitude du « Labor » et de ses syndicats, l’existence d’une petite bourgeoisie nègre conservatrice, les différents mouvements intellectuels ou politiques qui divisent le monde noir. Daniel Guérin, de par son long séjour aux U. S. A. possède de ces questions, une expérience immédiate et humaine.

Problème irritant (1) que le problème noir, attitude, qui nous paraît inexplicable que celle de l’Américain moyen devant « the colored man ». Et tout cela nous touche assez directement, car les effets d’une telle attitude débordent les frontières des U. S. A. On peut dire qu’il y a là une explication de la perte de prestige de l’Occident dans le monde de couleur, en Asie comme en Afrique, non seulement en Extrême-Orient, mais dans tous les pays où l’Islam règne en niant les différences de races et en faisant abstraction de la couleur de la peau.

A. B.-D.


(1) Un moine cistercien américain, Thomas Merton, écrit dans un livre qui vient d’être traduit, La nuit privée d’étoiles (A. Michel) : « Harlem est l’acte d’accusation de Dieu contre la ville de New-York, ses habitants et ses richesses ».

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