Article paru dans Le Libertaire, n° 141, 6 août 1948, p. 3
C’est avec plaisir que nous accusons réception (et les surréalistes voudront bien nous excuser du retard) d’un tract intitulé « A la niche, les glapisseurs de Dieu », signé par Breton, Maurice Henry, Pierre Mabille, Benjamin Péret et bien d’autres encore.
Ce tract est essentiellement dirigé contre une série de tentatives de l’Eglise catholique exprimées au travers d’une suite d’ouvrages « érudits », de « s’incorporer » le surréalisme en prétendant y trouver des aspirations identiques à celles de la Sainte Eglise de Rome. Un autre procédé consiste à interpréter l’athéisme comme une affirmation de Dieu, selon le « truc » bien connu d’une prétendue dialectique et, comme l’écrivent nos amis surréalistes :
« Cette proposition initiale une fois acceptée, le combattre (Dieu) c’est encore le soutenir, le détester, c’est encore le désirer ». De la sorte « Toute discussion est, faute de la moindre constance dans le langage par eux (les chrétiens) employée, c’est-à-dire en raison de leur duplicité fondamentale, impossible… Aussi bien… que les exégètes ne soient pas surpris de nous voir recourir encore aux « grossièretés » de l’anticléricalisme primaire« . Ces apostrophes « sont évidemment dépourvues de tout objectif sur le plan divin » mais « continuent néanmoins à exprimer notre aversion irréductible à l’égard de tout être agenouillé ».
Nous ne pouvons que nous associer à cette protestation contre l’hypocrisie religieuse, de même que nous ne pouvons qu’approuver Breton lorsqu’il déclare, au cours d’un récent interview à l’hebdomadaire Une Semaine dans le monde :
« Plus que jamais je crois à la nécessité de la transformation du monde dans le sens du rationnel (ou plus exactement du surrationnel) et du juste. Qu’un parti politique prétende monopoliser l’entreprise de cette transformation, ce n’est pas pour cela que j’accepterai de m’insérer dans son ordre idéologique qui se désagrège et d’en passer par ses moyens qui me répugnent. Je veux continuer de voir l’avenir de l’homme en clair et non dans la gigantesque ombre portée de cette casquette de bagne… »
Inutile de souligner qu’en revanche les Staliniens ne manquent pas d’attaquer Breton de la manière basse qui leur est coutumière. Mais il est du destin de ceux qui luttent contre toutes les églises de recevoir leurs anathèmes…