Article signé A. Amyot paru dans Nouvelle Gauche, 1ère année, n° 8, 22 juillet 1956, p. 2
Claude Gérard est toujours emprisonnée. Voici sept semaines qu’elle est détenue à la Petite-Roquette. Nous avons protesté chaque fois que des journalistes avaient été inquiétés pour avoir informé objectivement le public des réalités qu’ils avaient été à même de constater.
L’information honnête et libre n’est guère compatible avec le climat politique qui accompagne les guerres de reconquête coloniale. Les poursuites se sont multipliées ces derniers temps contre les journalistes de gauche coupables d’avoir écrit ce qu’ils savaient ou ce qu’ils pensaient sur la guerre d’Algérie. Mais, qu’il s’agisse du Viêt-Nam ou de l’Algérie, nul autre que Claude Gérard n’a été victime d’un pareil acharnement. Celle-ci a pourtant des titres éclatants : responsable régionale de maquis pendant l’occupation, arrêtée, torturée, condamnée à mort par la Gestapo, elle échappe de justesse à l’exécution grâce à la libération de Limoges par les F.F.I.
Comment expliquer le maintien en prison de cette chrétienne et de cette patriote exemplaire ? Est-ce parce qu’elle est allée au milieu de fellaghas algériens ? D’autres journalistes ont fait de même. Encore tout récemment, des reportages étaient publiés sur certains maquis. Leurs auteurs, et c’est fort bien, ne furent nullement inquiétés.
En prolongeant la détention de Claude Gérard, les autorités responsables cèderaient-elles tout simplement au chantage des ultra-colonialistes ? Le « Temps de Paris », qui avait engagé contre elle une campagne ignoble, est mort. Par ailleurs, des témoignages innombrables d’estime et d’amitié se sont manifestés en faveur de Claude Gérard. Ils émanent souvent d’hommes d’idées opposées aux siennes, mais qui reconnaissent sa sincérité et sa générosité. Le gouvernement n’aurait rien à craindre de sa majorité en libérant Claude Gérard.
Alors il faut poser la question :
Claude Gérard n’est-elle pas maintenue en geôle parce qu’elle est allée dans les maquis des M.N.A. ?
La persécution dont ce parti est victime, même de la part de certains milieux de gauche, n’est-elle pas étendue volontairement à une journaliste qui n’a fait que porter témoignage en ce qui concerne l’action de ce parti ?
N’est-il pas devenu de règle d’observer à l’égard du M.N.A. un certain silence complice de la répression ?
41 Algériens à Saint-Etienne, 33 à Paris, des dizaines d’autres à Lille, à Nancy, à Metz, à Châteauroux, à Toulouse sont poursuivis en quelques jours devant les tribunaux. Silence. Ils sont accusés d’appartenir au M.N.A. L’on dénie à ce parti tout rôle déterminant dans les manifestations et les grèves. L’on s’interdit par là même de parler des victimes de la répression qui a lieu sous le signe du M.N.A.
L’arrestation de Claude Gérard, son maintien en détention ne sont-ils pas le corollaire de cette campagne de silence.
En tout cas, il faut que cesse au plus tôt le scandale. Il faut que sans plus tarder Claude Gérard soit libérée.
A. AMYOT.