Article paru dans La Voix du peuple, mars 1962, p. 1, 2 et 4
Il y a un quart de siècle, le PARTI DU PEUPLE ALGERIEN (P.P.A.) a vu le jour dans la région parisienne. Effectivement, la date précise de la fondation de ce parti a été le 11 mars 1937. Ce fut, il faut le souligner, un grand événement dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Etant donné la conjoncture actuelle, nous croyons utile de rappeler ce passé qui reste inconnu, surtout pour la jeunesse algérienne. Il est vrai qu’il y a dans cet anniversaire plus d’une génération en tenant compte de la précipitation des événements, de leur envergure et de leur caractère particulier. C’est pourquoi, avant de relater la fondation du P.P.A., il est nécessaire, pour la compréhension et la clarté des choses, de présenter à nos lecteurs les étapes de la lutte qui ont précédé sa fondation. Avant le P.P.A., le MOUVEMENT NATIONAL ALGERIEN avait pour nom l’ETOILE NORD-AFRICAINE (E.N.A.). Cette organisation fut l’objet de poursuites et de dissolutions durant plusieurs années.
Rappelons les faits.
L’ETOILE NORD-AFRICAINE a été dissoute pour la première fois en 1929 par le Tribunal Civil de Paris en même temps que les organisations indochinoises et noires. Les dirigeants de l’époque n’avaient pas pris en considération cette décision qui, sur place, avait été contestée par notre avocat, Me BERTHON, qui avait soulevé l’incompétence de ce Tribunal Civil.
Les choses sont restées là durant plusieurs mois. La police n’a pas eu à intervenir étant donné que l’E.N.A. était restée en veilleuse. Mais dès que celle-ci a repris ses activités et fait preuve d’un nouvel essor, l’appareil administratif a repris également ses poursuites. Cette répression débuta par des pressions, des intimidations, puis par des perquisitions et des interdictions de réunions.
A partir de 1929 jusqu’à 1933, l’E.N.A. a connu plusieurs manifestations, et ses activités ont débordé la région parisienne et au-delà de la Méditerranée. Il y a un peu partout dans toutes ces régions des sections, des fédérations, des noyaux et des sympathisants. A Paris, l’E.N.A., jusque-là sans domicile, avait ouvert son siège central au 19, Rue Daguerre où naguère LENINE avait vécu et travaillé dans la clandestinité. MESSALI HADJ, Président de l’EN.A.. se dépensa beaucoup et alla en Belgique où, en Octobre 1934, il créa des cellules à Charleroi et à Liège. A la suite de ces activités, Il a été arrêté et incarcéré à la prison de la Santé le 1er novembre 1934 pour reconstitution de ligue dissoute et infraction aux lois scélérates de 1892 et 1893.
Après cette seconde dissolution, MESSALI HADJ créa à la prison de la Santé l’UNION DES. MUSULMANS NORD-AFRICAINS au nom de laquelle les Algériens ont continué leur activité. A sa libération MESSALI HADJ est toujours poursuivi à Paris à Amiens et à Lyon. En décembre 1935, il est recherché par la police pour purger une condamnation d’un an d’emprisonnement pour différents délits politiques. Pour éviter cette arrestation, MESSALI HADJ entra dans la clandestinité à Paris et continua ses activités jusqu’en janvier 1936, date à laquelle il s’est réfugié en Suisse auprès de son ami, l’Emir Chekib ARSLAN. Il séjourna dans ce pays plus de 6 mois puis revint à Paris le 18 juin 1936 à la suite des grâces amnistiantes du gouvernement du Front Populaire de Léon BLUM.
L’ETOILE NORD-AFRICAINE et LE FRONT POPULAIRE :
Il est nécessaire que l’on s’arrête un moment pour rappeler à nos militants et à nos lecteurs quelques aspects de cette époque et comment est né le Front Populaire.
Après la première guerre mondiale, la gauche française a mené un grand combat pour la défense des libertés démocratiques et de la République. Les élections législatives de mai 1924 ont donné le pouvoir au Cartel de Gauche qui groupait plusieurs partis politiques. Pour la première fois, Edouard HERRIOT devint Président du Conseil. Cette formation politique avait donné de grands espoirs aussi bien aux démocrates qu’aux Algériens qui, à l’époque, étalent encore régla par le Code de l’Indigénat et les lois d’exception.
