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J. Graves : Où en est l’Algérie ?

Article de J. Graves suivi d’une brève parus dans La Vérité, n° 332, du 26 mars au 8 avril 1954, p. 2

DANS une série d’articles nous avions essayé l’an dernier de dresser un tableau des problèmes politiques nord-africains. Ce « bilan provisoire » mérite, après six mois, d’être à nouveau dressé parce que tant dans son ensemble que dans chacune des trois nations du Maghreb la situation a évolué.

Nous consacrerons nos trois premiers articles à l’Algérie. Non pas que la situation y soit caractérisée par cette tension maximum que connaît le Maroc ou par une évolution rapide à la manière de la politique tunisienne. Mais nous avions souligné dans nos précédents articles le rôle primordial que pouvait jouer dans l’élaboration d’une politique d’ensemble des partis nationaux d’Afrique du Nord le mouvement national algérien. Une autre raison de cette étude est que l’impérialisme – aidé par une situation dont nous analyserons les composantes – a persisté farouchement à maintenir l’Algérie en dehors des débats qu’a soulevés la « question nord-africaine ». Or nous ne nous prêtons pas à ce jeu ; n’en déplaise au professeur Montagne, le problème algérien existe et reste posé.

L’impérialisme le sait bien, du reste, qui poursuit en Algérie et ailleurs son impitoyable répression. Récemment encore à Nedroma les militants nationalistes et aussi leurs compagnes ou sœurs ont connu les sévices des forces de l’ordre. Il importe peu en présence de ces faits de répression qui demeurent l’essentiel de la politique française outre-Méditerranée que d’aucuns – plus habiles – esquissent vers le nationalisme des rapprochements de façade et que les néo-colonialistes à la Chevallier tentent d’impossibles conciliations. On commence à savoir ce que valent ces pseudo-conciliateurs qui tendant une main conservent une matraque sous la veste, ou laissent à d’autres le soin de frapper quand il convient, prêts à verser une larme hypocrite sur le sang répandu.

Les résultats des élections algériennes sont là pour prouver – s’il en était besoin – que le peuple algérien ne se laisse par prendre aux sirènes à qui Blachette souffle leur chant.

Le MTLD s’étant abstenu de participer à la compétition électorale – nous y reviendrons – le PPA et l’UDMA étaient les seules mouvement non administratifs à solliciter les suffrages des électeurs.

Le premier mérite de cette consultation c’est, à n’en pas douter, d’être révélatrice de l’influence réelle du PCA. Le seul élu « communiste » l’a été dans le collège européen, à Sidi Bel Abbès. Partout ailleurs, dans le second collègue, le PCA a perdu des voix ; même là où une liberté relative a été laissée aux électeurs, les candidats staliniens n’ont eu que quelques dizaines de voix. Le vote à Versailles pour Naegelen n’était pas pour regonfler le prestige du PCA aux yeux du peuple algérien ; et l’ambiguïté de ses positions politiques, les oscillations incessantes de sa « ligne » n’ont pas rendu la tâche facile à ses candidats.

La presse a souligné les circonstances de l’élection des trois UDMA dont le mandat a été renouvelé. Trois élus qui ne s’étaient pas vus opposer de candidats administratifs et dont les autorités ont « laissé faire » l’élection. Ferhat Abbas s’en est expliqué dans « La République Algérienne » du 19 mars. Si l’administration a toléré ces élus nationalistes ce n’est pas, écrit Abbas, que le gouvernement général puisse caresser l’espoir d’entraîner l’UDMA dans les voies douteuses de l’assimilation au pouvoir. C’est que d’une part l’administration savait toute intervention inefficace étant donné la popularité des candidats (c’est vrai pour Sétif, moins certain ailleurs). C’est aussi, ajoute le leader UDMA que l’administration veut sauver la face ; elle a besoin de faire croire à la sincérité des élections : il lui faut une opposition.

Mais, conclut Abbas, « si on va au fond des choses, on découvrira que la préfabrication des élections a été instituée au lendemain du vote du Statut de l’Algérie ». Ce Statut comporte quelques réformes progressives dont le législateur a subordonné l’application à la volonté de « l’Assemblée Algérienne ». Si les élections étaient libres, l’application de ces réformes aurait pu se faire. Mais grâce au truquage électoral, le gouvernement a repris d’une main ce qu’il avait feint de lâcher de l’autre.

Ce raisonnement nous paraît judicieux : « certaines réformes sont beaucoup plus dangereuses que le statu quo ». Cette remarque doit être pour nous l’occasion d’analyser les fondements et les possibilités politiques du « réformisme » en Algérie.

J. GRAVES.
(A suivre.)


LE M.T.L.D. FRAPPÉ

La police de Martinaud-Deplat lance une nouvelle vague répressive contre le Mouvement National Algérien, tant en France qu’en Algérie, avec perquisitions et arrestations arbitraires. De nouvelles provocations sanglantes, dont les terroristes colonialistes sont coutumiers, sont aujourd’hui plus que jamais à craindre, si un vaste mouvement de protestation ne se dresse pas contre l’arbitraire policier, pour le respect des droits élémentaires du peuple algérien et des libertés démocratiques en France même.

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