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Aristide Lapeyre : A propos du livre « Le Déshonneur des Poètes » de Benjamin Péret

Article d’Aristide Lapeyre paru dans Monde nouveau, n° 4, mai-juin 1946, p. 2

Il nous arrive de Mexico un texte de Péret pour nous prouver qu’il existe encore des hommes libres. Ce texte est la réaction naturelle d’un poète après la lecture d’un ramassis de mauvaises jérémiades intitulé dérisoirement : « L’honneur des poètes », paru pendant la clandestinité et dû à la collaboration de quelques troubadours stalino-chrétiens.

Il est inutile d’insister sur la nullité de ces soi-disant poèmes dont le niveau lyrique, comme dit Péret, ne dépasse pas celui de la publicité pharmaceutique. On sait déjà le déclin d’un Eluard depuis qu’il a quitté ses camarades surréalistes. Quant à Aragon, notre poète national, il est toujours égal à lui-même et pour avoir tenté d’être le Maïakowski Français (avec un grand F), il n’est parvenu avec son habituel talent qu’à réincarner Paul Déroulède sur son propre sol national. La grande faute de ces hommes (ils ne sont pas responsables de leur médiocrité) consiste d’après Péret à avoir, pour une cause politique, réduit en esclavage, c’est-à-dire annihilé la poésie.

Ils ont borné sa fonction à celle de moyen de propagande. Et leur cause, fût-elle même la cause de la révolution, qu’ils auraient eu tort.

La poésie, la vraie, est par essence même révolutionnaire, non conformiste, et vouloir l’asservir pour des menées politiques à un parti, c’est en méconnaître le caractère le plus profond. La poésie milite pour la révolution sur son terrain propre et doit conserver sa liberté d’action. Il ne s’agit plus de chanter la liberté, mais il faut savoir chanter librement.

De plus, les responsables de la brochure en question, loin d’être révolutionnaires, eurent le malheur d’exalter trois des traits caractéristiques d’une civilisation réactionnaire : la religion, le chef, la patrie. Les larmes dans les yeux, ils s’apitoyèrent sur le sort de notre doux pays ; la gorge serrée, ils devinrent lyriques, en pensant au pape Staline, digne représentant de Dieu sur la terre.

Soyons reconnaissant à Benjamin Péret d’avoir une fois pour toutes réglé la question de cet art en régression et ne nous appesantissons plus sur les élucubrations de ces convertis.

A. L.

Une réponse sur « Aristide Lapeyre : A propos du livre « Le Déshonneur des Poètes » de Benjamin Péret »

Voilà un article qui convient à bien des égards aux médias enfiévré par la campagne présidentielle actuelle.
« Il ne s’agit plus de chanter la liberté, mais il faut savoir chanter librement. »
Voilà une phrase que nous pouvons appliquer tous les jours aux journalistes qui nous parlent de liberté à longueur de journée….

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