Catégories
presse

Auguste Gallois : L’affaire Toulaév de Victor Serge

Article d’Auguste Gallois paru dans Force ouvrière, n° 167, 10 mars 1949, p. 10

CE n’est pas autre chose qu’un roman de la vie russe d’avant la dernière guerre mondiale.

Écoutez la voix de Victor Serge. C’est un de ceux qui savent et qui va vous parler de ce qui se passe de l’autre côté, là-bas, en terre russe. Au moment où il écrivit ce livre, il revenait de Russie.

Il avait vécu dix-sept années dans ce pays. Né par hasard à Bruxelles d’universitaires russes exilés, il était parti, dans un grand élan d’enthousiasme, porter à la jeune révolution son adhésion spirituelle et l’offrande de toute sa personne.

Puis, les dissentiments sont venus et avec eux la prison, la déportation au fond de la Sibérie, une vie impossible dans un milieu unique. Il fait 15 mois de cellule et 45 mois de travail forcé. Il prend contact avec les hommes écrasés par d’autres hommes dans les coins noirs d’une société affreuse.

Aussi, sa fiction introduit le lecteur dans le système russe. Ce n’est pas pour rien qu’il a vécu a Orenbourg qu’il a été condamné par une mesure administrative prise dans le secret des bureaux. Ce n’est pas pour rien que sa vie a été brisée, sa santé ébranlée et qu’il a été emprisonné la d’où l’on ne revient que par miracle. Il sait de science profonde et d’expérience, il sait de toutes ses fibres, de tout son être meurtri, ce qu’il a vécu, ressenti et subi. Et, justement, parce qu’il a eu la révélation de l’injustice qui s’abat inopinément sur l’homme dans ces sortes de régimes, il nous fait pénétrer dans la terrible machine à broyer des êtres qui fonctionne impitoyable en Russie.

Il imagine donc un simple ouvrier qui tue l’un des chefs du parti, un soir, dans une rue solitaire. Ce meurtre, dont l’auteur reste introuvable, déclenche une immense opération policière suivie de « purges » hallucinantes.

Tout le décor d’une certaine civilisation nous est brossé de main de maître.

Évidemment, tout est fiction et tout est vrai. Et l’on sent que l’auteur a essayé de dégager, par la création littéraire, le contenu humain et général d’une expérience vécue, subie.

Ceux qui ont lu le livre de Kravchenko pourront comparer : ils verront de quel côté se trouve le talent.

Pour notre compte — et cela n’étonnera pas ceux qui connaissent l’œuvre de V. Serge — notre choix est fait.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *