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Michel Fiant : Huit morts – Une leçon. Contre le fascisme, contre de Gaulle

Article de Michel Fiant alias Lucien Collonges paru dans La Vérité des travailleurs, n° 122, février 1962, p. 1-2

Depuis des semaines, le mouvement ouvrier et socialiste s’interroge : comment lutter contre l’O.A.S. ?

Des arguments éculés réapparaissent, qui ont fait leurs preuves dans maintes et maintes défaites sanglantes du prolétariat. On tente de maintenir les manifestations anti-fascistes dons la « légalité » gaulliste et une soi-disant dignité. On en appelle au régime pour qu’il prenne des mesures. On en appelle aux masses sans rien faire pour qu’elles prennent confiance, en leur force et en l’efficacité de leurs organisations.

De Gaulle vient à tous de donner une leçon politique : huit camarades tombés sont sa réponse. Il ne veut et ne peut laisser se développer de puissants mouvements de masse, porter le fer dans la police, l’armée, les sphères dirigeantes de l’administration, là où est la plaie, sans d’un même coup mettre en cause son pouvoir. Ne pas comprendre l’incapacité organique d’une lutte efficace des régimes bonapartistes contre le fascisme c’est oublier l’Allemagne de Hindenbourg, l’Autriche de Dolfuss.

La lutte contre le fascisme, aujourd’hui, en France est indissoluble de la lutte

— contre de Gaulle : pour un gouvernement de travailleurs

— contre la guerre : pour une Algérie indépendante.

Se maintenir dans « leur » légalité, dans la légalité du 13 mai c’est se vouer à la stérilité. Nous étions 300.000 le 28 mai 58 de la Nation à la République, nous nous souvenons du résultat ; il fallait faire confiance à Pflimlin, nous avons eu la dictature, encore, mais pour combien de temps, paternaliste. Aussi c’est vers ce triple objectif que nous devons tendre, ouvertement.

Mais de plus larges parties des masses travailleuses sont prêtes à se mobiliser dans la lutte anti-fasciste. Il faut partir de là pour faire concrètement la démonstration que le cancer fasciste ne peut être extirpé que par une lutte sur l’ensemble du front. Cependant, la mise en mouvement des lourds bataillons ouvriers exige une double démarche.

D’une part les manifestations, grèves doivent aller vers un niveau plus élevé ; les services d’ordre ne doivent pas seulement rester dans les permanences ou se limiter à canaliser les manifestants, mais au contraire faire en sorte que toutes entraves aux démonstrations populaires cessent.

Par ailleurs des actions d’avant-garde doivent être entreprises, d’avant-garde, c’est-à-dire pouvant être largement reprises.

— Chassons des usines, des bureaux, des facultés les fascistes avérés.

— Faisons taire les portes-parole légaux du fascisme, les Bidault, Le Pen, Lacoste-Lareymondie, Jean Nocher.

— Interdisons pratiquement aux torchons fascistes, à Carrefour, Rivarol, Aspects de la France, mais aussi à l’Aurore ou au Parisien leur propagande.

Plus généralement, sous toutes ces formes et en laissant libre cours à la spontanéité de la « base », il ne faut pas laisser sans riposte les assauts de l’O.A.S. Des erreurs sont possibles dans ce domaine, mais ce serait un crime qu’« ils» ne paient pas par l’exemple, pour les yeux de Delphine Renard ; car ils ne pourront jamais payer assez pour les yeux d’une fillette de quatre ans, ni pour notre liberté.

Il faut enfin qu’à travers une élévation constante du niveau de combativité, de l’ampleur des ripostes, de l’organisation des groupes d’auto-défense l’idée des MILICES OUVRIERES fasse son chemin.

Notre parti ne peut prétendre à la direction de ces luttes, mais nos camarades, nos sympathisants prendront dans ce combat un poste de pointe. Le mouvement ouvrier dans de semblables affrontements, d’expériences en expériences trouvera sous la poussée de la révolution montante hors d’Europe, la voie du léninisme à notre époque.

LUCIEN COLLONGES.


Communiqué

Le Parti Communiste Internationaliste s’incline devant les travailleurs tombés au cours de la manifestation anti-O.A.S. du 8 février.

Tandis que le même jour, en dépit de tous les quadrillages, les plastiqueurs pouvaient impunément agir, le gouvernement lançait violemment la police contre des manifestants désarmés. En moins de deux mots le pouvoir a montré que ses coups étaient essentiellement dirigés contre les travailleurs, non contre les fascistes qui ont gangrené une partie de l’appareil d’Etat qui leur fournit armes et matériel pour commettre leurs forfaits.

Le Parti Communiste Internationaliste, en s’associant aux protestations et manifestations organisées par les syndicats, appelle les travailleurs à mettre à l’ordre du jour dans les organisations et les entreprises la question de l’auto-défense, y compris de l’armement des travailleurs, pour assurer la défense des organisations ouvrières et des libertés et la question d’un programme ouvrier et paysan de rechange, contre le gaullisme.

Le 9 février 1962.


UN MILLION

Telle est la masse qui est venue aux obsèques des victimes de la lutte anti-fasciste assassinées par la police gaulliste. La puissance du mouvement ouvrier qui s’est montrée en cette occasion ne peut cependant pas être limitée à ce que de nombreux militants d’avant-garde ont regretté de ne voir qu’un enterrement. Les grandes organisations sauront-elles utiliser la force du million de travailleurs qui a déferlé de la République au Père-Lachaise ? Les victimes tombées le 8 février ne demandent pas à être pleurées mais à être vengées ! Cette vengeance doit être implacable, il ne doit y avoir de cesse tant que le régime restera debout et n’aura expié ses crimes. Pour cela il faut doter le mouvement ouvrier d’un programme et d’une stratégie révolutionnaires.


L’immeuble de notre camarade Pierre Frank plastiqué

Les tueurs de l’O.A.S. ont déposé, le 23 janvier, une forte charge de plastic dans l’immeuble où habite notre camarade Pierre Frank, membre du Secrétariat international de la IVe Internationale, et du Bureau Politique de la Section française, en raison de la lutte intransigeante que mène notre mouvement contre le fascisme et en faveur de la Révolution algérienne pour la défense de laquelle nos camarades Michel Pablo et Sol Santen, également membres du SI ont été incarcérés en Hollande, pendant plus d’un an.

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