Rappelons qu’à cette époque, l’Emir KHALED, petit-fils de l’Emir ABDEL-KADER, qui était en exil en Syrie, est venu à Paris en juin et en juillet 1924 et donna deux conférences sur la situation des Musulmans algériens, l’une à la salle des Ingénieurs Civils, 19, Rue Blanche, l’autre à la Salle Blanqui, dans le 13ème arrondissement. Ces deux conférences ont posé à nouveau la situation dramatique dans laquelle vivaient « les indigènes algériens », comme on nous appelait à cette époque.
Au début de l’année 1933, éclata dans toute la France une série de scandales politico-financiers où l’épargne des bas de laine des petites gens a été dilapidée. Cette situation créa un grand mécontentement dans les partis politiques de la gauche et de la droite et chacun d’eux appela le peuple à nettoyer les écuries d’Augias qu’était devenu le pays. A la suite de ces scandales, la prison de la Santé et celle de Bayonne étaient remplies de hautes personnalités poli-tiques, de parlementaires et même de ministres. Paris, le quartier Boulevard Saint-Germain, puis la rive droite devinrent le théâtre de manifestations. Cette situation qui n’a cessé de s’aggraver a donné naissance au Front Populaire.
En tant que Président de l’E.N.A., MESSALI HADJ a participé à la création de ce Front Populaire dès l’année 1933. Ainsi donc, des milliers d’Algériens se sont rangés aux côtés du peuple français dans sa lutte contre le fascisme de cette époque. Ayant adhéré au Front Populaire, l’E.N.A. va désormais participer à toutes les manifestations anti-fascistes sans oublier de lier à ses activités la lutte contre l’impérialisme français. Tandis que ces événements autour du Front Populaire se développaient en France, le Congrès Musulman Algérien vit le jour en Algérie au début de juin de l’année 1936.
LE CONGRES MUSULMAN ALGERIEN :
Ce Congres qui groupait la Fédération des Elus, les Oulamas, les Anciens Combattants et les Communistes algériens, tenait ses premières assises à Alger en juin 1936.
Quelle était sa politique ?
Ce Congrès demandait, en somme, d’abord, des réformes, puis la francisation de l’Algérie et son attachement à la France. Cette activité du Congrès avait trouvé écho dans les masses algériennes fortement exploitées et opprimées, mais qui, en réalité, ne comprenaient pas exactement le sens de ces revendications qui allaient jusqu’à la francisation du pays.
UNE DELEGATION DU CONGRES MUSULMAN ALGERIEN A PARIS :
Au mois de juillet 1936, vint à Paris une délégation du Congrès composée de BEN BADIS, BRAHIMI, Dr. BENDJELLOUL, Ferhat ABBAS, LAMOUDI et d’autres personnalités de moindre importance. Une délégation de l’Etoile Nord-Africaine, présidée par MESSALI HADJ, lui a rendu visite à d’hôtel de Paris. A l’occasion de cette rencontre, il y eut un grand débat au cours duquel on a confronté le programme du congrès qui était pour le rattachement de l’Algérie à la France et celui de l’Etoile Nord-Africaine qui était pour l’indépendance de l’Algérie et de l’Afrique du Nord. De cette discussion est apparu nettement la différence entre les deux programmes qui vont dès lors s’opposer avec plus d’acuité. Malgré l’intervention de MESSALI HADJ qui leur demandait de ne pas hypothéquer l’avenir de l’Algérie, les membres de la délégation du Congrès ont non seulement refusé cette proposition mais encore ils se sont rendus en délégation au ministère de l’Intérieur pour présenter leur charte revendicative. Cette rencontre entre le nationalisme algérien de l’Etoile Nord-Africaine et le réformisme vieillot du Congrès Musulman Algérien a été certes courtoise mais très ferme. Mais on peut dire que le clivage entre ces deux mouvements est fait et que la bataille ne tardera pas à s’engager.
DEPART DE MESSALI HADJ POUR L’ALGERIE
Invité par la section clandestine d’Alger de l’E.N.A., MESSALI HADJ s’y est rendu le 2 août 1936 et y a prononcé, pour la première fois, un discours sur l’indépendance de l’Algérie, au stade municipal devant 20.000 Algériens venus de toutes les régions du pays.
