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Algérie : Les droits de l’Homme sous les verrous

Textes parus dans Lutter !, n° 14, décembre 1985, p. 13

Les gendarmes de Mitterrand s’agitent Esplanade des Droits de l’Homme

Depuis juillet 85, l’Algérie connait une vague de répression de grande ampleur à l’encontre de militants dont le seul délit est celui d’opinion. A peine née, la toute jeune Ligue des Droits de l’Homme algérienne a vu ses rangs décimés par l’arrestation de tous ses membres fondateurs. L’ardeur que met le gouvernement algérien pour étouffer cette initiative est à la hauteur du danger qu’elle représente pour lui. En effet le semblant d’ouverture prôné par Chadli en ce qui concerne l’économie a pu donner un espoir à certaines couches d’intellectuels, de militants, de travailleurs, un léger espoir certes, mais un espoir de libéralisation en matière de libertés individuelles. Il n’en est rien, bien au contraire ; outre les militants de la Ligue des Droits de l’Homme, l’Association des fils des martyrs de la Révolution a connu le même sort. Motif : dépôt d’une gerbe au monument des martyrs le 5 juillet, jour de la fête nationale, en dehors des cérémonies officielles.

Cette vague d’arrestations a entraîné une mobilisation sans précédent dans l’immigration algérienne en France, malgré les provocations de l’Ami cale des Algériens en Europe, officine du FLN, dont le rôle est l’encadrement, voire le flicage de l’immigration. Un meeting rassemblant près de 3000 personnes s’est tenu à la Mutualité à Paris. Le 1er novembre, malgré l’interdiction de la préfecture de police, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées au Trocadéro, rebaptisé esplanade des Droits de l’Homme (sic !) par le pouvoir socialiste.

En Algérie, les autorités n’ont pas hésité à élargir les arrestations à des personnalités telles que Aït Menguellet, chanteur kabyle très populaire. Après un procès mascarade, celui-ci a été condamné à trois ans de prison ; cette arrestation a été le pas de trop franchi par le pouvoir, et ces dernières semaines la Kabylie était en effervescence, des manifestations, des grèves dans les lycées avaient lieu, notamment à Tizi Ouzou.

A l’heure où nous écrivons, excepté Aït Menguellet, nous ne connaissons toujours pas la date des procès des militants emprisonnés.

Plus que jamais la solidarité internationale doit jouer.

L’attitude du pouvoir socialiste français est à condamner avec la plus grande vigueur. Comme pour l’affaire Greenpeace, les « intérêts supérieurs de la Nation » passent avant les Droits de l’Homme. Diplomatie oblige, les relations avec l’Algérie n’étant pas des plus sereines, non seulement on ferme les yeux, mais on pousse le cynisme jusqu’à interdire une manifestation pacifique sur l’esplanade des « Droits de l’Homme » où vingt personnes ont été interpellées.

L’UTCL a apporté son soutien actif aux militants emprisonnés, envoyant des télégrammes de protestation à l’Ambassade d’Algérie et soutenant les diverses initiatives (meeting, appel au rassemblement du 1er novembre). Partout, la solidarité internationale doit être renforcée.

« LUTTER ! »

N. B. : Une brochure a été réalisée par le Collectif contre la répression. La commande peut être passée à la boite postale des Éditions « L ».
Prix: 20 F + 6,50 F de port.


CHADLI : L’OUVERTURE ?

La mort de Boumédienne a marqué un tournant important dans l’évolution politique et économique de l’Algérie. Chadli, le nouveau maître du pays, veut imprimer à la société algérienne une ouverture libérale. Les réformes institutionnelles se multiplient et les obstacles au développement d’un capitalisme privé tombent les uns après les autres. La pesanteur, l’hyper-centralisme, l’absence de responsabilisation des acteurs économiques, la corruption, qui prévalaient sous Boumédienne, avaient abouti à des blocages importants de l’économie. La solution choisie par les nouveaux dirigeants est donc le développement du capitalisme privé, de façon à redynamiser l’économie du pays. Ce choix économique n’est pas plus susceptible de résoudre les contradictions du système que le précédent. Face à la fausse alternative économie libérale/capitalisme d’État, une autre voie est possible : celle de l’autogestion véritable où, dans le cadre de la propriété collective des moyens de production et des services, ce sont les travailleurs qui décident en toute responsabilité des choix économiques. Nous ne développerons pas d’avantage ce point ici, mais ce que nous voulons souligner au cas présent, c’est la situation des militants des Droits de l’Homme en Algérie qui, pour avoir défendu la liberté d’expression et d’opinion, se voient jetés dans les geôles du régime. Voilà bien toutes les limites de l’image d’ouverture que l’Algérie veut se donner.

En effet, si l’étau s’est desserré au niveau des « libertés économiques », le libéralisme a ses limites : la liberté d’exploiter et de faire des profits : oui ; mais la liberté d’expression politique ou philosophique, il ne faudrait tout de même pas exagérer !

La création d’une Ligue des Droits de l’Homme indépendante du pouvoir et du parti unique, le FLN, représente à terme un danger pour le régime et ses institutions. L’objectif de cette association, « la défense des libertés individuelles et publiques, la dénonciation des violations des Droits de l’Homme », a le mérite de regrouper de la façon la plus large possible – et au-delà de leurs divergences – l’ensemble des individus, des militant(e)s qui veulent exprimer des opinions, des idées, des revendications en toute autonomie vis-à-vis du pouvoir.

Laisser se développer cette association dont l’objectif est strictement humanitaire, contraindrait le régime, à terme, à permettre que des opinions, des structures d’expression de revendications se développent et débouchent sur une remise en cause des fondements mêmes des institutions anti-démocratiques algériennes basées sur le Parti unique.

P. V.

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