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Mouvement National Algérien : Bulletin intérieur (avril-mai 1962)

Mouvement National Algérien, Bulletin intérieur, avril-mai 1962

RECONVERSION POLITIQUE

Le 22 Avril dernier, le Bureau Politique avait tenu une conférence d’information aux cadres du parti. Les négociations franco-F.L.N. et les accords qui suivirent étaient les principaux thèmes de la conférence. Devant la situation de fait née des accords d’Evian et du cessez-le-feu, quelle devait être la position du parti ? Telle était la question que l’on se posait avec insistance. Le Bureau Politique a fini par y répondre en décidant la reconversion du parti. Cette décision a été portée à la connaissance des militants et même de l’opinion publique.

Que signifie cette reconversion ? Pourquoi a-t-elle été décidée ? Dans quelles conditions sera-t-elle appliquée ? Autant de questions auxquelles nous essayerons de répondre.

Définition :

La reconversion politique d’un parti est l’opération par laquelle ce parti transforme son activité révolutionnaire clandestine en une activité politique légale.

Raisons de cette reconversion :

1°) En temps de paix et dans la mesure où les libertés démocratiques sont respectées, il est de règle que tout parti politique choisisse d’activer dans la légalité. C’est en effet dans ce cadre que les organisations politiques s’épanouissent, se renforcent, diffusent aisément leur littérature et leurs mots d’ordre.

Quand nous pensons à la révolution algérienne, nous remarquons que celle-ci n’a pas été le fait du hasard. Elle a été, au contraire, préparée de longue date par le parti qui a su profiter, à cet effet, de sa légalité. Le parti n’a eu recours à la clandestinité qui forme l’exception que lorsqu’il s’est vu traqué, réprimé, privé de toute liberté, empêché de faire son devoir. Dans sa vie clandestine, il a rencontré beaucoup de difficultés. La vie illégale engendre souvent des abus et des crises qui affaiblissent et retardent la bonne marche de l’organisation si celle-ci a eu la chance de survivre. D’où l’avantage de la légalité.

2°) Le peuple algérien a acquis le droit de décider de son propre sort ; il va bientôt pouvoir se prononcer par voie de référendum. Le F.L.N., profitant de ces accorda avec le gouvernement français, s’est installé partout dans le pays pour encadrer le peuple et lui faire plébisciter le contenu desdits accords. Il est vrai que ces derniers autorisent les autres partis politiques à participer à la campagne pour le référendum au même titre que le F.L.N. Après cette compétition, le peuple algérien sera, en outre, appelé à élire une Assemblée constituante qui désignera un gouvernement provisoire et élaborera la constitution du futur Etat algérien. Plus tard, il devra accepter ou refuser la constitution. Ce qui demandera encore d’autres consultations populaires successives.

Devant de telles perspectives, que doit faire le parti ? Doit-il rester à l’écart de toutes ces compétitions historique qui décideront du sort de notre pays et de l’avenir de notre peuple ? Ou bien préférerait, au contraire, prendre part à ce combat politique pour défendre les droits et intérêts de notre peuple, dénoncer les abus et violations dont celui-ci pourrait faire l’objet, contribuer à l’édification de la Nation et de l’Etat algériens, etc… ?

La logique veut que le parti choisisse cette dernière alternative qui est positive et conforme à ses traditions et à son but. Il doit donc être présent partout, Mais cette présence ne pourra se manifester que dans la légalité, c’est-à-dire après reconversion du parti. C’est pour-quoi le Bureau Politique a jugé cette mesure nécessaire et en a décidé le principe. Il se prépare maintenant à la mettre en application.

Conditions d’application :

Sans doute, le parti rencontrera sur son chemin beaucoup d’obstacles. En effet, nous venons à peine de sortir d’une guerre qui a conté d’énormes sacrifices à notre peuple. Elle n’a pas moins bouleversé des esprits et renversé bien des situations. Non seulement le parti a perdu dans ce dur combat de la liberté, des milliers de ses hommes, mais encore il a particulièrement souffert d’une campagne de calomnies et de mensonge ; que ses nombreux ennemis ont savamment orchestrés pour tenter de le salir et détruire son prestige aux yeux de l’opinion publique en général et du peuple algérien en particulier. Cette propagande criminelle a malheureusement trouvé un terrain propice parmi la nouvelle génération algérienne. Notre premier contact avec cette jeunesse ainsi intoxiquée ne sera pas aisée d’autant plus que cette dernière subit dans son immense majorité l’influence du F.L.N. qui veut être le seul dirigeant du peuple comme il a été le seul interlocuteur algérien aux négociations. C’est d’ailleurs dans ce but qu’après avoir vainement tenté d’éliminer le parti sur le plan de l’opinion publique, le F.L.N. s’efforce à présent de lui barrer la route en Algérie et de l’empêcher de contacter le peuple.

Autant de difficultés en perspective que le parti devra s’efforcer d’éliminer en renforçant ses rangs et ses moyens de lutte dans le pays.

C’est dans ces conditions difficiles que nous sommes obligés d’aborder cette nouvelle phase de la lutte politique pour imposer notre présence dans le pays et appeler le peuple a nous faire confiance.

Tâche délicate et ardue qui exige du militant M.N.A., non seulement le courage et l’abnégation du combattant, mais aussi la clairvoyance et la sagesse politique du responsable. Il s’agit en effet de la vie du parti, de l’avenir de notre pays. La moindre défaillance de notre part risquerait, pour le moins, de compliquer davantage notre situation et de retarder l’accomplissement de notre devoir. La voie légale nous étant maintenant ouverte, sachons en profiter pour amener le peuple à nous suivre et nous faire confiance.

Union et réconciliation :

Dans cette lutte légale, union et réconciliation des nationalistes algériens doivent rester nos mots d’ordre. L’intérêt de la Révolution et l’avenir de notre pays exigent en effet la cessation des luttes fratricides. Dans ce but, nos militants ont déjà déployé beaucoup d’efforts, quelquefois même au risque de leur vie. S’ils n’ont pu réussir jusqu’ici, ils ne doivent pas pour autant perdre espoir et renoncer à la poursuite de leur mission.

La Révolution n’est pas terminée et l’indépendance nationale non encore acquise. L’O.A.S. s’y oppose et tente d’y faire échec en assassinant journellement, dans le pays, des dizaines de nos frères. Devant ces crimes, le parti ne s’est pas tu. Il n’est pas resté non plus inactif. Il a dénoncé ces méfaits et même combattu ses auteurs. De leur cité, nos militants doivent encore déployer tous les efforts pour faire comprendre à leurs compatriotes, où qu’ils se trouvent et à quelque parti qu’ils appartiennent, la nécessité de faire bloc pour arrêter ces assassinats et barrer la route au fascisme.

Par ailleurs, l’Algérie ne tardera pas à recouvrer son indépendance nationale. Notre peuple sera appelé dans son ensemble à participer à la construction de la Nation et de l’Etat algériens. Cette œuvre ne pourra s’accomplir que dans l’union et la réconciliation de tous. Il faut que nos militants redoublent aussi d’efforts pour mettre fin aux luttes fratricides et éviter ainsi au pays l’expérience du Congo ex-belge. Leur tâche est d’autant plus noble que la reconversion du parti la rend plus facile. Ils auront ainsi la possibilité de pénétrer les masses pour leur faire comprendre que le parti n’a jamais cessé d’être ce qu’il a toujours été : LE DEFENSEUR SINCERE ET DEVOUE DU PEUPLE ET DE SA CAUSE NATIONALE.

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