UNE POIGNÉE DE TERRE QUI CREA LE NATIONALISME ALGERIEN :
Dans son discours qui avait pris des accents pathétiques, MESSALI HADJ s’était penché vers le sol et de sa main toute palpitante prit une poignée de terre et déclara aux congressistes avec des larmes aux yeux : « Non, musulmans algériens, cette terre ne se vendra pas ses héritiers sont là, vivants, et l’Etoile Nord-Africaine veillera. »
Cette intervention a liquidé tout un passé et ouvert de nouvelles perspectives dans l’histoire de l’Algérie. Aussi, MESSALI HADJ fut enlevé devant le micro, porté en triomphe et promené plusieurs fois devant les tribunes chargées d’Algériens qui applaudissaient frénétiquement. C’est dans cet enthousiasme qu’il fut conduit jusqu’au centre de la capitale.
TOURNEE DE PROPAGANDE A TRAVERS LE PAYS :
MESSALI HADJ resta au pays durant trois mois au cours desquels il va le parcourir dans tous les sens. Réunions, conférences, invitations privées, rencontres ont été, au cours de ce laps de temps, ses occupations et ses activités. On peut dire que cette réunion du stade municipal, cette tournée de propagande à travers le pays ont marqué le premier départ vers le nationalisme algérien et les premiers frémissements de la conscience nationale. Par contre, la haine, la répression et les adversités déclenchées à partir de cette grande victoire nationale vont ainsi se développer contre MESSALI HADJ jusqu’en 1962. Chose curieuse et non moins émouvante. c’est que MESSALI HADJ, malgré ses 69 ans, est encore en résidence forcée à la veille de l’indépendance de l’Algérie.
RETOUR DE MESSALI HADJ A PARIS :
L’arrivée de MESSALI HADJ en Algérie, son séjour dans le pays, sa grande tournée de propagande ont tourné une page dans l’histoire du pays et créé au sein de notre peuple un enthousiasme et un espoir. A son retour à Paris en Novembre 1936, MESSALI HADJ a rencontré presque partout portes closes et le nombre de ses amis s’est rétréci. Cela ne l’a pas empêché de continuer son action en bravant les difficultés et l’adversité qui vont se transformer en une véritable coalition. Celle-ci va grouper les Communistes, les Oulamas, la Fédération des Elus, les Anciens Combattants et autres individus de moindre importance. Cette coalition, dans son acharnement et dans ses attaques tant en France qu’en Algérie contre l’E.N.A. va faire le jeu de l’impérialisme français qui va, à son tour, déclencher son appareil de répression contre le jeune nationalisme algérien personnifié par MESSALI HADJ et l’Etoile Nord-Africaine.
En Algérie, nos militants sont déjà poursuivis et battus par les éléments hétéroclites en faveur du Congrès Musulman Algérien. En France, il y a égale-ment répression, perquisition contre l’E.N.A. et ses militants. De plus, le P.C.F. s’est montré l’ennemi le plus acharné et en particulier de MESSALI HADJ.
UNE LETTRE PATHETIQUE DE MESSALI HADJ AUX OULAMAS
Ne perdant ni son courage et faisant abstraction de tout amour propre, MES-SALI HADJ s’est adressé aux Oulamas en leur écrivant une lettre pathétique pour les adjurer de renoncer à la politique de francisation qui sera la honte de l’Association des Oulamas, ces démarches et ce désintéressement n’ont trouvé aucun écho auprès des dirigeants et cita militants de cette association. Au contraire, ces derniers s’acharnaient de plus en plus à dénigrer systématiquement les nationalistes algériens et leur chef.
DISSOLUTION DE L’ETOILE NORD-AFRICAINE :
Les Oulamas qui, il faut le souligner, avait une grande influence religieuse sur le peuple et les Communistes qui pesaient de tout leur poids sur le gouvernement du Front Populaire, s’étaient coalisés et menaient ensemble une croisade contre l’E.N.A. Ils voulaient absolument arriver à l’éliminer de la scène politique algérienne.
C’est dans ces conditions que le gouvernement français de l’époque, fort de tous ces appuis, a dissous l’E.N.A. par un décret pris en Conseil de Cabinet le 26 janvier 1937. Ce coup de force tramé contre le nationalisme algérien a fait la joie de tous les seids du Congrès Musulman Algérien, du Parti Communiste français et des colons. De plus, le P.C.F. aussi bien en France qu’en Algérie avait mis en bran-le tout son appareil et ses cryptes pour enterrer à jamais le nationalisme algérien et en particulier MESSALI HADJ. Ce dernier était devenu la bête noire qu’il fallait traquer, condamner et abattre selon la tactique stalinienne de tout temps.
