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Algérie : Durcissement et amplification de la répression

Article paru dans Tribune Internationale – La Vérité, n° 21, janvier 1984, p. 9

View of an unidentified street, Algiers, Algeria, 1983. (Photo by Gianni Ferrari/Cover/Getty Images)

PLUSIEURS centaines de morts : tel est le tragique bilan que la presse internationale dresse au lendemain des émeutes qui ont secoué tout le Maroc dans la semaine du 17 au 25 janvier 1984. Comme en Tunisie (voir notre article), les masses laborieuses, exaspérées par la hausse brutale des prix des produits de première nécessité, sont descendues dans la rue pour « réclamer le droit à la vie ». Dans les deux pays du Maghreb s’affirme avec force une volonté de refus des plans d’austérité dictés par l’impérialisme, via le Fonds monétaire international.

Et l’Algérie ? Tout semble fait pour accréditer l’idée que le pays est « calme », qu’il n’y règne « aucune agitation ». Pourtant, selon le correspondant du journal Le Monde (17 janvier 1984), « 400 arrestations ont été opérées en Oranie, dans l’Algérois et dans les Aurès en octobre 1983 », et le même journal mentionne l’existence d’un comité qui s’en formé pour la libération de Maître Ali Yahia Abdenour, et qu’ « une pétition portant 2 700 noms avec professions a été remise au ministère de la Justice (…). Six personnes arrêtées fin décembre pour détention de tracts sont actuellement incarcérées à Alger. » Par ailleurs, la Ligue des droits de l’homme et l’Association internationale des juristes démocrates ont été informés.

C’est ainsi que l’opinion publique ouvrière et démocratique vient d’apprendre qu’en Algérie, une dure répression sévit depuis des mois. Des étudiants, des amis d’A. Ben Bella, des femmes qui ont combattu pour leurs droits, ceux qui défendent les droits culturels berbères subissent la répression. Es effectivement, fin décembre, 11 personnes — 9 hommes et 2 femmes — ont été emprisonnés sous l’accusation d’appartenance à l’Organisation socialiste des travailleurs, section de la « IVe Internationale (Centre international de reconstruction) ».

Cette répression ne peut être séparée de la situation qui règne dans le pays et que l’élection de Chadli — seul candidat ! — à la présidence ne peut masquer. Hausse constante du coût de la vie, préparation d’une augmentation généralisée des loyers, plans de remise en cause de la Sécurité sociale. Et enfin, expulsion brutale de habitants des « bidonvilles » d’Alger, baptisée opération « dégourbisation » et menée à bien par la police, l’armée et l’appareil du parti.

L’Organisation socialiste des travailleurs, dans son journal Tribune Ouvrière, combat pour que la parole soit donnée au peuple algérien, pour que le peuple algérien décide. Elle se prononce pour le rétablissement de toutes les libertés démocratiques et ouvrières et pour la libération de tous les détenus politiques, pour l’élection au suffrage universel d’une Assemblée constituante souveraine.

L’accentuation de la répression en Algérie met au premier plan la nécessité de l’action contre les arrestations, pour la libération des détenus politiques. Une initiative importante a déjà été prise en France : on trouvera ci-dessous le texte d’un appel à la constitution d’un comité pour la libération des prisonniers politiques, ainsi que la liste des premiers signataires qui démontre d’ores et déjà que ce n’est pas dans le silence que la répression pourra continuer à se développer en Algérie.

23 janvier 1984,
H. Vigier


Appel pour la constitution d’un comité pour la libération des emprisonnés politiques en Algérie

Une importante vague d’arrestations a eu lieu en Algérie depuis les trois derniers mois.

Les soussignés décident de porter à la connaissance de l’opinion publique les principales personnalités arrêtées :

• Ali Yahia Abdenour, vieux militant nationaliste, âgé de 64 ans, qui a défendu en tant qu’avocat les militants arrêtés en Kabylie.

• Fatima Ouzegane, héroïne de la guerre de libération nationale.

• Louisa Hanoune, juriste.

• Leïla Souidi, géographe-urbaniste.

Toutes trois animatrices du Collectif-Femmes contre le Statut Personnel, pour le droit des Femmes.

• Abderahmane Arfoutni, enseignant, militant syndicaliste

• Mohammed Nakkache, vieux nationaliste, ancien ministre de la Santé.

• Mme Nakkache, dont on n’a aucune nouvelle depuis son arrestation.

• Omar Sakhri, ex-membre du comité central du CNRA.

• Mohamed Kharisse, ouvrier, ancien délégué syndical.

• Boubakar Benmansour, militant.

• Ouadah Benaouda, ancien militant de l’OS, homme du 1er novembre 1954.

Que leur reproche-t-on, ainsi qu’aux nombreuses autres personnes incarcérées, pour certaines depuis des années ?

Pour les uns, de défendre les droits culturels berbères ; pour d’autres, d’animer le « Collectif femmes » ; pour d’autres enfin, d’avoir ou d’avoir eu des relations avec M. Ben Bella.

Les récentes arrestations concernent des personnes accusées d’être des militants de l’Organisation socialiste des travailleurs (OST), section algérienne de la « IVe Internationale (CIR) ».

Le dénominateur commun à toutes ces arrestations est clair : on dénie en Algérie le droit de se réunir, celui de distribuer un tract, d’émettre une opinion politique différente de celle du pouvoir.

Nous, soussignés, nous élevons contre l’arrestation arbitraire dont
sont victimes ces personnes, demandons leur libération, ainsi que celle de tous les détenus politiques.

B. Stora, assistant Paris VII – M. Harbi, historien – L. Schwartz, mathématicien – C. Bourdet, journaliste – S. N’Dango, syndicaliste – M. Leiris, écrivain – D. Guérin, historien – M. Nadeau, écrivain – D. Champault, ethnologue – G. Rouget, directeur de recherches CNRS – D. Fraysse, avocate – S. Naïr, professeur sciences politiques Paris VIII – M. Belhadj, journaliste – S. Bachir, syndicaliste – K. Amour, maître-assistant Paris VIII – A. Salhi, étudiant-syndicaliste – Taleb Sayah, journaliste – L. Abssi, retraité – Moussa, syndicaliste – P. Broué, historien – Maîtres : Buhl, D. Marouani, H. Carrera-Rubinstein, Bourdon, Maison-Neuve, J.-L. Malterre, Dolard, Lejard, Lambert, Viallet : avocats – A. Khalaf, F. Blot, J. Coby, Waïzani, P. Ménard : médecins – Fiere, professeur de médecine – D. Berger, assistant sciences politiques Paris VII – J.M. Vincent, directeur UFR sciences politiques Paris VIII – J. Valier, professeur sciences économiques Paris X – J.-P Audigier, professeur lettres anglaises Paris VIII – A. Challier, enseignant Beaux-Arts – Coppon, psychiatre – J. Aster, directeur auditorium M. Ravel Lyon – F. Mennecier, chercheur CNRS – M.-F. David, syndicaliste – M. Combe, enseignante – W. Andreff, J.-P. Dougeon, universitaires Grenoble.

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