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Itinéraire de Robert Bonnaud

Article paru dans La Vérité des travailleurs, n° 125, avril 1962, p. 16

L’auteur de ce petit volume publié dans la collection des Editions de Minuit, Bonnaud est à présent enfermé à la prison des Baumettes, à Marseille, en raison de la lutte qu’il a menée dès le début contre la guerre d’Algérie. Ajoutons qu’il y est aussi victime d’une provocation policière montée pour mieux corser le dossier établi contre lui.

Le livre publié par les Editions de Minuit contient un article « La paix des Nementchas » paru dans la revue Esprit, témoignage de la guerre en Algérie, ainsi que des lettres écrites par Bonnaud, depuis 1956 quand il fut rappelé à l’armée jusqu’à décembre 1961 de la prison marseillaise. Ces lettres constituent une sorte de recherche théorique sur les problèmes posés par la révolution coloniale et l’attitude du mouvement ouvrier européen face à celle-ci.

Bonnaud est amené à traiter plus particulièrement des courants de gauche. A ce sujet, on trouve dans son livre une démolition impitoyable de la « gauche respectueuse ». Il écrit :

« L’épouvantail de Martinet (« la confusion des objectifs du nationalisme algérien et du socialisme français ») est la réalité même de la Révolution. »

La lutte du peuple algérien conduit au socialisme, même si ce n’était pas dit explicitement par le F.L.N. Il est vrai que l’on peut avoir quelque doute sur les objectifs du « socialisme français », en dépit de ses affirmations.

Mais la pensée de Bonnaud et son orientation ne sont pas toujours aussi claires. Il avait appartenu au P.C.F. avec lequel il rompit lors du 20e Congrès. Il a espéré tout d’abord que les actions d’avant-garde d’aide à la Révolution algérienne — qui ont sans aucun doute joué le râle de traitement de choc sur la société française et bousculé l’apathie dans laquelle les directions traîtresses voulaient maintenir la classe ouvrière — il a espéré que ces actions polariseraient les masses autour de nouveaux groupements, de nouvelles directions ; et ceci ne s’étant pas produit, on sent chez lui une sorte de désespoir sur la classe ouvrière européenne, sur le mouvement ouvrier européen, une tendance du type exprimé par Fanon ou par Sartre. Ce n’est certes pas catégorique et surtout pas définitif, mais il n’y a pas de doute qu’il exprime ce qu’on sent chez plus d’un qui a été déçu par la faiblesse, la quasi-inexistence, de l’intervention de la classe ouvrière française en faveur de la Révolution algérienne, à savoir qu’il faut mettre une croix sur le mouvement ouvrier européen et que le socialisme viendra d’ailleurs. Il ne voit pas un retard de la révolution européenne, mais tend à croire désormais à l’inexistence de celle-ci.

On peut espérer que, grâce aux événements qui commencent à sortir le mouvement ouvrier européen de l’apathie engendrée par la combinaison d’un boom extraordinaire et de la trahison des directions traditionnelles, Bonnaud et tous ceux qui se sont donnés corps et âme à la défense de la révolution coloniale, clarifieront leurs pensées et se retrouveront à nos côtés dans la lutte pour la formation de partis marxistes révolutionnaires de masse capables de conduire la classe ouvrière européenne, dans de nouvelles conjonctures, à la révolution prolétarienne et au socialisme.

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