Fasciste, panislamiste, fanatique, agent de l’étranger, tels étaient les épithètes que les communistes lancèrent à boulets rouges sur MESSALI HADJ.
Il est dit plus haut qu’à son retour Paris MESSALI HADJ avait trouvé portes closes et le nombre de ses amis rétréci. Effectivement, c’est là une situation dramatique contre laquelle MESSALI HADJ a fait un effort gigantesque pour désintoxiquer les esprits. Il faillait donc à ce dernier remonter le courant torrentiel d’adversités, clarifier la situation et regagner l’opinion et un certain nombre de ses amis.
« LES AMIS D’EL-OUMA » :
Une fois l’E.N.A. dissoute, les poursuites judiciaires, les perquisitions, les inculpations et les convocations au Quai des Orfèvres et chez les juges d’instruction se multiplièrent dans le but de faire pression sur les militants et les dirigeants afin de les empêcher de reconstituer quoi que ce soit pour continuer la lutte. Mais cette manœuvre et combien d’autres du même calibre ont été déjouées grâce à la vigilance de MESSALI HADJ qui, immédiatement après, créa à cette occasion, les premiers éléments de la clandestinité.
Certes, cette répression a quelque peu surpris, mais elle a rendu d’excellents services en ce sens que celle-ci a rappelé dirigeants et militants à la réalité et à la nécessité d’employer d’autres moyens de lutte. II est vrai que l’organisation est passée par un moment extrêmement difficile.
C’est dans de telles conditions que la Création du Parti du Peuple Algérien (P.P.A.) a été envisagée. MESSALI HADJ, tout en menant le combat sur tous les fronts au nom des « Amis d’El-Ouma » consacra une partie de son temps à des préparatifs en vue de créer le Parti du Peuple Algérien.
CREATION DU PARTI DU PEUPLE ALGÉRIEN (P.P.A.)
Après une quinzaine de jours de recherches, d’études et de travail, MESSALI HADJ a réuni les dirigeants à la rue Basse-les-Carmes à Paris et leur a fait part de son programme et du nom du P.P.A. C’est ainsi que le 11 mars 1937, le P.P.A. a été créé.
UN ENFANT VIENT DE NAITRE :
Le jour même de la création du P.P.A., une réunion avait été organisée Nanterre dans un café. Il y avait là, trois à 400 membres devant lesquels MESSALI HADJ a annoncé la création du P.P.A. en déclarant : « Chers Frères, FILALI Embarek et moi-même sommes allés ce jour 11 mars 1937 à la préfecture de police de Paris pour déclarer la création du P.P.A. C’est là un grand événement qui aura sana aucun doute une grande résonance en Algérie. C’est un enfant qui vient de naître, je le place sous la protection de Dieu et de celle de tous les patriotes algériens.
« Chers Frères, faites en sorte que cet enfant grandisse et se développe dans les meilleures conditions possibles et agissez de façon à ce que sa naissance et son développement répondent à tous les objectifs pour lesquels il est né. Que Dieu le protège et qu’il soit le messager de l’indépendance de l’Algérie ».
Quelques jours après, on savait en France, en Belgique et en Algérie que le P.P.A. a été créé pour faire suite à l’E.N.A. avec, cependant, une différence qu’il importe de signaler. L’E.N.A. était pour l’indépendance de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc. Le P.P.A. avait limité la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, étant donné que les mouvements marocain et tunisien existaient à cette époque, l’un sous le nom de « L’Action Marocaine » et l’autre sous le nom de « Destour ».
Cette limite n’a nullement arrêté le combat pour l’indépendance de l’Afrique du Nord et l’unité du Maghrib arabe. Bien au contraire, MESSALI HADJ avait, de très bonne heure, créé des rapports amicaux et fraternels avec Mohammed EL-OUAZZANI et Habib BOURGUIBA.
LES PREMIERS JOURS DU PPA :
Il fallait s’attendre à une réaction du colonialisme qui, après tout, ne pensait pas qu’on allait recréer un mouvement politique sous le nom du P.P.A. Cette réaction ne s’est pas fait attendre longtemps, car dès le début du mois d’Avril 1937, une série de perquisitions a été déclenchée contre les dirigeants et les militants connue de l’E.N.A. Par la suite, le Parquet de Paris a ouvert une information contre X avec des commissions rogatoires pour les départements français et l’Algérie. Ces perquisitions préparaient des arrestations. Mais en attendant, les pressions, les convocations et les empêchements de tenir des réunions publiques se multipliaient pour entraver toutes les activités du P.P.A.
