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Algérie : campagne anti-impérialiste bidon

Article paru dans Combat communiste, n° 106, du 20 septembre au 20 octobre 1985


Depuis quelques mois, une campagne dénonçant le colonialisme français se développe en Algérie. L’enquête, menée parallèlement avec le quotidien « Libération », sur la découverte du charnier de Khenchela, n’a pas été une simple initiative des médias algériens, alors que Chadli était aux USA.

Depuis, de nouveaux charniers de victimes de l’armée française ont été découverts, et la télévision algérienne multiplie les émissions sur le sujet. Dernièrement, « Révolution Africaine », hebdo du FLN, écrivait :

« Les Oradour, Dachau, Buchenwald, se chiffrent par centaines en Algérie. Ce qu’a fait l’armée française n’a jamais été entrepris nulle part ailleurs. »

Cette campagne provoque inévitablement une tension en Algérie, d’autant que l’actualité en France ne manque pas d’attentats racistes qui viennent nourrir le sentiment de révolte. Sentiment bien légitime d’ailleurs, d’autant que la lutte de libération nationale n’est pas loin dans les consciences et les souvenirs, et que cette corde n’est pas difficile à exploiter.

LES BUTS DU GOUVERNEMENT ALGÉRIEN

On peut déplorer, bien sûr, que cette campagne ne fasse pas de différence entre l’État et la bourgeoisie impérialistes et les travailleurs français, mais ces subtilités ne rentrent évidemment pas dans le plan de la bourgeoisie algérienne.

Quel est le but visé ? Nationalisme, pour resserrer les rangs autour de Chadli ? Manœuvres de pression sur l’impérialisme français ?

Sans doute un peu les deux.

L’Algérie, comme bien d’autres pays, vit une période de marasme économique encore aggravée par la baisse du prix du pétrole. D’autre part, du fait de la stagnation économique, du chômage, de la crise dramatique du logement, les rapports entre les classes sociales sont extrêmement tendus.

La bourgeoisie algérienne s’efforce donc de manœuvrer serré, à l’intérieur comme à l’extérieur.

A l’intérieur, en dressant l’épouvantail de l’ennemi, de l’oppresseur impérialiste, qui fait toujours recette.

A l’extérieur, le gouvernement algérien suit avec inquiétude le resserrement des liens entre Hassan II, le roi du Maroc, et Mitterrand. Même si la France n’est plus que le troisième partenaire économique de l’Algérie (derrière les USA et la RFA), elle joue toujours un rôle d’importance au Maghreb. Le soutien de la France (comme des USA, au Maroc dans sa guerre contre les Sahraouis, soutenus par l’Algérie, s’est accrue, et cela risque de modifier le rapport de forces existant entre les États maghrébins.

Si l’État français en venait à lâcher encore davantage l’État algérien, cela ne ferait, on s’en doute, pas l’affaire du gouvernement et de la bourgeoisie algérienne. Tous les moyens sont donc bons pour faire pression, donner un avertissement, en faisant comprendre que, si la France allait trop loin, elle pourrait perdre un de ses partenaires traditionnels…

UNE CAMPAGNE QUI PREND PARMI LES TRAVAILLEURS

Eh attendant, les travailleurs réagissent à la lettre et subissent cette propagande nationaliste. Cela arrange bien la bourgeoisie algérienne, qui ne souhaite pas non plus que ses ressortissants immigrés en France fassent cause commune avec les travailleurs français, par exemple contre les licenciement.

Le gouvernement algérien veut bien racketter l’immigration, en bon marchand d’esclaves, tout en faisant semblant de dénoncer l’impérialisme, les conditions de vie des immigrés, les crimes et campagnes racistes, mais il ne veut surtout pas que les ouvriers algériens prennent l’habitude de la lutte, deviennent internationalistes. Cette campagne, menée aussi au sein de l’immigration, permet donc de les maintenir dans le giron de l’État algérien.

Car, en réalité, malgré le ton virulent de cette campagne basée sur des exactions réelles du colonialisme français, l’État algérien, maintenant que la bourgeoisie dont il défend les intérêts s’est fait une petite place au soleil, ne vise absolument pas à combattre l’impérialisme. En dépit de tous les discours ronflants, bourgeois algériens et français se retrouvent toujours côte à côte contre les travailleurs.

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