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Alors que police et grande presse montent en épingle certains délits, racisme et préjugés continuent à diviser la classe ouvrière et empoisonner sa conscience

Article paru dans Voix ouvrière, n° 46, 2 novembre 1965, p. 3

Production line mechanics working on a new Peugeot car in the assembly shop at Sochaux, 1960s. (Photo by Archive Photos/Getty Images)

CHEZ U.C.L.A.F.

VIVENT LES TRAVAILLEURS ALGERIENS !

Le racisme est une des plaies les plus honteuses de la classe ouvrière. Il s’exerce en général contre tous les travailleurs étrangers et contre les Nord-Africains en particulier. La récente affaire de viol d’une jeune femme par sept individus a déclenché une vague d’indignation qui s’est canalisée contre les Nord-Africains en général. On ne cherche pourtant pas des poux sur la tête aux Lyonnais aux Bretons, ou aux Corses, tous « bons Français » lorsque l’un d’entre eux commet une agression, un viol ou autre délit.

A l’usine 1, en fabrication, quelques racistes ont lancé une pétition contre les Algériens, demandant qu’on les renvoie de l’usine et de France.

Jusqu’à présent, on croyait que seul le patron avait le droit de vider des salariés. Maintenant ce sont quelques travailleurs qui aspirent à faire ce sale boulot… avec l’appui des flics. Il n’y a vraiment pas de quoi être fiers.

Si un jour le patron décide de licencier l’un des signataires de la pétition, de quoi se plaindra-t-il ? Si un jour les flics matraquent des grévistes, de quel droit un gréviste-signataire se plaindra-t-il, lui qui a fait appel à la police peur vider d’autres travailleurs ?

D’ailleurs à propos de grève, ces courageux signataires sont-ils aussi gonflés pour lutter contre le patron ? On nous permettra d’en douter.

Par contre, ce que nous savons, c’est qu’il y a des centaines de milliers d’Algériens qui ont énormément de courage, et qui l’ont montré durant 7 ans d’une guerre horrible contre l’impérialisme français, ce qui leur a coûté 1.000.000 de morts avant qu’ils arrachent leur indépendance.

Nous savons aussi que ce même impérialisme français a, pendant des dizaines d’années condamné les Algériens à la misère. Misère qui dure encore aussi bien dans les usines françaises qu’en Algérie même, toujours à cause de l’impérialisme.

Alors de deux choses l’une : ou bien les signataires sont des inconscients ou bien des complices du capitalisme. Quoi qu’il en soit, leur geste n’honore pas la classe ouvrière.


CHEZ CHAUSSON

UN SEUL ENNEMI, LE PATRON

Malgré la grève des mineurs, en mars 63, qui a vu l’admirable combativité de nos camarades dont beaucoup étaient des étrangers.

Malgré les grèves importantes en Espagne, il y a deux ans, et encore récemment, qui ont montré le courage de nos camarades espagnols, sachant qu’ils risquaient la prison et les tortures pour fait de grève.

Malgré la guerre d’Algérie qui a montré l’héroïsme des travailleurs algériens, malgré tant de preuves de courage et d’abnégation dans la lutte, certains camarades, heureusement fort peu nombreux, ont eu des réactions pas très accueillantes devant l’arrivée des nouveaux embauchés, en grande partie des étrangers. Ils craignent sans doute les bas salaires et le chômage devant l’afflux de personnel.

Il est vrai que cela entre aussi dans l’optique du patron. Embaucher des ouvriers qui peuvent concurrencer les autres avec un salaire dérisoire pour le même travail, telles sont aussi les intentions de Chausson. Mais, avant l’arrivée de ces camarades avions-nous un meilleur salaire ? Les conditions pour arracher au patron des augmentations de salaire étaient-elles plus favorables, et quand ?

Les seuls moment où nous avons bénéficié d’une augmentation de salaires, où nous avons vu notre sort s’améliorer, c’était quand nous étions en lutte, tous ensemble, tous unis, face au patron, notre seul ennemi.