MESSALI HADJ, après avoir parcouru toute la grande banlieue parisienne pour officialiser le P.P.A. et renforcer les fédérations, a également fait une tournée de propagande dans le Nord de la France et en Belgique. Cette tournée de propagande s’est étendue aussi au Centre de la France jusqu’au Puy-de-Dôme. Malgré les difficultés et les entraves, le P.P.A. a repris avec un grand enthousiasme et une grande volonté. En Algérie, l’activité fut également reprise malgré le colonialisme, le Parti communiste Français et tous les éléments du Congrès Musulman Algérien. Tout en se consacrant à cette activité et au renforcement du P.P.A., MESSALI HADJ préparait son retour en Algérie. Il ne resta en France que trois mois après la création de celui-ci. Après un voyage en Suisse où il alla saluer la grande figure arabe, le regretté l’Emir Chekib ARSLAN et prendre congé de lui, MESSALI HADJ s’est rendu en Algérie le 18 juin 1937. Son arrivée avait non seulement incommodé l’impérialisme mais encore elle avait beaucoup déplu au Congrès Musulman Algérien. Mais le Président du P.P.A. n’était pas homme à s’arrêter devant ces difficultés.
LA REPRESSION S’ACHARNE ET L’ADVERSITE AUGMENTE DE PARTOUT :
Le P.P.A. est parti sur sa première lancée au milieu d’immense difficultés. MESSALI HADJ fonce partout, tient de multiples meetings contradictoires et porte le combat jusqu’à Oran où il a tenu tête aux Communistes désemparés. Le Président du P.P.A. est traqué et injurié tandis que les seids du Congrès Musulman Algérien ne lui ont rien épargné de leur côté. Les hôtels refusent de le loger. On essaie partout de faire le vide autour de lui. Le but du gouvernement général de l’Algérie était, à cette époque, de faire désavouer MESSALI HADJ et sa politique d’indépendance, par les Algériens musulmans. Le Congrès Musulman Algérien et le Parti Communiste ont marché carrément dans cette voie. Plusieurs Algériens, se présentant comme de bons musulmans, conseillait avec une certaine pression à MESSALI HADJ de quitter la ville d’Alger et de se réfugier soit en France soit à Tlemcen, sa ville natale. Car, disaient-ils, il est question de votre arrestation. En réalité, le gouvernement français hésitait d’arrêter MESSALI HADJ pour ne pas en faire un martyr. C’est pourquoi il avait inspiré d’autres pour le désavouer et le chasser d’Alger même.
Le Président du P.P.A. avait non seulement méprisé cette propagande et re-fusé de se laisser duper, mais il invitait tous ses contradicteurs et ses adversaires à des réunions qu’il tenait aux cinémas « Diamant », « Le Mondial » et « Le Petit Casino ». Là il tint tête à tous ses contradicteurs et aida la cause du nationalisme algérien et de l’indépendance de l’Algérie. Ce furent là de grands journées patriotiques où les Algériens et la jeunesse de la Casbah assistèrent en masse.
LA CONSCIENCE NATIONALE :
Dans toute les réunions et les manifestations touchant les premiers pas du P.P.A., le mot indépendance de l’Algérie est prononcé de plus en plus avec une sympathie marquante.
Le peuple d’Alger a assisté par la suite à la magnifique manifestation du 14 juillet 1937 avec le drapeau algérien vert et blanc frappé de l’étoile et du croissant rouges. Celle-ci fut grandiose et partit du Champ de Manœuvres jusqu’à la Place du Gouvernement. Sur tout le trajet, il y avait plusieurs dizaines de milliers d’Algériens qui scandaient tous les slogans patriotiques, tandis que les femmes poussaient des yous-yous. A l’arrivée du cortège, sur la place du gouvernement, MESSALI HADJ fut hissé sur les épaules de dockers, prononça une allocution, rappela la Résistance algérienne et précisa le programme du P.P.A. et de l’indépendance de l’Algérie.
Cette journée du 14 juillet resta historique et on en parla pendant très longtemps. Effectivement, ce fut la première fois depuis le débarquement de Sidi Ferruch en 1830 qu’on a vu apparaîtra dans notre capitale le drapeau algérien. Ainsi donc, toutes ces activités et tous ces faits vont faire l’objet de discussions dans tous les foyers algériens. C’est là l’éveil de la conscience nationale qui va progressivement se développer.
ARRESTATION DE MESSALI HADJ
C’est dans cette atmosphère et dans ce combat pour l’indépendance de l’Algérie que MESSALI HADJ a été arrêté le 27 août 1937 à Alger, à la Rue François Villon et incarcéré e la prison de Barberousse. Cette arrestation a profondément ému le peuplé algérien et augmenté le prestige du Président du P.P.A. Aussi, durant des mois, notre peuple parla et commenta les premières prouesses du nationalisme algérien. Il y a eu quelque chose de nouveau qui a soulevé partout de l’admiration et de l’espérance. Cette arrestation va contribuer au renforcement du P.P.A., du nationalisme algérien et de la conscience nationale. En outre, le peuple algérien va maintenant, durant des mois et des années, avoir les yeux fixés sur les prisons de Barberousse et de Maison-Carrée ainsi que sur les tribunaux où MESSALI HADJ va, avec la même foi et la même sérénité, plaider le dossier de l’Algérie et de l’indépendance. Ainsi donc, que ce soit dans les prisons ou devant les tribunaux, MESSALI HADJ va avoir une attitude de fierté nationale et de dignité qui vont soulever de plus en plus les masses populaires.
LE P.P.A. DANS LA CLANDESTINITE :
A la suite de l’incarcération de MESSALI HADJ, la répression s’est répandue dans tout l’Algérois et les autres départements. Des dizaines de militants furent arrêtés par la suite et réunis à la prison de Barberousse et de Maison-Carrée Cette répression s’étend également en France où il y a perquisitions, arrestations et transfert à la prison d’Alger. Cette nouvelle situation va créer une nouvelle forme de lutte. C’est l’entrée du P.P.A. dans la clandestinité.
Madame MESSALI :
MESSALI HADJ arrêté fut remplacé immédiatement par son épouse qui, tenant par la main le petit Ali, âgé de 6 ans organisa la liaison entre Barberousse, Alger, Oran, Constantine, Biskra et Paris. Elle assista aux réunions, alla à la Casbah haranguer la jeunesse et rendit visite aux détenus. Sa maison est devenue le centre de ralliement des militants du P.P.A. Cette activité dura jusqu’à la déclaration de la deuxième guerre mondiale, puis continua jusqu’à l’élargissement de MESSALI HADJ et de ses amis le 26 avril 1943.
LE P.P.A. ET LA REVOLUTION ALGERIENNE
Le P.P.A., dans ses activités qui débutent à Paris le 11 mars 1937 jusqu’au 15 février 1947, date à laquelle s’est tenu le 1er Congrès du M.T.L.D. va entraîner de plus en plus le peuple algérien à la lutte pour l’indépendance, sans oublier les revendications immédiates sur le plan économique, social et culturel. Au fur et à mesure du développement de ces activités et des difficultés qu’il rencontre sans cesse, des formes nouvelles de lutte vont naître, se développer et aboutir à la phase révolutionnaire active. Par la suite, les dirigeants et les militants vont de plus en plus se pencher sur l’action directe, autrement dit l’action armée. Mais avant d’en arriver là, il était nécessaire de laisser le temps faire son œuvre et réunir un certain nombre de conditions en faveur de la préparation active de la Révolution. Cette période se développa peu à peu avec l’arrestation de MESSALI HADJ le 4 octobre 1939. Avant cette arrestation, MESSALI HADJ a réorganisé le P.P.A. selon les principes de la clandestinité en tenant compte de la guerre et de ses lois d’exception. Ainsi, la lutte du P.P.A. va se développer durant 8 ans. C’est là que le P.P.A. va forger son instrument de lutte révolutionnaire.
Effectivement, outre l’arrestation de MESSALI HADJ, il y a des centaines de dirigeants et de militants qui sont arrêtés et envoyés dans les camps. Ils sont trop nombreux pour citer leurs noms. Mais, demain, tous figureront sur le livre d’or de l’histoire comme ils ont vécu dans la pensée de notre peuple.
LE P.P.A. et LE M.T.L.D. :
Après le retour de MESSALI HADJ, en août 1946, d’Afrique Noire où il était déporté, celui-ci procéda, avec ses amis, à la création du MOUVEMENT POUR LE TRIOMPHE DES LIBERTES DEMOCRATIQUES (M.T.L.D.) en Novembre 1946. Cette nouvelle organisation qui est en sommes destinée à une activité politique légale restera toujours dominée par l’esprit du P.P.A. MESSALI HADJ était, à cette époque, Président et du P.P.A. et du M.T.L.D.