CHEZ CITROEN

CE PELE… CE GALEUX…

Depuis quelques semaines, le Crédit Lyonnais a décentralisé certains de ses services du boulevard des Italiens et a envoyé — sans leur demander leur avis — 1.200 personnes travailler à Levallois.

Tous ces employés sortent le soir à la même heure que nous et cela n’est pas sans poser de problèmes. En effet, le métro, déjà encombré par le passé ne peut pas absorber cette foule d’un seul coup. Cela se traduit pour nous, comme pour les employés du Crédit Lyonnais, d’ailleurs, par des bousculades, des conditions de transport encore plus pénibles, une perte de temps et une fatigue accrue.

Certains d’entre nous ont trouvé les responsables : ce ne serait pas les patrons, incapables d’organiser l’étalement des sorties d’usines ce ne serait pas la RATP c’est-à-dire l’Etat et le gouvernement, qui ne jugent pas nécessaire de donner aux travailleurs un métro différent de celui de 1900 ; les responsables, ce seraient : « ces salauds d’employés, ces fainéants, ces fonctionnaires payés à rien foutre, qui viennent nous prendre nos places dans le métro ! »

Un tel état d’esprit, de telles paroles ne font pas honneur à ceux qui les prononcent et sont inadmissibles. Les employés du Crédit Lyonnais sont des exploités au même titre que nous, ouvriers de Citroën, et le fait qu’ils travaillent en blouse ou en chemise et cravate ne change rien à leur condition de prolétaires. Si le C.L. a décidé de les transplanter à Levallois, il n’y sont pour rien et pour la plupart ce fut contre leur gré puisque leur temps de transport s’en est trouvé allongé de près de une heure par jour. D’ailleurs ils ont engagé et mènent actuellement une lutte pour la diminution de leur temps de travail.

Nous avons tous, métallos ou employés de banque, les mêmes intérêts et la solution n’est pas de nous entredéchirer mais d’être solidaires face à notre ennemi commun : le patronat.

— journée de travail plus courte…
— étalement des sorties d’usine…
— amélioration et modernisation de la RATP…

Telles sont les revendications que nous devons être capables d’obtenir du patronat et de l’Etat bourgeois.


A AIR-FRANCE

OUVRIERS ET MENSUELS : TOUS DES EXPLOITES

Bien que les ouvriers et les mensuels aient les mêmes besoins, des salaires identiques, et le même pouvoir d’achat, la façon de voir de l’un et de l’autre est souvent différente.

En général, les ouvriers, du fait qu’ils se trouvent au cœur même de la production, ont beaucoup plus conscience d’être exploités. Certains vont même qu’a dire qu’ils sont les seuls à faire tourner l’usine. Or, ceux qui travaillent à l’approvisionnement en matières premières, à la distribution des matières transformées, dans les magasins, dans les bureaux d’étude, dans les services de gestion, etc., font partie intégrante de l’usine, sont indispensables à la production moderne et sont exploités au même titre que ceux qui ont des tâches manuelles.

De son côté, le mensuel a tendance à croire que son emploi le différencie de l’ouvrier. Il est en contact avec l’élément directeur de l’entreprise, et, bien souvent, il s’identifie à lui. Le fait d’avoir un travail propre et de ne pas porter de bleus lui fait penser que sa condition est supérieure. Pour toutes ces raisons, et aussi à cause d’un certain cloisonnement, l’organisation syndicale est moins implantée dans les bureaux que dans les ateliers.

Cependant, on ne mesure pas toujours le degré d’exploitation d’un individu à la forme ou à la couleur de son vêtements. Il est certain que la condition de l’ouvrier et celle du mensuel sont aussi mauvaises et que leurs intérêts sont identiques. D’ailleurs, bien souvent, la femme de l’ouvrier travaille dans un bureau, et réciproquement. Ouvriers et mensuels n’amélioreront leur sort que dans la mesure où ils lutteront ensemble. Pour arriver à une identité de vue, à une conscience commune pour se battre ensemble, il faut prendre des contacts les uns avec les autres. Notre division face au patronat est notre faiblesse, et pourtant, en nous unissant, notre force est grande.

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