Le M.T.L.D. va se lancer immédiatement dans des activités électorales qui débutent avec les élections à l’Assemblée Nationale française, aux élections municipales, de djemaâs, à l’Assemblée Algérienne et aux cantonales.
Par ailleurs, le P.P.A. continue ses activités au sein même du M.T.L.D. et créera par la suite une organisation para-militaire au 1er Congrès du M.T.L.D. qui a eu lieu le 15 février 1947. De ce fait, les tâches sont divisées entre les deux mouvements qui travaillent parallèlement.
L’activité électorale et parlementaire va évidemment créer une vie nouvelle qui ne cadre pas avec les principes révolutionnaires ; le parlementarisme va embourgeoiser le M.T.L.D. Mais grâce à la présence du P.P.A. et de ses principes révolutionnaires, il y a une limite qu’on ne peut dépasser. Le P.P.A. et son chef MESSALI HADJ restent vigilants et maintiennent les objectifs du MOUVEMENT NATIONAL ALGERIEN qui doivent aboutir un jour ou l’autre au déclenchement de la Révolution Algérienne.
LE CONGRES EXTRAORDINAIRE D’HORNU :
Ce glissement vers la collaboration avec le néo-colonialisme a ses origines dans notre participation à la vie électorale. Il y a d’autres causes à cela qu’il est inutile d’exposer ici pour le moment ; Néanmoins, cette nouvelle politique de compromission va aboutir à la crise du parti et au Congrès extraordinaire d’Hornu (Belgique) qui a eu lieu les 14,15 et 16 juillet 1934. Ces assises nationales du M.T.L.D. ont mis fin à cette déviation et pris des mesures nouvelles pour son retour aux principes révolutionnaires qui avaient été arrêtés au 1er Congrès du M.T.L.D. de février 1947.
De plus, ce Congrès extraordinaire a pris un certain nombre de décisions et de mesures pour élever la lutte du MOUVEMENT NATIONAL ALGERIEN à la hauteur des événements qui se déroulaient en Afrique du Nord. En un mot, le Congrès extraordinaire d’Hornu du 14 juillet 1954 s’est réuni pour mettre la dernière main sur les préparatifs de la Révolution Algérienne avant le 1er novembre 1954. Nous nous contentons simplement d’annoncer cet événement pour l’heure, mais il va sans dire que nous allons revenir sur cette question dans les prochains jours avec le cessez-le-feu, la proclamation de l’indépendance de l’Algérie et la mise sur pied de toutes les institutions pour le futur Etat algérien.
C’est grâce au P.P.A. que tous ces glissements et cette orientation vers un nationalisme réformistes sont évités et éliminés. Cela évidemment ne s’est pas fait sans heurter les réformistes nationaux qui allaient tout de go à la collaboration avec le néo-colonialisme français. C’est là également un des grands bienfaits du P.P.A. dont l’esprit est resté toujours vivant.
Il est clair que le P.P.A. a été déterminant dans la préparation de la Révolution et de son déclenchement. C’est en souvenir de cela et de son passé glorieux, et c’est en nous inclinant devant toutes les victimes qui ont jalonné la voie du nationalisme algérien que nous avons consacré ces quelques pages à ce 25 ème anniversaire. du P.P.A. qui est l’un des partis les plus grands d’Afrique du Nord.
Ce 25 ème anniversaire du P.P.A. coïncide avec l’indépendance proche de l’Algérie. Heureuse coïncidence qu’on ne pouvait mieux espérer. C’est aussi un heureux présage sur l’avenir, une indication aux patriotes algériens qui doivent faire leur union autour de la patrie libérée.
Il nous reste qu’à souhaiter que la prochaine étape soit celle des réalisations de cette indépendance sur le plan des institutions de l’Etat algérien, de l’économie, du social et du culturel. Ainsi donc, l’esprit bienfaisant et fécond du P.P.A. préparera l’avenir comme il a réalisé le présent.
Le M.N.A. s’en réjouit et s’en félicite et déclare que le P.P.A. restera sa pensée révolutionnaire, son guide et son parti politique, tout en tenant compte du progrès et des nécessités de l’heure.